Parmi les fractures de la région scapulaire, certaines fractures déplacées de l’humérus sont particulièrement délicates à traiter. En effet, cette région anatomique épiphysaire articulaire se caractérise par un volume réduit, peu propice à des fixations solides mobilisables ; son interface sphérique de mobilité se trouve enchâssée au sein du massif osseux d’amarrage des éléments mobilisateurs tendineux de la coiffe des rotateurs indispensables à une fonction satisfaisante de l’articulation glénohumérale. Cette dernière est l’articulation principale du complexe multi-articulaire de la ceinture scapulaire. Les fractures de l’humérus proximal hypothèquent donc l’une des fonctions articulaires les plus importantes du membre supérieur.
Les toutes premières implantations de prothèses pour fracture ont été effectuées sous la direction du chirurgien new-yorkais, Charles Neer. Cette chirurgie arthroplastique dans le contexte traumatique n’a pas donné des résultats spectaculairement satisfaisants dans les premières années de son expérience initiale. Loin de décourager les promoteurs de cette option pour traiter certaines fractures humérales proximales, ces résultats, initialement suboptimaux, voire médiocres, ont suscité un effort de recherche sans précédent pour tenter d’en déterminer les raisons précises et s’efforcer de les corriger, pas à pas. En effet, parallèlement, la chirurgie arthroplastie scapulaire dite élective, c’est-à-dire réalisée pour des pathologies non traumatiques (arthrose, polyarthrite rhumatismale.), donnait, au fur et à mesure du développement de son expérience, des résultats de plus en plus remarquables dans leur qualité.
Le recensement laborieux et patient des paramètres d’échec de cette même chirurgie effectuée dans un contexte de fracture a permis, d’une part, de mieux les connaître et, d’autre part, d’identifier ceux qui échapperaient à tout effort d’amélioration de la technique. Parmi ces paramètres, on peut citer de façon non exhaustive l’indication chirurgicale suivant le type de fracture observée, l’expérience technique de l’équipe chirurgicale, la disponibilité de systèmes prothétiques parfaitement adaptés à la situation traumatique rencontrée.
Les indications légitimes.
Au sein du très riche ensemble des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus, celles susceptibles d’être candidates à une arthroplastie résultent d’un processus de tri à un double niveau. D’une part, il s’agit des fractures qui ne peuvent être dignement traitées de façon conservatrice non opératoire, soit parce que cette option tentée s’avère infructueuse, soit parce qu’elle va conduire de façon quasi certaine à un résultat fonctionnel très défavorable pour le patient. Une fois la décision chirurgicale retenue, un nouveau tri est effectué sur la base de questions pressantes : quelle ostéosynthèse est réalisable compte-tenu de la configuration fracturaire ? Sera-t-elle suffisamment stable pour autoriser une reprise de mobilité précoce ? Conduira-t-elle, à terme, à l’apparition d’une ostéonécrose ? Lorsque la réponse à ces questions impose d’envisager un résultat inévitablement décevant de l’ostéosynthèse, l’hémiarthroplastie reprend ses droits et devient la méthode de traitement de référence. Il ne s’agit pas pour autant d’une solution de facilité dans la mesure où un bilan du patient et une planification soigneuse restent des préalables indispensables à toute entreprise chirurgicale de ce type. En bref, les indications de la prothèse sont les fractures quadri-fragmentaires (four-part) ou les fractures luxations, les fractures à épiphyse céphalique fissurée ou fracturée, les fractures à épiphyse céphalique impactées à plus de quarante pour cent de la surface osseuse sous-chondrale ou encore les fractures même seulement tri-fragmentaires sur un terrain ostéoporotique avancé.
Un bilan approfondi
La fracture de l’extrémité proximale de l’humérus prédominant dans la population gériatrique (troisième localisation en fréquence dans ce groupe de population, après le col du fémur et le poignet), elle impose un très sérieux bilan avant toute décision opératoire. La survenue élective de cette fracture dans ce groupe d’âge se trouve confirmée par l’augmentation constante d’incidence de cette lésion squelettique et de l’usage de l’hémiarthroplastie au cours des dernières décennies.
