Chaque année, des comportements alimentaires délétères contribueraient à 7,94 millions décès de cause cardiovasculaire. Au-delà de la qualité de l’alimentation, le rythme des prises alimentaires semble incriminé, des études observationnelles et interventionnelles ayant suggéré l’impact du saut du petit-déjeuner dans le surpoids, l’obésité, le risque de maladie cardiovasculaire ou le diabète de type 2. Dans le même esprit, des études prospectives ont incriminé la prise alimentaire nocturne dans la dyslipidémie, le syndrome métabolique chez les femmes, etc. Au contraire, des études évoquent un effet protecteur de certaines pratiques de jeûne intermittent.
Cependant, nombre de ces travaux demeurent relativement préliminaires (modèles animaux), comportent des biais importants, n’ont porté que sur des facteurs de risque cardiovasculaire, etc.
Alors que le mode de vie occidental favorise justement des changements de comportements alimentaires avec saut du petit-déjeuner, voire du déjeuner, dîners tardifs et grignotages, des chercheurs espagnols et français ont voulu confirmer l’association entre l’heure du premier et du dernier repas de la journée, le nombre de prises alimentaires dans la journée ou le temps de jeûne nocturne d’une part, et le risque de maladie cardiovasculaire d’autre part (1).
Vaste étude de cohorte
Pour ce faire, les auteurs ont recouru à la cohorte NutriNet-Santé (cohorte française de recherche en épidémiologie nutritionnelle coordonnée par l’Inserm, l’Inrae la Cnam, les Universités Sorbonne Paris Nord et Paris Cité). Les données de près de 103 400 participants – dont environ 80 % de femmes de 42 ans d’âge moyen – ont été utilisées. L’heure des repas et le nombre de prises alimentaires ont été estimés à partir de plusieurs déclarations réalisées en ligne par les participants concernant l’ensemble de leurs prises alimentaires pendant plusieurs séquences de 24 heures (5,7 par participant en moyenne). Les participants ont aussi été interrogés tous les six mois sur leur état de santé, et notamment sur d’éventuels évènements cardiovasculaires. Concernant l’analyse statistique, divers facteurs de confusion potentiels (âge, sexe, situation familiale, etc.) ont été pris en compte.
Résultat : pendant le suivi – d’une durée médiane de 7,2 ans –, 2 036 cas incidents de maladies cardiovasculaires ont été détectés, dont 988 cas de maladies cérébrovasculaires, et 1 071 de coronaropathies.
Petit-déjeuner tardif délétère
Il se dégage qu’un premier repas tardif – par exemple lié au saut du petit-déjeuner – semble lié à un surrisque de maladie cardiovasculaire. D’après la publication, « chaque heure de retard du premier repas de la journée était associée à un plus haut risque de maladies cardiovasculaires (HR = 1,06) ». Par exemple, une personne qui a pour habitude de manger pour la première fois à 9 h 00 aurait 6 % de risque en plus d’avoir une maladie cardiovasculaire qu’une personne qui a l’habitude de manger à 8 h 00 (2).
Dîner tardif et surrisque de maladie cardiovasculaire
Une dernière prise alimentaire tardive apparaît également délétère. Car, dans l’étude, chaque heure de retard du dernier repas de la journée s’accompagnait d’un surrisque de maladies cardiovasculaires de 8 %. Si bien que s’alimenter après 21 heures amenait un risque de maladie cardiovasculaire 13 % (HR = 0,13) plus élevé – et de maladie cérébrovasculaire 28 % (HR = 0,28) plus élevé – qu’une prise alimentaire à 20 heures.
Ces associations entre petit-déjeuner et dîner tardifs, et risque cardiovasculaire, apparaissent davantage marquées chez les femmes.
Jeûne prolongé protecteur
Le jeûne nocturne prolongé semble au contraire protecteur vis-à-vis des maladies cérébrovasculaires. Selon l’étude, « chaque heure additionnelle de jeûne nocturne était associée à un risque 7 % plus bas de maladie cérébrovasculaire ». Le temps de jeûne n’avait toutefois pas d’impact sur le risque cardiovasculaire global ou le risque de maladie coronaire.
Dans ce travail, aucune association n’a été retrouvée entre heure des repas ou nombre de prises alimentaires et maladies coronaires en particulier. De même qu’aucun lien n’a été mis en évidence entre nombre de prises alimentaires et risque cardiovasculaire global.
Au total, un rythme alimentaire combinant un premier repas et une dernière prise alimentaire précoces, avec un jeûne nocturne prolongé, pourrait s’avérer intéressant en termes de prévention cardiovasculaire. Quoi qu’il en soit, ces résultats restent à confirmer par d’autres études. Car le présent travail présente quelques biais, comme une absence de prise en compte des temps et heures de sommeil dans l’analyse principale, un manque de données sur l’exposition à la lumière pendant la nuit ou la pratique d’activité physique tardive, etc.
(1) A Palomar-Cros, V.A Andreeva, LK Feuzeu, et al., Dietary circadian rhythms and cardiovascular risk in the prospective NutrioNet-Santé cohort, Nat Commun 14, 7899 (2023)
(2) Inserm, Manger de bonne heure pourrait réduire le risque cardio-vasculaire
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?