COMMENT VONT les donneurs vivants de rein en France ? Que deviennent-ils après avoir accompli ce geste altruiste ? Quelle est leur qualité de vie et leur vécu après ce don ? Ces questions sont au cœur d’une étude élaborée et mise en œuvre par l’Agence de la biomédecine et le service d’Épidémiologie et d’évaluation cliniques (EEC) du CHU de Nancy, placée sous la responsabilité du Pr Serge Briançon. Cette enquête, dont les résultats seront bientôt rendus publics, est une première en France. « Elle constitue le premier volet d’un travail plus large qui prend la forme d’une étude de cohorte longitudinale 2009-2012 dans laquelle il est prévu d’interroger les personnes avant leur don, trois mois plus tard puis un an après, et dont nous aurons les résultats en 2013 », indique le Pr Briançon.
Cette première partie de l’enquête avait pour objectif de décrire la qualité de vie des donneurs vivants de rein en France. Elle a concerné des personnes résidant en France au moment du don et ayant été prélevées entre le 30 juin 2005 et le 1er mars 2009. Au final, trois donneurs vivants sur quatre (74 %) ont accepté de participer à l’étude, soit 501 personnes qui ont rempli et retourné le questionnaire. « C’est un très bon taux de participation. On sent vraiment chez ces personnes une volonté forte de parler de ce don et de ce qu’elles vivent aujourd’hui », souligne le Pr Briançon.
Davantage de femmes.
Les participants étaient en premier lieu des parents ayant donné à leurs enfants (36 %), puis des membres d’une même fratrie (33 %) et des conjoints (26 %). « On constate que les femmes étaient nettement plus nombreuses que les hommes (61 contre 39 %). C’est assez logique. Cela est d’abord lié au fait que l’insuffisance rénale touche davantage les hommes que les femmes. Une très grande partie des dons entre conjoints et entre parents et enfants est faite majoritairement par des femmes. Pour les dons au sein d’une fratrie, cela s’équilibre à peu près », souligne le Pr Briançon. L’âge médian de participants à l’étude est de 53 ans
Le principal enseignement de l’étude est que, globalement, ces donneurs vivants sont en très bonne santé physique et mentale. « Ils vont en moyenne mieux que la population française générale dans des tranches d’âges comparables. On remarque que plus ces donneurs sont âgés, meilleur est leur état de santé par rapport à des personnes du même âge. Cela est lié notamment au processus de sélection au départ qui se fait sur des caractéristiques de santé. On ne choisit en effet que des personnes en excellente santé », indique le Pr Briançon.
Le suivi après le don est assuré par un professionnel de santé pour 84 % des donneurs, par un néphrologue pour 60 % d’entre eux et, dans l’immense majorité des cas, dans le centre de greffe. Les données du dernier bilan annuel disponible (en moyenne 1,8 an après le don) ont essentiellement mis en évidence une diminution de la fonction rénale marquée par une augmentation moyenne de 29,6 µmol/l de la créatinémie et une réduction en moyenne de 32,2 ml/min du débit de filtration glomérulaire (DFG) calculé selon la méthode du MDRD.
« Ces résultats sont néanmoins à interpréter à la lumière du recul disponible. En effet, la cohorte étudiée inclut des donneurs suivis depuis un an (32 %) avec des donneurs suivis depuis plus de 3 ans (10 %) alors qu’il est démontré une adaptation fonctionnelle du rein restant et une récupération de la fonction rénale au-delà d’un an », soulignent les auteurs de l’étude.
Moins de douleurs avec la cœlioscopie.
Les principales plaintes concernent la qualité du suivi médical pour soixante-dix donneurs (14 %), qui se sont exprimés ouvertement sur le sujet, et les séquelles douloureuses et cicatricielles liées à l’intervention. « En fait, on constate que 66 % déclarent avoir récupéré complètement sans douleur résiduelle, mais 26 % indiquent avoir gardé des douleurs physiques résiduelles à distance du don », précise le Pr Briançon, en ajoutant que le principal facteur, associé à la survenue de complications, est le type de chirurgie utilisée. « L’étude montre un bénéfice très clair de la cœlioscopie par rapport à la chirurgie ouverte. On voit ainsi que les 261 donneurs ayant eu une cœlioscopie ont moins souvent présenté des douleurs dans les suites opératoires et ont plus souvent récupéré à distance complètement et sans aucune douleur », observe le Pr Briançon.
L’étude s’est aussi intéressée à la motivation des donneurs : pour 94 % d’entre eux, la décision de donner a été prise sans hésitation et, pour 64 %, de façon précoce dans l’évolution de la maladie rénale du proche. Dans l’immense majorité des cas, les relations entre le donneur et le receveur sont bonnes, excellentes ou meilleures qu’avant la greffe. Il est à noter cependant que seize personnes (10 %) ont estimé que ces relations avaient évolué de façon négative. « Pour la grande majorité des donneurs, leur geste n’avait rien d’héroïque, ni de sacrificiel. C’était quelque chose de naturel », souligne le Pr Briançon, en relevant quand même qu’un certain nombre de donneurs ont exprimé un sentiment de manque de reconnaissance après leur don. « Ils estiment qu’ils ont fait un geste altruiste qui n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur par la société. Un autre élément à prendre en compte est une certaine souffrance familiale parfois exprimée autour du couple donneur-receveur. Des membres de l’entourage ont exprimé le sentiment qu’ils avaient été un peu mis à l’écart ou pas suffisamment informés sur le don », indique le Pr Briançon. Au final, ce dernier retient quand même un chiffre important de l’étude : parmi les 501 personnes interrogées, 98 % seraient prêtes aujourd’hui à refaire ce don.
D’après un entretien avec le Pr Serge Briançon, chef du service Épidémiologie et évaluation cliniques (EEC) du CHU de Nancy et coordinateur de l’enquête nationale sur le niveau de qualité de vie du donneur vivant de 2009 à 2012.
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