LE PROFESSEUR anglais est enthousiaste. Et il y a de quoi. « Nous montrons pour la première fois qu’une greffe de précurseurs de bâtonnets peut s’intégrer à la rétine dysfonctionnelle et améliorer vraiment la vision », souligne le Pr Robin Ali, de l’Institute of Ophtalmology (Londres). L’équipe avait montré six ans plus tôt qu’il était possible de greffer des bâtonnets mais sans obtenir d’amélioration visuelle notable. En optimisant la greffe, par des injections précoces d’un très grand nombre de cellules précurseurs, les chercheurs sont parvenus à restaurer la vision nocturne, dite scotopique, dans un modèle de souris aveugle la nuit.
Pour autant, il ne faut pas en espérer de révolution thérapeutique dans l’immédiat. « La démonstration est très élégante, commente le Pr José-Alain Sahel, directeur de l’Institut de la vision, à Paris. Mais ce modèle particulier ne correspond pas à un enjeu thérapeutique majeur. Il existe des sujets ayant une cécité nocturne congénitale, mais cette maladie est le plus souvent peu handicapante ! Ils ne sont pas gênés 90 % du temps, au moins. Les cônes assurent en effet la vision diurne jusqu’au clair de lune. Ce n’est que pour des luminosités plus faibles que les bâtonnets prennent le relais pour la vision dite nocturne. La gêne est bien trop minime pour envisager des traitements comportant des risques. »
Les chercheurs ont prélevé les cellules précurseurs chez des souriceaux entre J4 et J8 de vie, pour les injecter chez les rongeurs aveugles dans les cadrans inférieurs et supérieurs sous-rétiniens. Par rapport aux études précédentes, l’intégration des photorécepteurs était de 20 à 30 fois plus importante, de façon prédominante aux sites d’injection, même si la distribution a couvert plus de la moitié de la rétine. Les scientifiques ont mesuré l’intégration des photorécepteurs grâce à l’histologie et l’électrorétinographie. Quant à la cruciale question de l’amélioration fonctionnelle, elle a été évaluée en soumettant les animaux à différents tests visuels : mouvements de tête en réponse à une grille rotative, labyrinthe rempli d’eau en Y avec une plate-forme dans l’un des bras.
Le moment idéal.
Ces résultats ouvrent néanmoins de réelles perspectives. « L’étude montre bien que les cellules ont plus de chance de s’intégrer en agissant très tôt, relève le Pr Sahel. Toute la difficulté consiste ainsi à intervenir au moment idéal. Du côté du receveur, il ne faudrait pas attendre que la rétine soit trop endommagée pour réaliser la greffe. Du côté du don, les cellules à transplanter doivent être au stade de différenciation optimal. Dans le cas des bâtonnets, cela pose un problème éthique, puisque le stade de maturation des cellules transplantées chez la souris correspond chez l’homme au 2e trimestre de gestation. » Dans le même temps, d’autres voies de recherche semblent plus avancées en vue de traiter une cécité totale, l’optogénétique a permis d’améliorer toutes les fonctions visuelles chez la souris (« le Quotidien » du 25 octobre 2010).
Nature, doi:10.1038/nature10997.
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