Malgré des améliorations importantes dans la prise en charge des résections pulmonaires, les médecins ne sont jusqu’à présent jamais parvenus à éliminer, ni même à expliquer, un événement indésirable particulièrement gênant : une insuffisance respiratoire qui ne s’explique pas totalement par une maladie préexistante, et qui est décorrélée du volume retiré.
Selon un travail publié ce 22 août dans Science Translational Medicine, ces troubles respiratoires seraient causés par une suractivation des cellules lymphoïdes innées, médiée par une voie de signalisation immunitaire impliquant l’interleukine 7 (IL-7), et qui aboutit à une surproduction et une suractivation des éosinophiles.
« Nous savons encore peu de choses sur le stress systémique engendré par la résection pulmonaire et ses conséquences », écrivent des chercheurs de l’université du Maryland (Baltimore) et de l’université de Pittsburgh. Des complications pulmonaires surviennent chez environ la moitié des patients opérés. Une grande partie d’entre eux souffre de dyspnée longtemps après l’opération, ou d’insuffisance respiratoire sévère susceptible de prolonger l’hospitalisation, même quand la réduction du volume pulmonaire est relativement modeste.
La piste immunitaire déjà identifiée
Jusqu’à présent, l’étiologie de ces complications restait peu claire. Une étude observationnelle avait révélé que ces symptômes postchirurgicaux peuvent être atténués par une corticothérapie à haute dose ; une cause inflammatoire était ainsi suspectée. Dans cet article paru dans Science Translational Medicine, les chercheurs ont utilisé un modèle murin pour confirmer cette piste immunitaire, décrire une partie des mécanismes impliqués et entrevoir des pistes de traitement.
Des études avaient déjà montré que la production d’IL-5 par des cellules lymphoïdes innées a un effet majeur sur la production d’éosinophiles et la survie des malades. Toutefois des recherches menées sur des souris déficientes en IL-5 ont également montré qu’il restait possible de produire des éosinophiles en réponse à une infection ou une allergie, dans des proportions moindres. Ces données ont incité les auteurs à penser que la maturation d’éosinophiles induite par le stress ne dépend pas entièrement des IL-5 ; ils ont donc cherché quelles pouvaient être les voies alternatives pour la production et l’activation des éosinophiles, notamment après la résection d’une partie ou de la totalité d’un poumon.
Une voie de signalisation locale et spécifique
Leur regard s’est tourné vers l’IL-7, une cytokine dont ils ont observé, chez la souris, qu’elle était produite en grande quantité lors d’une résection pulmonaire. « Notre travail suggère que cette cytokine enclencherait une cascade de réaction de réparation dans le poumon. La voie passant par l’IL-7 constituerait une sorte de mécanisme de défense évolutif, activé par la procédure chirurgicale », écrivent les auteurs. Comparée à celle d’autres cytokines, la hausse de la production d’IL- 7 a en outre la particularité de s’accompagner de la sécrétion de facteurs de stimulation des colonies de granulocytes (GM-CSF). Ce facteur de croissance est déjà connu pour son implication dans l’activation pathologique d’éosinophiles dans divers modèles de maladies, telles que l’asthme. Des travaux antérieurs avaient démontré par ailleurs que les GM-CSF augmentent les fonctions cytotoxiques des éosinophiles humains. C’est ce type de mécanismes qui serait à l’œuvre chez un patient après résection pulmonaire, et qui est décrit par les chercheurs américains.
Les auteurs ont constaté que l’activation des éosinophiles par les GM-CSF est associée à l’apparition de lésions du tissu pulmonaire restant, de fibrose mais aussi parfois d’œdème, au cours des cinq jours postopératoires. Tous ces effets restent cantonnés dans le poumon et liés à la production très localisée d’IL-7. Les chercheurs précisent que la contribution physiopathologique d’autres cytokines, telles que l’IL- C2, ne peut pas être écartée à ce stade.
Ces mécanismes pourraient-ils être un levier pour prévenir le risque de d’insuffisance respiratoire ? Les chercheurs restent prudents : « nous ne savons pas si ce mode d’activation particulier des éosinophiles ne joue qu’un rôle purement négatif », préviennent-ils. Les données de la littérature pointent le rôle des éosinophiles dans la réorganisation et la réparation des tissus. En outre, il est nécessaire de vérifier que leurs expérimentations faites chez la souris sont transposables chez l’homme, d’autant plus que les animaux de l’étude ont subi des résections bien plus importantes en proportion (jusqu’à 70 % des poumons ont parfois été retirés) que ce qui se fait dans la pratique clinique.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?