Une hypertension artérielle (HTA) diagnostiquée avant 40 ans est associée à un risque accru de pathologie cardiovasculaire et de décès 10 ans plus tard, selon 2 études publiées ce mardi dans le « JAMA » qui montrent en outre une proportion non négligeable de jeunes adultes (60 %) souffrant d'HTA. Pour les auteurs de ces 2 travaux, cette association significative valide la nouvelle définition de 2017 de l'hypertension artérielle de l'association américaine de cardiologie (AHA) : plus de 120 mmHg en systolique et plus de 80 mmHg en diastolique.
La première étude, menée par les chercheurs américains de l'université Duke de Caroline du Nord, porte sur la relation entre un diagnostic confirmé d'HTA avant 40 ans et le risque de pathologie cardiaque dans les années suivantes. Les auteurs ont analysé les données de la cohorte prospective CARDIA (Coronary artery risk development in young adults) qui inclut 5 115 adultes de moins de 30 ans depuis sa mise en place en 1985.
Cette population a été divisée en 4 sous groupes : les 2 574 personnes normotendues, les 445 ayant une tension élevée non traitée (120 à 129 mmHg en systolique et moins de 80 mmHg en diastolique), les 1 194 hypertendus de grade 1 non traités (130 à 139 mmHg en systolique ou plus de 80 mmHg en diastolique) et les 638 hypertendus de grade 2 (plus de 140 mmHg en systolique et plus de 90 mmHg en diastolique) non traités.
En près de 18 ans, 4 851 personnes ont été suivies en continu. Les études ont rapporté un total de 228 évènements cardiovasculaires, dont 109 coronaropathies, 63 AVC, 48 cas d'insuffisance cardiaque et 8 pathologies artérielles périphériques. Après ajustement sur les différents facteurs de risque (obésité, tabagisme, antécédents familiaux…) et après comparaison aux participants normotendus de la cohorte, les patients ayant une tension élevée, les hypertendus de grade 1 et de grade 2 présentaient un risque significativement augmenté d'évènement cardiovasculaire de 67, 75 et 249 %, respectivement.
Quid de la prévention médicamenteuse ?
Selon les données de la littérature, la plupart des jeunes adultes hypertendus ont un risque faible d'évènement cardiovasculaire à 10 ans, les excluant des recommandations thérapeutiques en prévention primaire. Ces nouvelles données montrent que l'HTA de grade 2 du jeune adulte est associée à une augmentation de la mortalité toute cause confondue au-delà de 10 ans de suivi.
Est-ce un argument suffisant pour envisager un traitement antihypertenseur chez les jeunes adultes hypertendus, en plus d'une intervention sur le mode de vie ? Les auteurs se gardent bien de sauter le pas, et estiment que des études randomisées seraient nécessaires pour prouver qu'un traitement antihypertenseur réduit effectivement le risque de pathologie cardiovasculaire et de décès.
Des telles études sont d'ailleurs difficilement envisageables au regard du long suivi nécessaire pour le démontrer. Aussi, les chercheurs préconisent-ils de mesurer l'effet d'un tel traitement sur des critères de jugement plus précoces tels que l'hypertrophie ventriculaire gauche ou la calcification coronaire. Quoi qu'il en soit, les auteurs se félicitent du fait que « les nouvelles limites de l'hypertension artérielle AHA/ACC permettent de dépister les jeunes adultes à risque cardiovasculaire plus élevé ».
Association confirmée par les données sud-coréennes
Ces données américaines ont été confirmées par les résultats d'une seconde étude de cohorte sud-coréenne également publiée dans le « JAMA ». Le Dr Joung Sik Son et ses collègues de l'hôpital universitaire de Séoul, ont analysé les données de près de 2,5 millions de jeunes adultes issues de l'assurance maladie sud-coréenne, pour lesquels la tension avait été mesurée au moins 2 fois entre 2002 et 2005. Les chercheurs du pays du matin calme ont utilisé la même stratification que leurs collègues américains et ont trouvé des résultats concordants, à savoir une augmentation du risque cardiovasculaire de 25 % chez les hommes avec une HTA de grade 1, et de 27 % chez les femmes, au cours des 10 ans qui suivent.
Dans un éditorial associé aux 2 études, le Pr Ramachandran Vansan de l’école de médecine de Boston, note « la forte proportion d'adultes n'ayant pas une tension dans la norme » : presque 60 %. Elle estime que cette proportion a pu être artificiellement gonflée par le suivi réalisé au cours de ces travaux, qui n'est pas nécessairement le reflet de la pratique clinique quotidienne.
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