CETTE FILLE de 10 ans, donc, est adressée dans l’unité de biologie de la reproduction de la Pitié Salpêtrière (équipe de Catherine Poirot) en vue d’une cryopréservation de tissu ovarien avant le traitement myéloablatif.
Elle mesure 1,42 m, pèse 31 kg, n’a aucun signe de puberté. On fait une ovariectomie droite par laparoscopie sous anesthésie générale. En laboratoire, le cortex ovarien de cet ovaire est isolé et disséqué en 23 fragments qui sont cryopréservés selon un protocole de congélation lente. L’analyse microscopique d’un des fragments montre une densité de 8,6 follicules primordiaux par mm3.
Vingt-sept mois après la greffe de cellules souches, la patiente, alors âgée de 13 ans, vient avec sa mère dans l’unité de biologie de la reproduction en demandant une autotransplantaiotn de tissu ovarien dans le but d’induire sa puberté.
La drépanocytose est guérie. La jeune fille mesure maintenant 1,56 m, pèse 39 kg mais ne présente toujours aucun signe de puberté. Son âge osseux est de 13 ans ; sa FSH est à 71,7 UI/l, sa LH à 24,1 UI/l, son estradiol à moins de 73 pmol/l, son inhibine B à moins de de 15 ng/l et son hormone antimullérienne (AMH) à 0,71 pmol/l.
Anesthésie locale, position hétérotopique.
Une autotransplantation ovarienne est réalisée en janvier 2007 sous anesthésie locale, selon la méthode décrite par Roux et coll. et adaptée à une localisation hétérotopique. L’autogreffe est pratiquée à gauche, dans le tissu sous-cutané de la paroi abdominale, au-dessus de futurs poils pubiens, entre la peau et le muscle. En pratique, une poche abdominale est créée et trois fragments ovariens décongelés y sont déposés.
Le premier jour, le bilan hormonal montre une FSH à 89 UI/l, une LH à 36 UI/l, un estradiol à moins de 37 pmol/l et une AMH à moins de 0,18 pmol/l.
Deux mois plus tard, les seins commencent à pousser des deux côtés et quatre mois après la greffe, la jeune fille atteint un stade S2 de Tanner. A ce moment les, poils pubiens et axillaires apparaissent. Les premières règles surviennent 8 mois après la greffe et durent quatre jours. Le développement des seins atteint le stade S3.
Trois ans et trois mois après la greffe, la patiente mesure 1,72 m, pèse 52 kg. Ses règles ont été régulières pendant deux ans puis sont devenues irrégulières. Ses seins se sont complètement développés, avec une forme normale.
Un risque minimisé à toutes les étapes.
« La cryopréservation de tissu ovarien avant un traitement potentiellement stérilisant peut préserver la fonction ovarienne », soulignent les auteurs, qui rappellent que, dans le monde, 13 enfants sont nés après autotransplantation de fragments ovariens. « À notre connaissance, cette observation montre pour la première fois que la puberté peut être induite par autogreffe de tissu ovarien cryopréservé avant traitement stérilisant, avec quelques fragments ovariens comportant une densité normale de follicules primordiaux. Ce cas montre la première restauration d’une fonction ovarienne endocrine à partir de tissu ovarien recueilli avant la puberté. »
Les auteurs soulignent le fait que toutes les étapes de la procédure ont été choisies pour minimiser le risque pour leur patiente et que cela devrait encourager à proposer une cryopréservation de tissu ovarien avant une transplantation allogénique de cellules souches de moelle pour une drépanocytose, seul traitement curatif. « L’autogreffe de tissu ovarien peut restaurer la fertilité et induire la puberté, en évitant un traitement hormonal substitutif », concluent-ils.
Catherine Poirot, Fadi Abirached, Marie Prades, Christiane Coussieu, Françoise Bernaudon, Pascal Piver.
Ces équipes exercent à : Pitié Salpêtrière, CHI Créteil, CHU Limoges, Université Pierre et Marie-Curie.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?