Dix ans après les données de l’étude ENNS, l’étude Esteban a permis de fournir une nouvelle estimation de la prévalence, du diagnostic et de la prise en charge de l’HTA en France (1). « Elle a en particulier montré que la proportion de femmes hypertendues traitées pharmacologiquement était plus basse en France que dans la moyenne des pays de même niveau socio-économique (49,1 % contre 61,7 %), explique la Pr Claire Mounier-Vehier. Par ailleurs, chez les femmes, l’augmentation de la corpulence et une diminution du niveau d’activité physique, pourraient partiellement expliquer l’élévation significative de la pression systolique avant 65 ans et de la diastolique après 65 ans entre 2006 et 2015 ».
Pour toutes ces raisons, la proportion de femmes dont l’HTA est traitée et contrôlée a diminué entre 2006 et 2015, passant de 36,1 % à 29,5 % des femmes hypertendues.
La Société française d’hypertension artérielle a très récemment présenté ses toutes dernières recommandations en matière de prévention et de prise en charge de l’hypertension artérielle et des spécificités du risque cardiovasculaire chez la femme (2), en partenariat avec la Fédération française de cardiologie (www.fedecardio.org).
Un risque cardiovasculaire spécifique
L'importance du dépistage de l'HTA chez les femmes doit être soulignée. « Il doit être en particulier systématique aux trois périodes clés de leur vie hormonale. Il s’agit des périodes d’utilisation des traitements hormonaux, en particulier la contraception, ainsi que la grossesse et la ménopause », précise la Pr Mounier-Vehier.
Ce consensus d’experts propose une nouvelle stratification du risque spécifique adaptée à la femme française. Celle-ci peut être rapprochée de la classification américaine du risque cardiovasculaire dédiée aux femmes, qui tient compte de leurs spécificités hormonales et de leurs situations cliniques spécifiques (3). Elle a aussi tenu compte de la toute récente recommandation européenne sur la stratification du risque cardiovasculaire du patient hypertendu (4). « À la ménopause, en particulier, toutes les femmes sont à haut risque car la carence estrogénique favorise l’apparition d’un syndrome métabolique, d’une rigidité artérielle, d’une hypertension artérielle systolique et elle majore le risque de thrombose. Il est également nécessaire de souligner la nécessité d'une hygiène de vie optimale, préventive dès le plus jeune âge, pour combattre les autres facteurs de risque fréquemment associés, principalement le tabac, la sédentarité et le surpoids ». Le tabac, le diabète et le stress ou encore la précarité sont par ailleurs davantage délétères chez la femme.
Les nouvelles recommandations devraient permettre la mise en place rapide d’un dépistage plus systématique du risque cardiovasculaire chez les femmes, à chaque période clé hormonale, en particulier à la périménopause, où le risque s’envole en l’absence d’une hygiène de vie préventive efficace. « La mise en place d'un suivi personnalisé tout au long de la vie des femmes à risque permet d’adapter les stratégies de prise en charge et de guider la prescription, ou l’absence de prescription des traitements hormonaux, contraception et traitement hormonal de la ménopause, en s’appuyant sur des parcours de soins dédiés. ».
D'après un entretien avec la Pr Claire Mounier-Vehier, cardiologue au CHU de Lille et présidente de la Fédération française de cardiologie
(1) Perrine A-L, Lecoffre C, Blacher J, et al. Hypertension in France: prevalence, treatment and management in 2015 and temporal trends since 2006. BEH 2018;10:170-9.
(2) Mounier-Vehier C, Bejan-Angoulvant T, Boivin JM, et al. HTA, hormones etfemme. Société Française d’Hypertension Artérielle Ed, Paris, 2018 [en ligne, sur le site de la Société française d’hypertension artérielle www.sfhta.eu].
(3) Mosca L, et al. Effectiveness-based guidelines for the prevention of cardiovascular disease in women--2011 update: a guideline from the American Heart Association. Circulation 2011; 123:1243–62.
(4) Williams B, Mancia G, Spiering W, et al. 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension. Eur Heart J 2018;39(33):3021-3104.
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