LE QUOTIDIEN : Votre ouvrage met en exergue la stigmatisation dont sont victimes les personnes en situation d'obésité. Quels sont les principaux préjugés ?
Dr GUILLAUME POURCHER : Dans l'esprit du grand public, l'obésité est souvent la conséquence directe de comportements délétères (malbouffe, inactivité, sédentarité). Les personnes touchées par cette maladie sont considérées, à tort, comme fautives, paresseuses et responsables de leur excès pondéral. On les culpabilise et on les stigmatise. Or les déterminants comportementaux – alimentation, inactivité physique, troubles du sommeil ou mauvaise gestion des émotions – ne sont que des facteurs aggravants de l'obésité. Les principales causes sont génétiques, hormonales, liées au microbiote intestinal et aux traumatismes psychiques. Nous devons combattre la discrimination car elle accroît la prise de poids. La déculpabilisation doit être la première étape du soin.
La Haute Autorité de santé (HAS) a émis de nouvelles recommandations sur l'obésité en février 2024. Quels points essentiels retenez-vous ?
Les dernières recommandations rappellent que l'obésité est une maladie chronique, grave et complexe et qu’elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire par une équipe spécialisée ainsi que des traitements médicaux, médicamenteux ou chirurgicaux. Par ailleurs, la HAS appelle désormais les professionnels de santé à profiter de toute occasion pour dépister l'obésité, via l'indice de masse corporelle (IMC). Le sujet reste souvent tabou. Or il est indispensable de l'aborder en consultation avec compassion et bienveillance. Autre avancée majeure : la stigmatisation et ses conséquences délétères sont pointées du doigt par la HAS. Enfin, la liste des comorbidités validant l’orientation chirurgicale a été affinée avec l’inclusion de l’éventration, de l’insuffisance rénale, de l’incontinence urinaire, de l’hypertension intracrânienne, d'un antécédent de cancer ou de douleurs lombaires.
La déculpabilisation est la première étape du soin
Que pensez-vous des conditions de recours à la chirurgie bariatrique ?
La chirurgie de l'obésité concerne trois situations : les personnes dont l’IMC est compris entre 30 et 35 kg/m2 et qui ont un diabète de type 2 mal équilibré, malgré un suivi de plus d’un an (chirurgie métabolique) ; celles dont l’IMC est supérieur ou égal à 35 kg/m2 et inférieur à 40 kg/m2 avec une ou des maladies associées à l’obésité. Enfin, celles dont l’IMC est supérieur ou égal à 40 kg/m2. Ces patients n'ont pas d'autres solutions stables et durables pour améliorer leur santé et augmenter leur espérance de vie. Je m’offusque toujours de la notion de « dernier recours » concernant le traitement chirurgical. Car ne pas adresser une personne avec un IMC supérieur à 35 kg/m2 à une équipe multidisciplinaire, avec la possibilité de traitement chirurgical, équivaut à une situation de non-assistance à personne en danger !
Comment expliquez-vous la phobie de la chirurgie chez certains patients ?
L'idée reçue selon laquelle la chirurgie de l'obésité engendre un risque important de décès est largement répandue. Or ce risque reste mineur. Certes, les personnes en situation d'obésité sont, en général, plus fragiles que les autres. Ce qui augmente les risques de complications. Mais, en France, la chirurgie bariatrique, effectuée par des équipes expertes, est très sécurisée et surveillée. Elle sauve des vies. Des données françaises ont montré une réduction de la mortalité de plus de 60 % en sept ans chez les patients opérés de l'obésité par rapport aux non-opérés. Enfin, l'idée selon laquelle on pratique trop de chirurgie bariatrique en France persiste alors qu'aujourd'hui, on n'en effectue que 30 000 par an, soit deux fois moins qu'en 2018.
Les analogues du GLP-1, dont le Saxenda et le Wegovy, font perdre en moyenne 15 à 20 % du poids initial. Quel est votre point de vue sur ces traitements ?
Ces médicaments sont une chance. À mon sens, ils sont très utiles, notamment pour les patients ayant un IMC compris entre 30 et 35 kg/m2 qui ne remplissent pas les conditions pour être candidats à la chirurgie. Car la prise en charge médicale classique et les modifications hygiénodiététiques ne suffisent pas. Or l'avis récent de l’Agence du médicament [ANSM] restreint l'utilisation des analogues du GLP-1 aux patients ayant 35 kg/m2 ou plus. Cette décision me choque : elle ne cible pas les nombreux patients qui en ont vraiment besoin. Pire, elle met en concurrence les médicaments et la chirurgie bariatrique pour toute personne ayant un IMC ≥ 35 kg/m2.
Enfin, les analogues du GLP-1 représentent une solution intéressante pour les patients ayant une reprise du poids importante après une chirurgie bariatrique. En effet, une chirurgie secondaire de l'obésité est souvent moins efficace que la première et comporte plus de risques de complications post-opératoires.
« L’obésité, maladie du siècle. Ni une faute, ni une fatalité », Dr Guillaume Pourcher, XO Éditions
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?