Le rejet humoral est la principale cause de perte des greffons rénaux à moyen ou long terme. Il se caractérise tout d’abord par l’apparition dans le sang d’anticorps anti-HLA dirigés spécifiquement contre les molécules HLA du rein transplanté, en incompatibilité avec celles du receveur, et cela malgré le traitement antirejet. Ces anticorps spécifiques du donneur induisent progressivement une glomérulopathie d’allogreffe et une fibrose interstitielle conduisant à la destruction du greffon.
« Depuis quelques années on sait que l’identification dans le sang d’anticorps anti-HLA de novo dirigés contre le donneur appelés anticorps spécifiques du donneur (DSA) de novo augmente le risque de perte de greffon. Cependant, elle ne permet pas de dire si le patient va perdre son rein rapidement, lentement ou pas du tout, ce qui sous-entend que ces DSA peuvent avoir un impact différent en fonction des patients », explique le Pr Couzi.
Le C1q, biomarqueur potentiel
Parmi les biomarqueurs potentiels qui permettent d’améliorer la prédiction du risque de perte de greffon, le C1q apparaît comme un bon candidat. En effet, lorsque les AC activent une cellule, ils déclenchent la cascade du complément en commençant par le C1q.
Il y a 2 ans Loupy A. et al. (2) ont démontré que la présence de DSA fixant le C1q (DSA C1q+) prédisait une perte du greffon précoce à 5 ans. En revanche, la présence de DSA ne fixant pas le C1q (DSA C1q-) à 5 ans ne semblait pas associée à un surrisque de perte de greffon précoce par rapport aux patients qui n’avaient pas développé de DSA.
Stratifier le risque
Giudicelli et al. ont repris les données d’un peu plus de 300 patients et étudié la survie des greffons rénaux à 10 ans des patients ayant développé des DSA C1q+ ainsi que celle des patients ayant développé des DSA C1q-.
« Ce travail a confirmé que les DSA C1q+ sont plus pathogènes à court terme: leur apparition précoce est associée à une moins bonne survie du greffon à 5 ans», explique le Pr Couzi. Mais il démontre également (contrairement à ce que les travaux de Loupy et al. laissaient supposer) que les DSA C1q- sont aussi pathogènes s’ils persistent dans le temps. Leur niveau de risque est intermédiaire en terme de perte de greffon par rapport aux DSA C1q+, car ils induisent une baisse de la survie des greffons rénaux entre 5 et 10 ans.
« Le rejet humoral peut être aigu (l’apparition de DSA C1q+ est associée à un risque de perte de greffon de 30 % à 3 ans) ou survenir à plus long terme (l’apparition de DSA C1q-est associée à un risque de 20 % de perte de greffon à 7-8 ans). Cela a été confirmé sur 2 cohortes, l’une à Lyon, l’autre à Manitoba », précise le Pr Couzi.
Enfin, si certains DSA ne semblent pas pathogènes dans la mesure où ils coexistent avec une survie de greffon prolongée, « le rejet pourrait survenir encore plus tard, et nous n’avons peut–être pas encore assez de recul », nuance le Pr Couzy.
En conclusion, si les patients ayant des DSA C1q+ perdent leur rein très vite dans les 5 premières années, ceux ayant des DSA C1q- peuvent (ou non) le perdre entre 5 et 10 ans post-greffe. La recherche se poursuit pour mieux déterminer la pathogénicité de ces anticorps et mettre au point des outils réellement efficaces pour s’en débarrasser.
D’après un entretien avec le Pr Couzi, CHU de Bordeaux
(1) Guidicelli G. et al. J Am Soc Nephrol 2016;27(2):615-25
(2) Loupy A. et al. N Engl J Med 2014;370:83-6
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