LA CHIRURGIE orthopédique et traumatologique étant dans la grande majorité des interventions qu’elle réalise, une chirurgie fonctionnelle (et non vitale), il n’est pas toujours facile d’en apprécier objectivement le bénéfice réel. En effet, cette appréciation inclut inévitablement une composante subjective, à la fois fluctuante et variable d’un sujet à un autre, car soumises à toutes sortes d’influences psychologiques, sociales…
L’approche unificatrice de la qualité de vie.
Sous réserve d’en développer une méthodologie valide bien que parfois complexe, la perspective autorisée par le bais analytique de « la qualité de vie » se révèle particulièrement avantageuse. Elle est en effet applicable, comme instrument de mesure universelle, à pratiquement toutes les étapes du parcours de soins du patient : décision chirurgicale, prévisions préopératoires du résultat postopératoire, effet à court ou long terme d’un traitement dans une maladie chronique… Un exemple illustrant l’intérêt d’une telle approche en pathologie de l’appareil locomoteur est donné par les fractures de fragilité symptomatiques de l’ostéoporose, dont l’impact sur la qualité de vie n’est plus à démontrer. Dès le premier contact avec le soignant, le patient, dans cette situation pathologique, décrit sans sollicitation particulière, la détérioration de sa qualité de vie et les attentes de correction qu’il souhaite de ce point de vue.
Une notion classique progressivement quantifiée.
Le développement économique et les acquis sociaux de l’après guerre dans les régions les plus développées du monde industriel ont fait apparaître que la longévité n’était pas l’unique objectif poursuivi par les individus. Graduellement, une espérance individuelle supplémentaire s’intégrant dans la notion de bien-être s’est imposée.
Cette dérive qualitative des attentes de la population, en direction de laquelle les professionnels de santé ont été très tôt sollicités, s’est révélée initialement déroutante pour ces derniers, dans la mesure où elle intégrait des composantes multiples ne relevant pas du domaine strict de la santé : niveau d’éducation, milieu social, milieu professionnel, situation familiale. Au sein de cet agrégat brut, mal cerné et en constante recomposition, les acteurs des systèmes de soins ont compris, aux termes de quelques années d’observation, qu’il était possible d’extraire des indicateurs mesurables et « monitorables » (de l’état physique, mental ou social). Le concept de la qualité de vie « santé-dépendante » était né. De façon similaire, pour mieux cerner le handicap établi chez un sujet donné, une classification internationale du fonctionnement de l’individu a vu le jour. Enfin, pour éviter biaiser son rôle d’observateur (en raison de son implication dans sa distribution) l’intervenant de santé a été déporté de sa mission d’évaluation. Celle-ci s’est donc retrouvée confiée au bénéficiaire des soins lui-même, finalement le mieux placé pour juger les postes sur lesquels les soins lui ont donné satisfaction et ceux à propos desquels ses attentes n’ont pas été réalisées.
Une approche méthodologique a maîtrisé.
Compte tenu de la complexité des phénomènes à étudier, il convient, à tous les niveaux, d’ajuster les moyens mis à la disposition de ce type d’analyse. En ce qui concerne les mesures, il importe de distinguer des mesures d’état (cherchant à standardiser la comparaison entre état pré- et postinterventionnel par exemple…) des mesures de préférence (tentant de corréler l’entité interventionnelle avec l’anticipation des résultats par le bénéficiaire de cette intervention). Ces mesures peuvent être génériques (appliquées à un spectre pathologique étendu ou à toute la population) ou spécifiques (de situations pathologiques données). Il convient ensuite de valider de tels outils méthodologiques, d’en fixer les limites, puis de savoir les interpréter de façon statistiquement correcte.
Un arsenal très diversifié.
Les instruments ainsi développés pour mesurer la qualité de vie sont innombrables et d’intérêt variable suivant la situation étudiée. Au sein des instruments génériques (explorant avant tout l’activité physique et ses limitations, la composante algique…), suivant les items recensés, plusieurs options sont disponibles (SF 36, profils Duke ou Nottingham). Alternativement, ces instruments peuvent être plus spécifiques (d’une maladie particulière par exemple…) ou encore personnalisés.
L’usage de la qualité de vie en chirurgie orthopédique.
Les applications de cette approche analytique sont innombrables en chirurgie orthopédique ou traumatologique. En chirurgie des fractures, on saisit tout de suite l’intérêt potentiel. Quelques exemples concrets en disent plus long qu’une explication élaborée. Ainsi, la prise en charge d’une fracture fermée de jambe par traitement conservateur immobilisateur n’a pas la même incidence pour le patient qu’une même fracture traitée chirurgicalement par ostéosynthèse.
De la même façon, lors de gros fracas ouverts squelettiques, le sauvetage (par multiples interventions squelettiques et vasculaires) réclame d’être comparé à une amputation de principe d’emblée.
Les fractures de poignet étudiées de la sorte, enseignent par exemple, que la qualité de vie, à terme, n’est pas obligatoirement compromise par une réduction non strictement anatomique.
À propos des arthroplasties, il apparaît que si les bénéfices d’une prothèse de hanche ou de genou sont confirmés, le tournant évolutif postopératoire de transformation (amélioration) de la qualité de vie du patient, est plus précocement acquis pour la hanche que pour le genou.
La chirurgie rachidienne peut également faire l’objet de cette modalité d’évaluation des résultats, qu’elle soit intervenue pour une lombalgie chronique rebelle, pour une sténose rachidienne ou encore pour corriger une scoliose.
Enfin, l’éclairage offert par cet outil d’évaluation est utilisable aussi bien en pratique clinique qu’en recherche scientifique malgré ce qui peut apparaître comme d’innombrables servitudes en matière de collecte des données initiales (étape indispensable mais susceptible d’être déléguée, « de façon encadrée », au patient lui-même).
D’après la conférence du Pr Francis Guillemin Centre d'épidémiologie clinique, INSERM CIC-EC CIE6, Service d'épidémiologie et évaluation cliniques, hôpital Marin, Nancy.
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