PAR LE Pr CHRISTIAN SPAULDING* ET LE Dr OLIVIER VARENNE*
ON SE SOUVIENT que la polémique sur les stents actifs a débuté lors du congrès de la Société européenne de cardiologie à Barcelone en septembre 2006. Au cours de sa présentation orale, Eduardo Camenzind avait laissé entendre, sur la base d’une « metaanalyse », que l’implantation de stents actifs était suivie d’une augmentation de la mortalité et des infarctus du myocarde à trois ans (1). Une deuxième analyse similaire, effectuée par Alain Nordmann, avait contredit cette analyse en montrant des mortalités globales similaires, mais avait suggéré une mortalité non cardiaque supérieure avec les stents actifs au sirolimus par rapport aux stents non actifs (« nus ») (2). Ces présentations avaient été suivies d’un commentaire passionné de Salim Yussuf qui avait demandé une enquête immédiate sur les effets indésirables des stents actifs. Ces trois communications ont été largement relayées sur des sites Internet médicaux et dans la presse grand public, alors même que les informations n’étaient pas validées. De façon surprenante, ces informations issues de présentations orales ont été acceptées et diffusées sans que ne soit remise en cause la méthodologie utilisée pour l’analyse statistique.
En février 2007, le New England Journal of Medicine a publié un numéro entier (3) consacré à la sécurité des stents actifs. Quatre articles présentent des analyses du suivi des études randomisées comparant les stents actifs au sirolimus ou au paclitaxel aux stents métalliques nus. Elles montrent très clairement qu’il n’y a pas de différence entre les deux groupes en termes de mortalité ou d’infarctus du myocarde. Les stents actifs réduisent de façon significative les interventions pour resténose.
En ce qui concerne les thromboses de stent, les données sont difficiles à interpréter. Si l’on utilise les définitions des études, qui sont contestables, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes, avec cependant une augmentation non significative des thromboses survenant après un an chez les patients recevant des stents actifs. Si l’analyse est faite en utilisant des définitions standardisées (ARC), il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes. Un éditorial accompagnant ces articles conclut que les études randomisées montrent clairement que les stents actifs diminuent la resténose clinique, sans augmenter les taux d’infarctus du myocarde ou de décès. Il est donc parfaitement licite d’implanter des stents actifs dans des indications validées par ces études, ce qui allait à l’encontre des présentations de l’ESC.
Il existait donc un contraste saisissant entre les analyses des études randomisées entre stents actifs et non actifs dans les présentations faites en septembre 2006 et celles publiées dans le New England Journal of Medicine. Cette différence est probablement liée à un problème méthodologique. Il est possible que les auteurs des présentations n’aient pas suivi le cheminement rigoureux nécessaire à une métaanalyse : collection des données, soit à partir des bases de données, soit en faisant vérifier les chiffres par les investigateurs principaux, intégration de toutes les données disponibles, réalisation des calculs statistiques par deux équipes indépendantes.
Ce qui reste surprenant dans cette affaire est la rapidité avec laquelle ces données non vérifiées ont été diffusées sur les sites Internet médicaux, et acceptées par l’ensemble de la communauté cardiologique. Cela démontre très clairement qu’une information médicale doit être soumise aux règles strictes de la publication dans des revues renommées avec comité de lecture avant qu’elle ne soit prise en compte dans la pratique quotidienne.
Y a-t-il davantage de risque de thrombose de stent avec les stents actifs ?
Des études de registre ont clairement démontré une fréquence de thrombose très tardive (après un an) avec les stents actifs, allant de 0,2 à 0,6 % par an. Si ce risque est réel, il n’entraîne pas d’augmentation de mortalité ou d’infarctus du myocarde par rapport aux stents non actifs. En effet, les stents non actifs sont également responsables de thromboses très tardives de stent, même si le nombre total est moins important, et les procédures de revascularisation itérative liées au taux supérieur de resténoses sont également source d’infarctus ou de décès.
Les stents actifs de deuxième génération peuvent-ils réduire le taux de thromboses de stent ?
Attention aux effets de manche ! La thrombose de stent est un événement rare qui nécessite le suivi de 10 000 à 15 000 patients sur 4 à 5 ans pour l’évaluer. Il est donc impossible de conclure à une sécurité plus grande d’un stent actif de nouvelle génération sans un suivi important, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Double antiagrégation plaquettaire : 6, 12 ou 24 mois ?
Dans la foulée des débats de septembre 2006, les sociétés savantes ont recommandé l’utilisation d’une double antiagrégation plaquettaire pendant au moins un an après la pose d’une endoprothèse active, sans preuve réelle. De nombreuses études sont actuellement en cours pour préciser ce point. En attendant, il est difficile de prescrire des dureés d’antiagrégation plus courtes, en raison des recommandations.
*Hôpital Cochin, Paris
(1) Circulation 2007;115(11):1440-55.
(2) Eur Heart J. 2006;27:2784-814. Epub 2006 Oct 4. Review.
(3) Numéro daté du 8 mars 2007 - N Engl J Med 2007;356(10).
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