EN FRANCE, le prélèvement d’organes sur une personne vivante est le résultat d’un long travail législatif qui a « cherché à concilier le principe de l’inviolabilité du corps humain et l’exception médicale, en somme une confrontation du droit et du besoin thérapeutique. » Avant que la loi bioéthique ne soit révisée en 2010, l’Académie de médecine analyse les risques et les bénéfices en jeu pour le donneur vivant et le receveur, en s’appuyant notamment sur le rapport d’activité de l’Agence de la biomédecine pour l’année 2007. Cette année-là, sur les 12 787 patients en attente d’une greffe d’organes, 4 666 d’entre eux ont pu être greffés à partir de 1 601 personnes en état de mort encéphalique, soit 36,4 % des patients. Ce taux de prélèvement, qui place la France en 2 e position dans le monde, conduit toutefois à une situation de pénurie.
S’agissant du rein, sur 6 181 patients en liste d’attente, 2 911 ont pu être greffés, l’autre moitié est restée en dialyse. La part prise par la greffe d’un rein provenant d’un donneur vivant était de 8 % (235 patients), une faible proportion si on la compare à celle des États-Unis où elle atteint 40 %. Pour le foie, l’écart entre besoin et offre est moins accentué : en 2007, parmi 1 887 patients (adultes et enfants) en liste d’attente, 1 061 ont pu être greffés dont 18 (1,7 %) à partir de donneurs vivants. Quant à la greffe pulmonaire, elle est encore exceptionnelle par donneur vivant. Le recours à un donneur vivant « n’est justifié que si le risque opératoire, les éventuelles séquelles physiques et/ou psychologiques pour le donneur sont acceptables et si le bénéfice pour le receveur est réel ». Ces risques sont bien sûr différents selon les organes greffés.
En matière de greffe rénale, la mortalité est estimée à 0,03 %, « presque toujours en relation avec une hémorragie due à un lâchage des ligatures sur le pédicule vasculaire rénal ». Les complications liées au prélèvement peuvent être peropératoires (observées chez 4,3 % des donneurs) ou postopératoires pour 34 % d’entre eux. À long terme, entre dix et vingt ans, indépendamment d’une hypertrophie rénale compensatrice observée chez 10 à 20 % des donneurs (et, chez les donneurs de plus de 50 ans, une fréquence d’hypertension artérielle sensiblement plus élevée que dans la population générale), la durée moyenne de vie est comparable à la population témoin. Concernant le receveur, un échec de la greffe est noté chez 2,3 % d’entre eux. La survie à court, moyen et long terme est meilleure qu’avec un rein d’origine cadavérique. Si la fin des contraintes de la dialyse trihebdomadaire est déjà un avantage, note l’Académie, l’effet favorable d’une ischémie écourtée et une compatibilité tissulaire mieux adaptée sont également de précieux avantages. « Ajoutons deux autres avantages : pour le receveur, l’obtention d’un greffon provenant d’un sujet dont les fonctions rénales ont été explorées, pour les équipes de transplantation, la possibilité de programmation des actes opératoires couplés avec le concours des chirurgiens les mieux entraînés ».
Complications.
Concernant le foie, l’hépatectomie partielle reste un geste « complexe », quelle que soit son étendue. En France, où, de 1993 à ce jour, près de 460 greffes à partir de donneurs vivants ont été réalisées, on compte deux décès, l’un en octobre 2000 et l’autre en juillet 2007. Le suivi entrepris par l’Agence de la biomédecine à partir de mai 2004, sur une période de 17 mois, concernant 72 donneurs, fait apparaître un taux de complications, toute gravité confondue de 51,5 %. Chez le donneur, la régénération du foie débute rapidement dès le 10 e jour pour reconstituer progressivement près de 90 % de la masse hépatique initiale. Les risques sont à mettre en balance avec les résultats obtenus chez le receveur.
Pour l’enfant, le bénéfice est « certain, puisque le taux de survie à 5 et 10 ans est supérieur à 80 %, meilleur que celui obtenu à partir d’un foie total provenant d’une personne en état de mort encéphalique ». En revanche, pour l’adulte, les complications postopératoires, à type de fuite biliaire, notamment, sont « plus fréquentes et surtout les taux de survie à 5 ans moins satisfaisants qu’après bipartition ou foie total » provenant d’une personne en état de mort encéphalique.
Ce bilan étant livré, l’Académie de médecine recommande toutefois que la « possibilité de recours à un donneur vivant ne doit en aucun cas faire perdre de vue que la priorité est d’améliorer la fréquence des dons post-mortem ». Dans cet état d’esprit, il est par conséquent nécessaire de tout « mettre en uvre pour réduire la proportion de refus de prélèvement chez les personnes en état de mort encéphalique, en réexaminant notamment les modalités d’expression du refus ».
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