En 1942, les B-17 américains commencent leur travail de sape de la machine de guerre Nazie. S’ils y sont parvenus, c’est en partie grâce à une pompe centrifuge mise au point par l’ingénieur Miles « Lowell » Edwards qui améliorait l’injection d’essence dans les moteurs des bombardiers yankees. Après la guerre, et toujours passionné par l’ingénierie des fluides, Miles Edwards se met en tête de fabriquer un cœur artificiel.
C’est dans cet état d’esprit qu’il rencontre, en 1959, le Dr Albert Starr, jeune chirurgien de l’université des sciences et de la santé de l’Oregon, l’état d’origine de la famille Edwards.
« J’ai dû lui expliquer qu’inventer un cœur artificiel était une opération trop complexe, et qu’il nous fallait avant tout mettre au point une prothèse de valve qui fonctionne, c’est ainsi que je l’ai poussé à financer la première valve Starr-Edwards », se remémore le Dr Starr venu à Paris pour recevoir le Grand Prix scientifique 2015 de la Fondation Lefoulon-Delalande-Institut de France.
Un chien convaincant
Moins de deux ans après cette rencontre, la valve artificielle Starr-Edwards était née et même implantée sur de grands chiens. Elle a alors la forme d’une bille de silicone prisonnière d’une cage métallique arrondie posée sur un anneau de fixation en silicone. « Un jour, le chef du service de cardiologie, le Dr Alfred Blalock, inventeur de l’opération capable de sauver les "bébés bleus" atteints de cardiopathie congénitale, est venu voir le premier chien que nous avions opéré, raconte le Dr Starr. Le chien était en pleine forme et lui a léché la main. Il a alors réalisé que ces animaux se portaient à merveille, avec notre valve, alors que nous avions des patients humains atteints de valvulopathie qui attendaient désespérément une solution. Il nous a alors soutenus à 100 %. »
Les premiers patients traités sont les cas les plus désespérés, placés sous tente à oxygène, que les médecins ne pouvaient plus espérer voire sortir vivant de l’hôpital. Ainsi, le tout premier patient opéré en 1960, avait auparavant subi deux tentatives chirurgicales de réparation de sa valve mitrale, en vain. « Il ne lui a fallu que quelques secondes de réflexion pour nous donner son accord », raconte le Dr Starr.
Les obstacles réglementaires sont peu nombreux dans les années soixante. « Il n’y avait pas de régulation concernant les dispositifs médicaux à cette époque, précise le Dr Starr, la FDA ne s’en est préoccupée qu’à partir de 1972, en commençant justement par les valves cardiaques. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la première valve approuvée par la FDA, la valve Björk Shiley, s’est révélée être un échec par la suite. »
L’hommage du Pr Carpentier
Pour le Pr Alain Carpentier, inventeur du cœur Carmat et président du jury qui a décerné le prix Lefoulon-Delalande-Institut de France, les problématiques n’ont que peu changées en un demi-siècle : « la sélection du malade est extrêmement importante, et la première règle est qu’il ne doit pas y avoir d’alternative : le malade doit être promis à une mort certaine dans les semaines ou mois qui suivent. L’autre règle d’or, c’est que celui qui décide les indications de l’opération ne doit pas être la même personne qui porte l’invention. Il doit s’agit d’un groupe de cardiologues indépendants. »
En attribuant le prix au Dr Starr, le Pr Carpentier a voulu saluer le rôle décisif qu’il a tenu dans le développement de sa propre bioprothèse, la valve biologique Carpentier-Edwards. Les deux chirurgiens se sont en effet rencontrés en 1967, dans le petit laboratoire sous-terrain où le Pr Carpentier, alors jeune interne, tentait de développer une valve biologique sur la base des travaux du Britannique Donald Ross, le pionnier des valves en tissus biologiques. L’hypothèse du Pr Carpentier était que les bioprothèses n’exposeraient moins le malade au risque de formation de caillot sanguin que les valves mécaniques.
« Il m’a introduit aux USA alors que ma valve risquait de supplanter la sienne, ce qui s’est d’ailleurs vérifié, se souvient le Pr Carpentier. C’est un bel exemple pour les jeunes générations, qui n’a qu’un seul objectif : celui d’améliorer la vie des malades. » Depuis 1960, 2 500 valves Starr Edwards de la première génération ont été implantées. Certains patients opérés il y a 50 ans vivent toujours normalement avec cette valve fabriquée dans le petit laboratoire personnel d’un passionné d’aviation.
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