PAR LE Pr HERVÉ FERNANDEZ*
L’IMPACT des troubles hémorragiques fonctionnels du cycle menstruel sur le bien-être social, économique et psychologique, est l’un des problèmes majeurs de la période périménopausique. La prévalence est estimée proche de 25 % en période de reproduction. De 5 à 20 % des femmes, entre 30 et 49 ans, consultent pour un problème de pertes sanguines excessives et 10 % des consultations gynécologiques spécialisées sont liées à ce problème (1, 2, 3).
Afin de déterminer au mieux la stratégie thérapeutique à proposer, la question principale à poser concerne les possibilités de procréation ultérieure souhaitée par la femme. Dans tous les cas, le traitement de première intention des saignements utérins anormaux est habituellement de nature médicale avec prescription soit d’un stérilet au lévonorgestrel soit la prescription d’acide tranexamique. L’efficacité de ce traitement médical reste toujours proche de 60 %.
Lorsque les traitements médicaux échouent et que les patientes n’ont effectivement plus aucun désir de grossesse, une prise en charge chirurgicale doit leur être proposée. Le curetage à visée thérapeutique, longtemps seul recours thérapeutique, doit être placé au rang de l’histoire de la médecine car son efficacité inférieure à 50 % ne justifie plus sa réalisation. À l’opposé, l’hystérectomie pouvant souvent être réalisée dans ces indications par voie vaginale est probablement une thérapeutique excessive compte tenu d’une morbidité élevée. C’est la raison pour laquelle des techniques chirurgicales moins invasives ou mini invasives, dont la finalité est de détruire l’endomètre, ont été développées : dès 1981, la résection d’endomètre par hystéroscopie, une technique de destruction de première génération (4) et, depuis 1995, des techniques de deuxième génération utilisant la destruction thermique ou bipolaire ou par micro-ondes.
Les techniques d’hystéroscopie opératoire sont efficaces et totalement chirurgien-dépendantes. Leur taux de complications est de 4,4 % (5). Ce taux, comparé à l’efficacité des techniques de deuxième génération, qui sont reproductibles, non chirurgien-dépendante et dont la morbidité est toujours inférieure à 1 % a permis à la Cochrane, au NICE et au Collège National de Gynécologues Obstétriciens Français dans le cadre de ces recommandations pour la pratique clinique de recommander comme traitement initial après échec d’un traitement médical chez des patientes n’ayant plus de désir d’enfants.
• Les ballonnets thermiques
Actuellement trois dispositifs sont utilisables.
- Le système Thermachoice (Ethicon Women Health and Urology) est celui utilisé depuis le plus longtemps. L’appareil est composé d’un cathéter en matière plastique souple, dont une extrémité comporte un ballonnet en silicone dans lequel est située une électrode chauffante et une ailette permettant la circulation du liquide dans le ballonnet, et l’autre extrémité est reliée à une centrale de commandes et de mesures. Le ballon est introduit sans dilatation cervicale à travers le col jusqu’au fond utérin en fonction d’une hystérométrie pratiquée en préopératoire. Cette intervention, qui dure 8 minutes, peut être réalisée une fois sur deux sous anesthésie locale. Quel que soit le mode d’anesthésie utilisée, locale, locorégionale ou générale, il est souhaitable de prescrire une demi-heure avant l’intervention 100 mg de kétoprofène associé à 1 g de paracétamol. Les patientes restent en général hospitalisées entre 4 à 8 heures après l’intervention. Les suites immédiates sont habituellement marquées durant un mois par l’existence de pertes sérosanglantes minimes traduisant la résorption du phénomène de brûlure intracavitaire.
- Le ballonnet Thermablate est une évolution de la technique puisque la procédure ne nécessite que 2 minutes de traitement avec des pressions et une chaleur supérieures et intermittentes. Cependant, il n’y a pas d’étude à moyen ou long terme permettant d’évaluer son efficacité. Comme le Thermachoice, il est utilisable sous anesthésie locale.
- Le ballonnet Cavaterm a des caractéristiques, une technologie et une efficacité sensiblement identiques au Thermachoice.
• Destruction par technique bipolaire : Novasure (Hologic)
Le procédé Novasure consiste à déplier dans la cavité utérine une électrode tridimensionnelle avec treillis dans lequel circule un courant bipolaire.
Il faut dilater le col jusqu’à la bougie n° 8, réaliser une mesure de la cavité utérine et une mesure de la distance de l’isthme à l’orifice externe du col, puis une distance interostiale. La mesure de la cavité isthme–fond utérin et interostiale est programmée sur le générateur et sur le dispositif inséré. La procédure dure de 90 à 120 secondes. Si une perforation utérine se produit ou si le col n’est pas étanche, elle ne pourra débuter et le générateur n’est pas activé. L’intervention peut être réalisée sous anesthésie locale, régionale ou générale.
