DÈS LES ANNÉES 1930, René Leriche avait proposé la section des nerfs splanchniques pour traiter chirurgicalement des hypertensions artérielles chroniques. Les techniques alors mises en œuvre étaient qualifiées de simples, mais les résultats étaient médiocres. Une vingtaine d’années plus tard, la sympathectomie, née en France et secondairement revenue des États-Unis, est apparue plus efficace, au prix d’une hospitalisation prolongée, d’une hypotension artérielle, de syncopes, d’une impuissance, voire de difficultés à la marche. Une approche innovante, de type interventionnel, suscite actuellement un grand intérêt. Il s’agit de l’ablation par radiofréquence des nerfs rénaux. Une équipe australienne (M. P. Schlaich et coll., Melbourne) a en effet rapporté les effets de la dénervation rénale bilatérale chez un patient ayant une hypertension artérielle résistante et dont la production rénale de noradrénaline était deux à trois fois plus élevée que la normale (1). La dénervation a été pratiquée à l’aide d’une technique d’ablation par ondes de radiofréquence, un cathéter ayant été introduit par voie fémorale dans les artères rénales. Au trentième jour de suivi, la production rénale de noradrénaline avait diminué de 48 % à gauche et de 75 % à droite, et l’enrichissement sanguin en noradrénaline (spillover) avait baissé de 42 %. La pression artérielle clinique, qui était de 161/107 mmHg avant l’intervention, n’était plus que de 141/90 et 127/81 mmHg après 1 et 12 mois de suivi. Une diminution d’au moins 10 mmHg de la PAS chez 8 patients sur 10. C’est pourquoi la même équipe a réalisé une étude de sécurité sur 45 patients ayant une PAS supérieure ou égale à 160 mmHg en dépit de la prise d’au moins trois antihypertenseurs (2). Aucune complication rénovasculaire n’est survenue. Parallèlement, une diminution de la pression artérielle clinique à 12 mois a été observée : de 27 mmHg pour la systolique et 17 mmHg pour la diastolique.
Cette étude ayant ainsi apporté la preuve de la sécurité de la dénervation rénale par radiofréquence, les investigateurs ont mené un essai clinique randomisé, multicentrique, prospectif et contrôlé, Symplicity HTN2, afin d’évaluer l’efficacité de la technique chez 106 patients issus de 24 centres (3). Les résultats à 6 mois ont mis en évidence une réduction de la pression artérielle clinique de 32/12 mmHg dans le groupe assigné à la dénervation. Une diminution d’au moins 10 mmHg de la pression systolique clinique a été observée chez 84 % des patients après dénervation rénale. Les résultats tensionnels du sous-groupe ayant eu une mesure ambulatoire de pression artérielle (MAPA) sont nettement moins impressionnants. Aucune complication sévère, en particulier aucune thrombose ou lésion rénale, ni aucune modification de la fonction rénale n’a été constatée.
Deux études spécifiquement françaises.
Après analyse de ces résultats, une étude financée par le programme de soutien aux techniques innovantes et coûteuses (STIC) a été initiée en France par l’équipe de l’hôpital européen Georges-Pompidou, afin de vérifier les résultats de la dénervation rénale par radiofréquence non plus en termes de pression artérielle clinique, comme dans l’étude Symplicity HTN2, mais de MAPA. Cette étude, qui portera sur une centaine de patients, fait appel à la méthodologie PROBE (Prospective Randomized Open Blinded Endpoint), la dénervation ne pouvant pas être réalisée à l’insu des investigateurs ni des patients, mais l’analyse des mesures tensionnelles sera objective car indépendante. La durée du suivi sera de 7 mois. L’étude comportera une analyse médicoéconomique, réalisée par Isabelle Durand-Zaleski, justifiée par le prix des sondes et des générateurs. L’étude débute en ce moment. Les centres investigateurs sont les centres français d’excellence définis par l’European Society of Hypertension (ESH)*. Une autre étude financée par le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) est initiée en France, par l’équipe de l’hôpital européen Georges-Pompidou, pour évaluer l’action de la dénervation rénale sur la protéinurie des néphropathies diabétiques. Cette étude est sous-tendue par des arguments expérimentaux montrant l’efficacité de la dénervation des artères rénales en cas de néphropathie induite par le diabète ou la réduction néphronique. Elle portera sur une centaine de diabétiques d’Ile-de-France ayant une néphropathie diabétique dont la protéinurie persiste malgré un traitement néphroprotecteur. Ils seront aléatoirement assignés à la dénervation en plus du traitement néphroprotecteur ou au traitement médicamenteux seul. La durée du suivi sera de 12 mois. Le critère de jugement de l’efficacité de la dénervation sera l’évolution de la protéinurie. C’est une étude de preuve de concept chez l’homme. Elle commence en ce moment. Si elle mettait en évidence une diminution de la protéinurie, elle devrait ensuite être complétée par une étude sur le ralentissement de la progression de l’insuffisance rénale. Il est à noter qu’aucune étude n’est prévue en France sur l’efficacité de la dénervation chez le dialysé dont l’hypertension reste sévère malgré un traitement médicamenteux bien conduit et une baisse du poids sec.
D’après un entretien avec le Dr Guillaume Bobrie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
* Bordeaux, Dinard-Rennes, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nancy, Paris (Hôtel-Dieu, hôpital européen Georges-Pompidou et groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière), Poitiers, Toulouse et Tours.
(1) Schlaich MP, et coll. Renal sympathetic-nerve ablation for uncontrolled hypertension. N Engl J Med 2009;361(9):932-34.
(2) Krum H, et coll. Catheter-based renal sympathetic denervation for resistant hypertension: a multicentre safety and proof-of-principle cohort study. Lancet 2009;373(9671):1275-81.
(3) Symplicity HTN-2 Investigators. Renal sympathetic denervation in patients with treatment-resistant hypertension (The Symplicity HTN-2 Trial): a randomised controlled trial. Lancet 2010;376(9756):1903-09.
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