ELLE S’APPELLE Victoria. Elle est née le 8 mars dernier dans des circonstances, ou plutôt à partir de péripéties, qui constituent une première mondiale. Sa maman atteinte d’un syndrome de Turner l’a conçue, de façon naturelle, après avoir reçu un greffon ovarien donné par sa sœur, vraie jumelle, et donc également porteuse de l’anomalie génétique.
Mosaïques pour le syndrome de Turner.
L’histoire de cette conception et de cette naissance est racontée pour le « Quotidien » par le Dr Guy Kerbrat (gynécologue-obstétricien, hôpital de Parly II, Le Chesnay) qui a mis Victoria au monde. « Ces sœurs jumelles sont toutes deux mosaïques pour le syndrome de Turner. La donneuse, porteuse de 15 % de cellules anormales, a conçu et mis au monde, de façon tout à fait naturelle deux enfants, alors que sa sœur porte 25 % de cellules anormales, n’a pas d’ovaires et est en aménorrhée primaire. » Elle avait tenté des dons d’ovocytes, à l’étranger, qui s’étaient soldés par des échecs. Ne renonçant pas et ayant eu connaissances des succès du Pr Jacques Donnez à Louvain (Belgique) dans les greffes d’ovaires, elle a pris contact avec ce gynécologue. Le « Quotidien » s’est d’ailleurs abondamment fait l’écho des travaux de cette équipe. Le médecin belge a accepté de tenter une transplantation entre les deux sœurs (interdite en France). Par cœliochirurgie, « un fragment d’ovaire a été prélevé, poursuit Guy Kerbrat, et a été implanté chez notre patiente ». Il n’y a pas eu de recours à la congélation et, s’agissant de vraies jumelles, aucun traitement immunosuppresseur n’a été nécessaire.
De retour en France, la patiente a lancé une procédure de demande de fécondation in vitro qui, étant donné les circonstances, demandait davantage de temps pour aboutir. C’est au cours de cette période d’attente, alors qu’elle avait 38 ans, qu’est survenue spontanément la grossesse. Environ 8 à 12 mois s’étaient passés entre la transplantation et la conception.
Aucun traitement hormonal.
C’est à 20 semaines d’aménorrhée que la patiente, alors inconnue du service, est prise en charge par le Dr Kerbrat pour surveillance et accouchement. « Elle nous a été adressée en raison de la pluridisciplinarité de notre centre hospitalier. Il s’agit de grossesses à haut risque, notamment en raison de possible dissection aortique. Nous bénéficions à Parly II de services de maternité, de chirurgie et de cardiologie. » Il faut également savoir que la patiente est porteuse d’un rein unique et que le début de grossesse a été marqué par une stéatose hépatique, qui s’est amendée par la suite. Aucun traitement hormonal n’a été nécessaire pour assurer le maintien de la grossesse.
« Même si l’accouchement semblait possible par voie basse, nous avons préféré recourir à la césarienne par sécurité. Une équipe de chirurgie cardiaque était prête à intervenir en cas de nécessité. Mon étonnement a été grand au cours de l’intervention de découvrir un greffon sous-péritonisé, recouvert d’adhérences. » Le Dr Kerbrat en est encore à se demander comment un ovule a pu être expulsé et franchir de tels obstacles avant d’être fécondé.
L’annonce de la naissance n’a pas été immédiate, explique l’obstétricien parisien, en raison des risques à court terme. Dans les 3 à 4 semaines la survenue d’une pathologie valvulaire aortique aurait pu justifier une intervention. L’équipe a donc voulu laisser passer ce délai de sécurité avant de s’exprimer.
Dès lors qu’une grossesse spontanée est survenue se pose la question d’une seconde maternité. « Elle n’est pas déconseillée, précise Guy Kerbrat, mais nous devons être prudents. Une contraception doit être instaurée puisque la césarienne contre-indique une grossesse dans l’année. De plus, un bilan hépatique, rénal et cardiaque sera indispensable, chez cette femme de 39 ans. Certes elle est grande et robuste et n’a pas de dilatation aortique, mais il ne faut pas négliger un risque de décès de l’ordre de 2 à 5 %. »
Le caryotype de Victoria, la bien nommée, montre qu’elle est indemne de maladie de Turner.
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