Les cardiopathies ischémiques sont responsables de près de 50 % des décès de cause cardiovasculaire enregistrés dans le monde, et leur prévalence est en augmentation. Si le traitement a progressé depuis les années 1990, des inégalités de genre et de sexe persistent dans la prise en charge : les femmes continuent de payer un tribut disproportionné à ce type de pathologies.
En effet, tandis que les cardiomyopathies ischémiques se révèlent moins fréquentes chez les femmes, dans cette population, et en particulier chez les patientes les plus jeunes, la maladie s’avère associée à une mortalité et une morbidité plus élevées. Sont notamment en cause un sous-diagnostic et un sous-traitement — avec moins d’angiographies, moins d’interventions coronaires percutanées, et des prescriptions médicamenteuses non conformes aux recommandations.
Sous-représentées dans les études
Mais même la conduite à tenir préconisée par les sociétés savantes pour la prise en charge des cardiopathies ischémiques pourrait s’avérer inadaptée aux femmes. Et pour cause : la littérature scientifique sur laquelle sont basées ces recommandations, à l’instar de celles de la Société européenne de cardiologie (ESC) en 2019, pourrait ne pas avoir considéré d’éventuelles différences liées au sexe et au genre. Telle est l’hypothèse formulée par les auteurs — français, allemands et belges — de la présente étude parue cet été dans le Lancet Regional Health Europe (1).
Pour examiner cette hypothèse, les chercheurs ont analysé les publications citées par les recommandations de l’ESC de 2019 sur les syndromes coronariens chroniques.
Conclusion : pour les 20 recommandations étudiées, fondées sur des études clairement identifiables (sur un total de 25 recommandations), les données citées concernent trop peu des questions relatives au sexe et au genre.
D’abord, les femmes étaient très sous représentées dans les 108 études utilisées par l’ESC pour élaborer ses recommandations, ces travaux ayant globalement inclus moins de 27 % de femmes (432 284 participantes sur plus d’1,6 million de patients inclus).
De plus, peu d’études étaient fondées sur des méthodologies capables de tenir compte de différences liées au sexe. Selon la publication, « seules trois avaient incorporé des schémas sensibles au sexe (sex-sensitive), et aucune n’était spécifique au sexe (sex-specific) », notent les auteurs.
Trouble entre « sexe » et « genre »
Par ailleurs, rien que le terme « genre » apparaissait peu et improprement utilisé : il demeurait totalement absent de plus de 80 % des publications citées, et ses rares mentions apparaissaient relatives au sexe biologique.
Ainsi, au total, sur les vingt recommandations émises par la société savante, seulement quatre mentionnent la notion de « sexe », et proposaient une conduite à tenir différenciée en fonction de ce paramètre, à l’instar du dépistage, qui est notamment chez les personnes ayant une histoire familiale (parent du premier degré) de maladie cardiovasculaire précoce, définie comme apparue avant 55 ans chez les femmes, et avant 65 ans chez les hommes. Et aucune étude ne recourait à la notion de « genre ».
(1) Kathleen Bastian-Pétrel, Jessica L. Rohmann, Sabine Oertelt-Prigione, et al. Sex and gender bias in chronic coronary syndromes research: analysis of studies used to inform the 2019 European Society of Cardiology guidelines. The Lancet Regional Health Europe. Volume 45. 101041. October 2024
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