Même les adultes peuvent espérer guérir un jour de la drépanocytose. Beaucoup mieux tolérée chez les enfants, la greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH) restait peu proposée aux adultes atteints d’une forme grave en raison des effets secondaires potentiellement graves de la procédure. Des chercheurs de Bethesda donnent l’espoir de pouvoir proposer la greffe de moelle allogénique, y compris à des patients ayant des comorbidités liées à l’évolution de la maladie.
L’équipe dirigée par John Tisdale et Matthew Hsieh montre chez 30 adultes âgés de 16 à 65 ans que la greffe peut être aussi efficace et moins toxique grâce à un protocole de préconditionnement non myéloablatif, un protocole « allégé » autorisant un degré de chimérisme entre les cellules du receveur et du donneur. Les résultats qui viennent d’être publiés dans le JAMA suggèrent même que les immunosuppresseurs peuvent être arrêtés sans réaction du greffon contre l’hôte (GVH) chez des patients sélectionnés.
L’âge n’est plus une contre-indication
« C’est une découverte très importante, a estimé le Pr Éliane Gluckman, hématologue à l’hôpital Saint-Louis, spécialiste de la greffe de CSH et pionnière dans la greffe de cellules souches de sang cordon. Un très grand espoir pour les patients drépanocytaires ». L’enjeu est de taille, puisqu’avec la chute de la mortalité pédiatrique, la population des patients drépanocytaires vieillit, et près de la moitié d’entre eux sont désormais des adultes (voir le Quotidien daté du 17/06/2013). Dans un éditorial attaché à la publication, deux hématologues de la faculté de médecine de Washington, les Drs Allison King et John Di Persio, titrent ainsi « Révision de l’âge en tant que contre-indication au traitement curatif de la drépanocytose », en concluant eux-aussi que ces « formidables résultats » donnent de « l’espoir » à une population relativement plus âgée.
Beaucoup de mieux... sans GVH
Sur les 30 patients inclus dans l’étude entre juillet 2004 et octobre 2013, 29 étaient en vie après un suivi médian de 3,4 ans et, pour 26 d’entre eux, soit pour la très grande majorité (87 %), la prise de greffe était stable et prolongée sans réaction de GVH aiguë ni chronique. À 1 an, 25 patients (83 %) avait une hémoglobine de type du donneur. Le taux moyen d’hospitalisation annuel est passé de 3,23 l’année d’avant à 0,63 l’année suivante, à 0,19 la seconde année et 0,11 la troisième poste greffe. La consommation de morphiniques a dégringolé, passant de 639 mg/semaine à 140 mg/semaine à 6 mois post-greffe.
Vers une greffe haploidentique
Quinze patients sélectionnés sur une prise de greffe de CD3 du donneur à plus de 50 % et la normalisation de l’hémoglobine ont pu arrêter les immunosuppresseurs sans GVH. « Classiquement, les receveurs ayant une greffe de cellules souches de ce type doivent prendre des immunosuppresseurs toute leur vie, a commenté Matthew Hsieh. Que les patients aient pu arrêté le traitement sans se mettre en danger souligne la stabilité du protocole de greffe partielle ».
Ce protocole allégé est composé d’alemtuzumab, d’une irradiation corps entier (300cGy), de sirolimus et de l’administration de CSH provenant d’un donneur HLA compatible. Les auteurs expliquent leurs bons résultats, « très différents » de ceux obtenus par d’autres équipes par le passé, par la longue demi-vie de l’alemtuzumab, qui déplète l’hôte et, au final, les lymphocytes du donneur et par le choix du seul agent sirolimus par rapport à plusieurs inhibiteurs de la calcineurine, ce qui facilite la tolérance par le blocage d’une voie de signalisation. Comme les auteurs le soulignent, le problème de la compatibilité HLA n’est pas résolu : « Ce protocole n’a été administré qu’aux patients ayant un donneur compatible HLA apparenté; malheureusement la majorité des patients ayant une drépanocytose (...) n’ont pas cette option ». Les chercheurs travaillent d’ores et déjà à optimiser le protocole de sorte de pouvoir l’étendre aux donneurs semi-compatibles, dits haploidentiques, car « presque tous les patients ont potentiellement un donneur haploidentique ».
JAMA, publié en ligne le 2 juillet 2014
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