MARDI DERNIER, était réalisée pour la première fois en France une greffe de cornée artificielle. Dans le service du Pr Bernard Ridings, à l’hôpital de la Timone, le Dr Louis Hoffart (PHU), posait une prothèse cornéenne chez un homme de 42 ans. Ce patient avait été victime, voici deux ans, au cours d’un accident domestique, d’une projection d’acide chlorhydrique dans l’il droit. Dès le lendemain de l’intervention, jour de sa sortie, il percevait déjà quelques couleurs. « Les premières évaluations du résultat ne seront possibles que dans trois à six mois » déclare le spécialiste au « Quotidien ».
Au cours de ces deux années, plusieurs interventions avaient été tentées chez ce patient. En effet, l’acide ayant également brûlé les paupières, il a fallu, dans un premier temps, en rétablir la fonctionnalité par la création d’un cul-de-sac palpébral. Ensuite, une autogreffe de cellules limbiques, prélevées sur l’il sain a été effectuée. L’action chimique avait détruit ces cellules souches rendant tout processus de cicatrisation naturelle impossible.
L’apparition de néovaisseaux.
Après ces deux interventions, les espoirs du patient et des médecins ont été déçus. L’évolution s’est avérée mauvaise avec une opacification de la cornée et l’apparition de néovaisseaux. « La cornée est devenue opaque, blanche, signant le mauvais pronostic. »
Le Dr Hoffart et son patient ont bénéficié alors d’un double concours de circonstances. En premier lieu, la maîtrise technique de l’ophtalmologiste acquise dans des services canadiens. Ensuite, le marquage CE du greffon artificiel cornéen de type « AlphaCor » obtenu en début d’année. « Grâce au travail de notre pharmacien, la prothèse a pu être référencée à l’AP-HM », insiste Louis Hoffart.
« Cette cornée artificielle est biocolonisable. Elle est implantée dans une poche créée à 300 µ de profondeur dans la cornée du patient. » En forme de disque, elle se compose de deux parties. L’une, centrale transparente, créant une espèce de hublot ; l’autre, périphérique, est en un polymère évoquant une mousse. La prothèse est ensuite colonisée par les cellules du patient. En cas de succès, elle reste en place de façon définitive, elle ne se résorbe pas. « Une réintervention peut être programmée si un voile cornéen survient. Elle consiste en l’ablation de la partie superficielle de la cornée. »
Un champ visuel restreint.
Les patients ainsi greffés, tout comme le Français, ne doivent pas s’attendre à une récupération de la vision. « Le hublot transparent de la prothèse offre un diamètre de 4,5 mm. Il donne un champ visuel restreint. » Le gain de vision sera limité à quelques dixièmes. Mais, rappelle, l’ophtalmologiste, chez des patients atteints de très basse vision, ce gain, qui peut sembler minime à un bien voyant, apporte une amélioration fonctionnelle considérable.
Les indications retenues pour la pose d’une cornée artificielle, sont essentiellement de deux types. Il s’agit tout d’abord des patients ayant connu des échecs à des greffes de cornée humaine, le risque de rejet augmentant avec les interventions. Ensuite, et c’est le cas du patient marseillais, les accidents cornéens. Il s’agit le plus souvent de brûlures chimiques ou physiques. Dans ce cas, une néovascularisation cornéenne apparaît, qui majore la réponse immunitaire et favorise le rejet d’un greffon humain.
Les études, avec un recul maximum de cinq ans, ont été menées sur des cohortes dont la plus importante porte sur une centaine de patients. Les résultats sont favorables dans 75 % des cas ; dans les 25 % de cas restants, les auteurs rapportent des extrusions du greffon.
L’intervention est déjà réalisée aux États-Unis, au Canada et dans trois autres pays européens. Un budget alloué par l’AP-HM devrait permettre d’en réaliser 10 à Marseille, entre 2009 et 2010.
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