• HydroThermAblation – HTA – (Boston)
La technique consiste à dilater le col jusqu’à la bougie n° 8 et à introduire dans la cavité utérine, sous contrôle hystéroscopique, un dispositif par lequel va circuler une solution de sérum salé chauffée à 90°. La procédure de chauffage dure environ 2 minutes et la procédure de destruction 10 minutes. Toute perte de liquide arrête automatiquement la procédure. À la fin de la procédure, il est nécessaire d’attendre le refroidissement du liquide avant de retirer le dispositif pour éviter tout risque de brûlure du vagin.
• Micro-Ondes – MEA – (Microsulis)
La technique nécessite une dilatation du col jusqu’à la bougie n° 8 et l’introduction du dispositif contenant la sonde micro-ondes. Celle-ci est branchée sur un générateur qui va guider la température. Durant les 3 à 4 minutes que dure la procédure, la sonde doit être régulièrement changée de place dans la cavité utérine afin d’en détruire toutes les faces.
Ces quatre dispositifs représentent la quasi-totalité des dispositifs de deuxième génération utilisés dans le monde. Aucun traitement préopératoire systématique n’est nécessaire avant la réalisation des interventions. Les contre-indications habituelles sont les utérus augmentés de volume avec hystérométrie supérieure à 11 cm, la notion de myome sous-muqueux, de polypes ou de cloisons utérines qui rendent imparfaite l’application dans la cavité utérine de trois de ces quatre dispositifs excepté la technique HTA. Les lésions précancéreuses et malignes représentent des contre-indications absolues, d’où la nécessité de réaliser une biopsie d’endomètre systématiquement.
Les résultats de ces techniques à plus de cinq ans montrent un taux moyen de prévention des hystérectomies de 85 %. Le taux d’aménorrhées est habituellement de 50 % et le taux de satisfaction des patientes est d’environ 85 %. Dans 10 à 15 % des cas, les hémorragies fonctionnelles sont remplacées après traitement de destruction de l’endomètre par des spottings pouvant gêner les patientes. Il est toujours possible de réaliser un deuxième temps de destruction d’endomètre qui, dans plus de 90 % des cas, fera disparaître tout saignement chez ces patientes. La faible morbidité de l’intervention et la rapidité de récupération postopératoire, font qu’habituellement les patientes acceptent facilement un deuxième temps opératoire.
La contraception après destruction d’endomètre.
Après destruction d’endomètre, un taux de 3 à 5 % de grossesses est observé, menant une fois sur deux à une interruption volontaire et une fois sur deux à des grossesses dites « difficiles » (environ 35 % de prématurité, 70 % de césariennes, plus de 30 % d’hémorragies de la délivrance) (6). Il est donc légitime de discuter des modalités de contraception ou de stérilisation tubaire. On peut, en postopératoire immédiat, mettre un stérilet au lévonorgestrel qui garantit la contraception et peut renforcer l’efficacité du traitement ou, si les patientes ne désirent pas cette modalité de contraception, leur proposer une stérilisation tubaire dans le même temps par la technique Essure. Dans cette situation, il est préférable de poser les dispositifs intratubaires avant la réalisation de la destruction car il est souvent difficile après destruction de retrouver l’emplacement anatomique des ostiums tubaires.
L’ensemble des procédés peut être utilisé même si le Thermachoice représente dans cette situation celui qui peut sembler être le plus sûr car il n’y a pas de perforation du ballonnet et pas de diffusion thermique.
Sur le plan économique, les dispositifs de deuxième génération sont inclus dans le GHM de la version 11 de la T2A et ne représentent donc aucun coût pour les patientes. Même si pour des raisons purement administratives une résection d’endomètre rapporte financièrement trois fois plus qu’une destruction de deuxième génération, le temps opératoire gagné par la réalisation de ces techniques de deuxième génération, une morbidité diminuée par quatre et une efficacité de la technique en moyenne 15 % plus élevée que les résections d’endomètre due au fait que la technique n’est pas chirurgien dépendant fait que cette différence financière doit être mise au bénéfice des patientes et doit donc rendre ces techniques les seules utilisables dans la prise en charge efficace des traitements des hémorragies fonctionnelles.
* Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
(1) LaLonde A. Br J Obstet Gynaecol 1994 ; 101 (Suppl 11) : 8-14.
(2) Rees MCP. Br J Obstet Gynaecol 1991 ; 98 : 327-328.
(3) Shaw RW. Br J Obstet Gynaecol 1994 ; 101 (Suppl 11) : 1-2.
(4) Goldrath MH et coll. J Am Assoc Gynecol Laparosc 1997 ; 4 : 235-240.
(5) Overton C et coll. Bailileres Clin Obstet Gynaecol 1995 ; 9 : 357-71.
(6) Gervaise A et coll. Fertil Steril 2005 ; 84 : 1746-7.
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