« Les femmes ne doivent pas céder à une inquiétude excessive, 18 cas ont été identifiés en France alors que nous estimons à environ 400 000 le nombre de femmes qui portent des prothèses mammaires ; nous voulons les rassurer en signalant que notre alerte et notre vigilance sont absolues. » La ministre de la Santé Marisol Touraine a voulu rassurer lors d’un point presse organisée à la suite de la parution dans « le Parisien » d’un article évoquant un « nouveau cancer chez des porteuses d’implants mammaires ».
Le lymphome anaplasique à grandes cellules lié aux implants mammaires (LAGC-AIM) – terminologie désormais retenue par les experts – fait l’objet d’une surveillance particulière depuis la première identification en France en 2011 dans l’affaire des implants PIP.
Au 4 mars, 18 cas ont été recensés en France, avec une nette augmentation ces dernières années. « Est-ce une réelle augmentation du nombre de cas ou est ce qu’on en signale davantage parce qu’on surveille mieux et que les chirurgiens sont plus alertés sur cette maladie ? On ne peut pas le dire », déplore Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer (INCa). En France, les 18 femmes concernées ont 63 ans en moyenne (entre 42 et 83 ans). Huit d’entre elles ont reçu un implant à visée esthétique, 10 un implant posé pour une reconstruction mammaire liée à un cancer du sein.
Plusieurs séries de cas de LAGC-AIM ont été publiées dans la littérature au niveau mondial dont celle de FDA en 2011. Actuellement, la série la plus importante fait état d’au moins 173 cas à travers le monde.
Un lymphome à bon pronostic
L’augmentation du nombre de cas français a conduit la ministre de la Santé à demander de nouvelles recommandations. Selon le groupe d’experts réunis par l’INCa, il s’agit bien d’une entité spécifique qui devrait être intégrée à la classification de l’OMS lors de sa prochaine révision. Il semble exister deux formes de la maladie, une forme localisée limitée à la capsule, et une forme infiltrante (avec masse adjacente à la capsule périprothétique). Au moment du diagnostic, l’extension est le plus souvent limitée à la capsule périprothétique. La caractérisation immunohistochimique révèle l’expression constante du CD30 par les cellules tumorales, un phénotype T cytotoxique et, dans la quasi-totalité des cas rapportés, une absence d’expression ALK.
Le LAGC-AIM surviendrait entre 11 et 15 ans après la pose du premier implant, mais les délais observés en France sont très variables (de 2 à 37 ans).
Ces lymphomes semblent de bon pronostic. Selon le Pr Buzyn, Toutes les femmes en France ont subi une capsulectomie, sans traitement complémentaire nécessaire pour 7 d’entre elles. Deux ont reçu de la chimiothérapie et de la radiothérapie, trois une radiothérapie seule, six autres une chimiothérapie seule. 1 décès a été enregistré.
Aucune marque n’est officiellement mise en cause pour l’instant
La majorité des femmes atteintes d’un LAGC-AIM portaient un implant dit « macrotexturé » (par rapport à « lisse ») de la marque Allergan. Cependant, la ministre de la Santé a précisé que, pour l’instant, « aucune prothèse spécifique, aucune marque ou aucune enveloppe particulière, n’a jusqu’à maintenant été mise en cause de façon directe ». Un groupe ad hoc d’experts a été mis en place par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) afin de poursuivre les investigations sur le rôle de certaines prothèses dans l’apparition du lymphome. Dominique Martin, directeur de l’ANSM, abonde dans le sens de Marisol Touraine : « Nous avons des interrogations mais pas de piste concrète. Dans tous les cas, le revêtement macrotexturé est en cause, mais c’est aussi la quasi-totalité du marché français. Il n’y a aucun élément qui permet de mettre en cause un fabricant en particulier à ce jour ni même une anomalie particulière. Il ne faut pas se lancer sur de fausses pistes, ce serait un mauvais service à rendre. »
L’INCa émet des recommandations pour les professionnels de santé
Le Pr Buzyn rappelle que le suivi des femmes avec un implant est le même que celui recommandé pour toutes les femmes : une palpation des seins par leur médecin ou par une sage-femme tous les ans à partir de 25 ans ; à partir de 50 ans, il est recommandé de faire une mammographie tous les deux ans. Les symptômes les plus fréquents d’un LAGC-AIM sont un épanchement périprothétique, une augmentation de volume au niveau de l’implant, des douleurs, une inflammation, la présence d’une masse ou d’une ulcération. Dominique Martin a insisté lors de la conférence de presse : « Il n’est pas recommandé aux femmes porteuses de prothèses mammaires de demander leur retrait pour prévenir l’apparition de ce lymphome. »
La semaine dernière, l’INCa a adressé les recommandations de son groupe d’experts sur la conduite à tenir aux professionnels de santé concernés, notamment les chirurgiens, radiologues, sages-femmes et l’ordre des médecins. En cas de symptômes, il est recommandé de réaliser systématiquement une ponction pour rechercher et analyser les cellules dans l’épanchement, et éventuellement une biopsie de la capsule.
Marisol Touraine a souligné que l’information sur le risque de lymphome sera renforcée en France auprès des femmes ayant l’intention de se faire poser des implants, et que chaque femme recevant une prothèse mammaire devra recevoir une carte mentionnant les caractéristiques de l’implant.
Enfin, la Haute Autorité de santé (HAS) a également été saisie pour élaborer des recommandations sur les indications et les contre-indications relatives à la pose d’implants mammaires, les éventuelles restrictions à leur pose et les alternatives possibles.
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