Hormis l'hyperaldostéronisme primaire, les autres causes d'HTA secondaire sont l’atteinte rénovasculaire, une néphropathie, plus rarement un syndrome de Cushing, un phéochromocytome, une coarctation de l'aorte… Le syndrome d'apnées du sommeil est considéré comme le facteur favorisant le plus fréquent. « Une étude menée en Bretagne avait pourtant montré que l'atteinte rénovasculaire était la plus souvent recherchée en pratique. C'est doublement inadapté : c'est une cause peu fréquente, et même lorsqu'elle est retrouvée, la dilatation de l'artère rénale rétrécie ne donne pas ou peu de bénéfices thérapeutiques », souligne le Dr Thierry Denolle (hôpital de Saint-Malo).
Tenir compte du profil du patient
« Plus un patient est jeune, plus la probabilité qu'il s'agisse d'une HTA secondaire est élevée. Avant douze ans, une cause secondaire est à rechercher systématiquement. Le plus souvent, on retrouve une maladie des reins ou une coarctation de l'aorte, plus rarement une pathologie monogénique. La femme hypertendue de moins de 40 ans, avec un désir d'enfant, est un cas particulier : la recherche d’une cause secondaire est souhaitable pour éviter d’aller au-devant de complications importantes, en l’absence de dépistage avant sa grossesse », détaille le Dr Denolle.
À l'inverse, plus le patient est âgé et plus la probabilité d'une HTA secondaire diminue. Au-delà de 40 ans, sa recherche systématique n'est plus justifiée, mais le contexte est à prendre en compte. Il est nécessaire de s’enquérir d’une HTA secondaire devant une HTA résistante à trois médicaments antihypertenseurs et confirmée par une mesure ambulatoire de la pression artérielle (PA), une HTA sévère, maligne, ou qui se dégrade brutalement. Il en est de même devant un tableau clinique évocateur de syndrome de Cushing, de phéochromocytome ou de syndrome d'apnées du sommeil. Il convient enfin de vérifier les substances prises par le patient, à la recherche d'une cause iatrogénique : pilule œstroprogestative, vasoconstricteurs nasaux, amphétamines, immunosuppresseurs, certaines chimiothérapies (inhibiteurs du VEGF ou des tyrosine-kinases). « Les patients développant une HTA sont souvent très bons répondeurs à la chimiothérapie. Nous essayons alors de diminuer la PA sans arrêter leur traitement », souligne le Dr Denolle. Certaines drogues (cocaïne), l'alcool et la réglisse peuvent encore être incriminées.
Quelles recherches étiologiques ?
Dans une étude brésilienne menée en 2011 sur la prévalence des causes d'HTA résistantes, 64 % des patients (n = 125) avaient un syndrome d'apnées du sommeil, 6 % un hyperaldostéronisme primaire, 2 % une sténose de l'artère rénale, 2 % une insuffisance rénale chronique ou une cause iatrogène. Pour un tiers d’entre eux, aucune origine secondaire n’a été retrouvée. « Les trois grandes étiologies endocrines principales sont l'hyperaldostéronisme primaire (plus fréquemment), l'hypercorticisme et les paragangliomes (dont le phéochromocytome), confirme le Dr Denolle. Un hyperaldostéronisme primaire est recherché devant une HTA résistante ou sévère avant 40 ans, une hypokaliémie, et la découverte d'une masse surrénalienne. Il est également suspecté en cas d’association d'une HTA et d'une fibrillation atriale sans cause retrouvée. Enfin, il faut y penser en présence d'autres cas dans la famille, car il existe de rares causes monogéniques d'hyperaldostéronisme primaire ».
On recherche un phéochromocytome devant l'association de céphalées à des sueurs et palpitations, en cas d'HTA sévère ou résistante, de découverte d'une masse de plus de quatre centimètres au niveau des surrénales, en présence d'une maladie génétique (de von Hippel-Lindau, neurofibromatose de von Recklinghausen) ou d'un syndrome de néoplasie endocrinienne multiple de type 2A. Lorsqu'une sténose de l'artère rénale est retrouvée, il s'agit le plus souvent de patients athéromateux (avec des antécédents d'artérite, de coronaropathie ou d'AVC), mais une exploration est néanmoins nécessaire en cas d'HTA résistante ou d'insuffisance rénale s'aggravant brutalement ou devant des œdèmes aigus pulmonaires flashs inexpliqués. Il faut aussi penser à la dysplasie fibromusculaire de l'artère rénale, notamment chez une jeune femme avec une HTA sévère ou résistante ou en cas d'atteinte dans un autre territoire. Il existe enfin des associations à d'autres atteintes rénovasculaires beaucoup plus rares (dissection de l'artère rénale, infarctus rénal, maladie de Takayasu…).
Ainsi, il faut toujours penser à l'HTA secondaire devant un patient hypertendu, mais la rechercher seulement chez certains sujets. « Devant une suspicion de cause secondaire, il est de toute façon préférable de passer la main à des centres d'excellence en HTA ou des cliniques spécialisées (blood pressure clincs), maintenant présents sur tout le territoire français. Par exemple, le diagnostic de l'hyperaldostéronisme primaire nécessite des dosages hormonaux, dans des conditions difficilement réalisables en ville », conclut le Dr Denolle.
D’après un entretien avec le Dr Thierry Denolle, centre d'excellence européen d'hypertension artérielle (hôpital de Saint-Malo)
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