Le robot apporte la vision 3D et des bras articulés capables de reproduire intuitivement le mouvement des mains. Pour le chirurgien, les sutures sont bien plus faciles à réaliser qu’en laparoscopie traditionnelle. L’intervention - en tenue non stérile- se fait à travers une interface console, en position plus ergonomique : assis, les avant-bras sur une tablette.
Si le bénéfice pour le confort du chirurgien est indiscutable, celui pour le patient reste à démontrer et surtout, la charge anesthésique est alourdie.
Une intervention en chirurgie assistée dure plus longtemps qu’en cœlioscopie, même avec des équipes bien entraînées. L’installation est chronophage (1 à 2 heures d’anesthésie supplémentaire). « Une prostatectomie dure en robotique deux fois plus longtemps qu’en cœlioscopie standard (en moyenne 4 heures au lieu de 2) », souligne le Dr Estebe, CHU de Rennes.
Le robot occupe une place énorme autour du malade. Lors d’une prostatectomie en chirurgie assistée, par exemple, « l’anesthésiste a très peu accès au patient pour le surveiller pendant cette chirurgie prolongée. Pour les assurances, en cas d’accident (compression de nerfs, rhabdomyolyse…), l’anesthésiste est autant responsable que le chirurgien, ce qui est injuste dans cette situation », note le Dr Estebe.
Des risques accrus de complications
Aux complications de la cœlioscopie (1,2), liées à l’insufflation et à la position de Trendelenburg (tête plus basse que les jambes) se rajoutent celles liées à la longueur de l’intervention. « Un Trendelenburg prolongé peut avoir de multiples retentissements : cardiovasculaire (insuffisance cardiaque ou coronarienne, HTAP [3,4]), abdominal (anurie [5]), ventilatoire (insuffisance respiratoire, chute de la Pa02 et augmentation de la PCO2), ou encore : hypertension intracrânienne, aggravation de glaucome, troubles du champ visuel transitoires chez des patients à acuité visuelle normale (6) pouvant être problématiques en cas de pathologie ophtalmique… », explique le Dr Estebe.
Une méta-analyse (7) de 2016 (robot vs chirurgie standard) montre une réduction des pertes sanguines, un meilleur confort postopératoire, mais pas de bénéfice peropératoire ni carcinologique. « Le robot est presque toujours comparé à la chirurgie ouverte, très peu à la cœlioscopie traditionnelle. Chez l’insuffisant respiratoire par exemple, une cœlioscopie se justifie par un confort postopératoire meilleur qu’après chirurgie ouverte, mais 2 heures ne sont pas 4 heures. Les bénéfices/risques doivent être réexaminés et les contre-indications actualisées », remarque le spécialiste.
En cas de plaie vasculaire, la conversion en chirurgie ouverte (qui est immédiate en cœlioscopie traditionnelle) peut être problématique en chirurgie assistée : « pour l’avoir vécu une fois, indique le Dr Estebe, ce passage en urgence de la robotique à la chirurgie ouverte n’est pas simple. Avant que le chirurgien à la console puisse intervenir, il doit s’habiller en stérile et il faut désarmer les bras du robot et les repousser ».
Nouvelles spécialités et nouvelles procédures
L’installation d’un tel équipement dans un établissement entraîne le recrutement de nouvelles spécialités et la mise en place de nouvelles procédures. Ainsi, les chirurgies ORL, thoraciques, pédiatriques se sont rajoutées aux chirurgies digestives, urologiques et gynécologiques initialement concernées. L’équipe d’anesthésie doit donc s’adapter aux impératifs de ces différentes spécialités et nouvelles spécialisations.
Le surcoût doit être évalué : investissement, maintenance, matériel non réutilisable, infirmière supplémentaire de bloc, 2e chirurgien en salle en cas d’urgence si la télémédecine se développe (elle pose aussi une question de sécurité internet). Il n’y a pas de cotation spécifique. Prévu pour janvier 2016, le rapport (8) de la Haute Autorité de santé (HAS) tarde. « Le monopole actuel du robot Da Vinci devrait tomber. Se profile la cœlioscopie 3D (optiques 3D et instruments articulés) pour un coût intermédiaire entre robotique et cœlioscopie traditionnelle. Ce pourrait être l’avenir », conclut le Dr Estebe.
D’après un entretien avec le Dr Jean-Pierre Estebe, CHU de Rennes
(1) Choi EM et al. J Clin Anesth 2011;23:183
(2) Lestar M et al. Anesth Analg 2011;113:1069
(3) Thompson J. AANA J. 2009;77(5):365-71
(4) Hong JY et al. J. Clin Anesth 2010;22(5):370-2
(5) Li JR et al. J. Robot Surg 2008;1(4):313-4
(6) Taketani Y et al., PLoS ONE, 2015, 10(4) : e0123361
(7) Huang X, Wang L, Zheng X et al. Surg Endosc 2016. Doi :10.1007/s00464-016-5125-1
(8) Commission d’évaluation des dimensions cliniques et organisationnelles de la chirurgie robot assistée dans le cadre d’une prostatectomie totale
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