L’ÉTUDE PUBLIÉE par l’équipe française donne des résultats originaux illustrant le potentiel de plasticité cérébrale. Ils montrent que, chez un patient transplanté des deux mains, la représentation correspondante dans le cortex moteur est réactivée.
À la suite d’une amputation portant sur le membre supérieur, « le cortex moteur primaire humain (M1) est le lieu d’une considérable réorganisation qui persiste à long terme ». « L’allogreffe des mains offre une opportunité unique d’étudier la réversibilité de tels changements corticaux », écrivent les chercheurs du Centre de neurosciences cognitives (Claudia Vargas, Angela Sirigu et coll.) avec Jean-Michel Dubernard et Palmina Petruzzo (Transplantation) de l’hôpital Edouard-Herriot à Lyon .
Les investigations par IRM fonctionnelle ont montré que la région M1 ne reste pas inactive, mais est le siège d’une réorganisation considérable après une amputation d’une main. La représentation des muscles préservés du bras s’étend, envahissant des régions de M1 antérieurement dédiées à la main et la région est activée par les mouvements musculaires du membre supérieur. « Il est vraisemblable que les neurones antérieurement utilisés pour la main sont réassignés au contrôle des muscles proximaux résiduels du membre », expliquent les chercheurs.
La face et l’avant-bras.
Par ailleurs, les régions du cortex moteur de la main sont bordées par des zones responsables des muscles de la face et de l’avant-bras. On s’aperçoit, toujours après l’amputation d’une main, que les représentations de la face et de l’avant-bras s’étendent dans le cortex désafférenté. On a aussi observé que l’expansion des mouvements des lèvres dans l’aire précédemment dédiée à la main est corrélée positivement avec l’importance des douleurs du membre fantôme.
Les neurobiologistes ont suivi l’évolution des modifications dans M1 chez deux patients greffés des deux mains, initialement droitiers.
Ils ont utilisé une technique de stimulation magnétique transcrânienne, méthode par laquelle les neurones corticaux sont excités par un champ magnétique pulsé, ce qui permet de suivre l’activité (les impulsions électriques) des neurones correspondant aux différents muscles du membre supérieur.
Chez le patient LB, qui a été transplanté trois ans après une amputation traumatique, on a suivi de manière longitudinale l’émergence des muscles intrinsèques (du donneur) de la main dans M1, ainsi que les modifications de la représentation des muscles du moignon (partie haute et basse de l’avant-bras). Il a été testé onze mois avant la greffe, puis à différents stades jusqu’à vingt-six mois après.
Les représentations des mêmes muscles ont également été suivies chez le patient CD qui est le premier receveur d’une double allogreffe de la main, opéré trois ans après l’amputation. Il a été testé cinquante et un mois après la greffe.
Différence entre la main gauche et la main droite.
Globalement, on constate un rétrécissement des représentations des muscles du moignon qui coïncide avec une acquisition de celle des muscles intrinsèques. Et aussi que la réorganisation des aires couvrant les mains se réalise de manière asymétrique, chez un patient comme chez l’autre. Ainsi, les muscles intrinsèques transplantés ont acquis une représentation corticale dans chez le patient LB détectable dix mois après la greffe pour la main gauche et vingt-six mois après pour la main droite.
Chez le patient CD, la stimulation magnétique transcrânienne réalisée cinquante et un mois après la greffe, montre que le rétrécissement des représentations des muscles du moignon est net pour la main gauche, mais beaucoup moins pour la droite. Les auteurs proposent des hypothèses pour tenter d’expliquer cela : « une tendance qu’auraient les représentations des muscles de la main gauche après l’amputation à être proches des valeurs normales physiologiques, et/ou peut-être un dysfonctionnement de la réinstallation des boucles sensorimotrices du côté droit ».
Proc Natl Acad Sci USA, édition en ligne.
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