L’avancée en âge des sujets fracturés impose le dépistage des comorbidités éventuelles (comme avant toute intervention), mais de surcroît s’impose en tant que telle. En effet, certaines de ces fractures (s’étant révélées souvent porteuses d’une influence négative sur le résultat arthroplastie fonctionnel) peuvent décourager l’indication opératoire en dehors même du fait qu’elles constituent un risque opératoire général supplémentaire à prendre en compte comme dans tout autre acte chirurgical.
L’étude de la fracture elle-même doit être particulièrement détaillée. En effet, si la règle générale est de réserver ces hémiarthroplasties aux fractures quadri fragmentaires déplacées, quelques variations d’appréciation de cette règle peuvent se faire jour suivant l’interprétation des critères de la définition. Les quatre fragments énumérés sont les deux tubérosités (majeure et mineure) d’amarrage des tendons de la coiffe, la calotte céphalique articulaire et le segment diaphysométaphysaire.
Pour parvenir à une meilleure analyse de la fracture et de son environnement fonctionnel (coiffe), on peut avoir recours à l’I.R.M ou au scanner. Les éléments recueillis viennent parfois participer à la décision opératoire. Enfin, au titre des examens complémentaires, en vue du remplacement hémiarthroplastie, des radiographies de mensurations comparatives avec le côté non atteint facilitent une planification préopératoire plus précise.
Une chirurgie exigeante
Si le principe de l’intervention est retenu, il est préférable de la réaliser dans les meilleurs délais, après achèvement du bilan à la fois général et de la fracture elle-même. Comme il s’agit d’une intervention dont les résultats sont d’autant meilleurs qu’effectuée par des équipes chirurgicales spécialisées, un retard supplémentaire de transfert du patient vers ces équipes est tolérable. Il est souhaitable cependant de ne pas différer l’intervention arthroplastie pour fracture au-delà de deux semaines.
De très nombreux détails de technique chirurgicale sont à respecter si l’on veut conserver au patient le maximum de chances d’un résultat fonctionnel satisfaisant : choix de la voie d’abord (en général deltopectorale), protection pendant l’intervention en vue de reconstitution des tubérosités et de leur unité fonctionnelle, choix et positionnement de l’implant arthroplastie selon des règles établies de rétroversion et de longueur, reconstruction anatomique péri-implantaire des tubérosités et fixation renforcée de celles-ci. De nombreux systèmes prothétiques ont déjà été mis au point pour tenir compte de ces servitudes d’implantation liées au contexte fracturaire. D’autres sont susceptibles de voir le jour tant les exigences des équipes chirurgicales se font précises du fait de leur expérience sans cesse croissante.
La rééducation postopératoire est la suite logique de l’acte chirurgical. Elle ne peut être standardisée, car elle est étroitement dépendante des constatations peropératoires. Certains patients sont susceptibles de bénéficier d’une immobilisation de durée variable. La position d’immobilisation elle-même réclame l’avis des opérateurs. La mobilisation nécessite d’être surveillée cliniquement et radiographiquement. Le résultat n’est souvent acquis qu’au bout de quelques mois.
De telles hémiarthroplasties implantées à la suite d’une fracture donnent, dans la majorité des cas (deux fois sur trois environ) des résultats plutôt favorables sur le plan de l’indolence et parfois moins satisfaisants dans la qualité de la fonction scapulaire. Une alternative à ces hémiarthroplasties dans les fractures de l’humérus proximal est représentée par l’utilisation d’une prothèse totale dite inversée. Cette arthroplastie qui consiste en une saillie sphérique implantée sur la glène de l’omoplate en regard d’une cavité portée par l’humérus proximal résout certains paramètres lésionnels de la problématique du niveau de récupération fonctionnelle postopératoire sans constituer une solution infaillible. Les résultats de ces prothèses totales dites inversées sont encore plus dépendants du degré de spécialisation des équipes prenant en charge la fracture et la géométrie de ces implants fait encore l’objet de retouches successives pour, dans ce contexte de fracture, tirer le meilleur parti d’un concept protéique séduisant.
D’après la conférence du Pr François SIRVEAUX, Nancy
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