PAR LE Dr FRANÇOIS DIÉVART*
LES DERNIÈRES recommandations anglaises pour la prise en charge de l’hypertension artérielle (disponibles sur le site Internet du NICE : www.nice.org.uk) préconisent un schéma très simple reposant essentiellement sur deux groupes thérapeutiques. Ainsi, la première étape du traitement ne comprend que deux groupes : un antagoniste calcique chez les patients de 55 ans ou plus et chez les noirs, un bloqueur du système rénine-angiotensine chez ceux de moins de 55 ans qui ne sont pas noirs. Puis, si la cible tensionnelle n’est pas atteinte, la seconde étape est d’utiliser un bloqueur du système rénine-angiotensine associé à un antagoniste calcique.
Les diurétiques constituent un choix de troisième intention, lorsque la pression artérielle n’est pas contrôlée au terme de la deuxième étape. Sauf cas spécifique, ces recommandations excluent donc les bêtabloquants des trois premières étapes de la prise en charge pharmacologique de l’HTA.
Ce schéma repose sur une importante analyse de la littérature où sont pris en compte l’efficacité tensionnelle prévisible des traitements en fonction de l’âge et de l’ethnie, le bénéfice clinique démontré, le rapport coût-bénéfice et… le pragmatisme.
Diminuer l’incidence des œdèmes des membres inférieurs sous antagonistes calciques.
Un des principaux effets indésirables des antagonistes calciques est la survenue d’œdèmes des membres inférieurs (OMI). Cet effet peut entraîner un arrêt du traitement et n’est pas prévenu ou atténué par l’utilisation d’un diurétique. En revanche, les bloqueurs du système rénine-angiotensine peuvent diminuer l’incidence des OMI survenant sous antagoniste calcique. Ainsi, dans une méta-analyse publiée dans l’American Journal of Medicine (1), il a été démontré que l’incidence des OMI est significativement diminuée, de 38 % en valeur relative, lorsqu’un bloqueur du système rénine-angiotensine est associé à un antagoniste calcique. Bien que les études ayant évalué des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des antagonistes des récepteurs à l’angiotensine 2 (ARA 2) aient été effectuées à des époques différentes et qu’elles ne soient pas comparables, ce travail suggère, par ailleurs, que les IEC seraient plus efficaces que les ARA II, avec des diminutions relatives du risque d’OMI de 54 % pour les IEC et de 21 % pour les ARA II.
Ce travail renforce donc indirectement l’intérêt d’associer un antagoniste calcique et un bloqueur du système rénine angiotensine.
Une prévention différente de l’insuffisance cardiaque selon la classe thérapeutique.
Afin d’évaluer s’il y a une différence en termes de prévention de l’insuffisance cardiaque, selon la classe d’antihypertenseurs utilisée, une équipe italienne a conduit une métaanalyse d’essais comparant divers antihypertenseurs.
Les essais analysés avaient inclus 223 313 patients et ont montré que, par rapport au placebo, les diurétiques, les IEC et les ARA II sont les classes thérapeutiques les plus efficaces pour prévenir la survenue d’une insuffisance cardiaque (risques relatifs respectifs : 0,59 ; 0,71 et 0,76 par rapport au placebo). Les antagonistes calciques sont moins efficaces que les trois classes précédentes mais le sont davantage que le placebo (risque relatif : 0,84) alors que les alphabloquants et les bêtabloquants ne sont pas plus efficaces que le placebo pour diminuer le risque d’insuffisance cardiaque.
Une meilleure observance sous antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II.
Lorsqu’un traitement antihypertenseur est prescrit, quelle est la classe qui a le plus de probabilité d’être maintenue à long terme ? C’est à cette question qu’a voulu répondre une équipe américaine en effectuant une métaanalyse des 17 études évaluant avec des critères pertinents l’observance moyenne à 12 mois.
L’observance a été globalement faible et surtout très variable selon la classe thérapeutique utilisée, allant de 28 % seulement avec les bêtabloquants à 65 % avec les ARA II.
Par ailleurs, dans les études comparatives, les ARA II ont été les antihypertenseurs garantissant la meilleure observance à long terme et les diurétiques la classe associée à la moins bonne observance.
La littérature récente semble donc conforter le bien-fondé du schéma thérapeutique proposé par les recommandations anglaises de 2011. Dès 2009, une métaanalyse avait montré que toutes les classes d’antihypertenseurs procurent un même bénéfice en termes de réduction du risque d’infarctus du myocarde et que les antagonistes calciques sont supérieurs aux autres classes pour diminuer le risque d’AVC alors que les bêtabloquants sont inférieurs aux autres classes sur ce critère.
Les bêtabloquants ne diminuant pas le risque d’insuffisance cardiaque et étant associés à la moins bonne observance à long terme, il semble logique que cette classe thérapeutique puisse être réservée à quelques situations cliniques spécifiques, tels les cas de jeunes patients ayant des signes d’activation sympathique.
*Clinique Villette, Dunkerque.
(1) Makani H, et al. Effect of renin-angiotensin system blockade on calcium channel blocker-associated peripheral edema. Am J Med 2011;124:128-35.
(2) Sciarretta S, et al. Antihypertensive treatment and development of heart failure in hypertension: a Bayesian network meta-analysis of studies in patients with hypertension and high cardiovascular risk. Arch Intern Med 2011;171(5):384-94.
(3) Kronish IM, et al. Meta-analysis: impact of drug class on adherence to antihypertensives. Circulation 2011;123(15):1611-21.
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