L’ACCÈS A LA LISTE D’ATTENTE en vue d’une transplantation rénale reste médiocre pour les plus de 60 ans, alors que la survie du patient âgé est meilleure après transplantation que s’il reste en dialyse. La prise de décision pouvant être complexe, il ne faut pas hésiter à envoyer ses patients insuffisants rénaux pour avis, dans un service de transplantation afin de faire le tri entre patients transplantables et ceux qui ne le sont pas.
Près de 40 % des sujets âgés n’ont aucune ou une seule comorbidité.
« Notre attention a récemment été attirée sur ce problème parce que lorsqu’on regarde le chapitre d’accès à la transplantation du registre Rein, on s’aperçoit que seulement de 20 à 25 % des patients de plus de 60 ans sont inscrits sur la liste d’attente d’une greffe dans les trois ans suivant la mise en dialyse. Ce n’est pas beaucoup et ce chiffre nous a alertés. Il signifie, en effet, que les néphrologues ont encore probablement des réticences à les inscrire, en pensant, par exemple, qu’ils sont trop âgés, qu’ils ne peuvent supporter l’intervention ou qu’il n’y a pas assez de greffons… Il y a tout un travail à faire pour en comprendre les causes exactes, puisque tous les patients âgés ne présentent pas une polypathologie contre-indiquant la greffe de rein, loin s’en faut », remarque le Pr Hourmant.
Dans le registre Rein 2009 (dernier publié), parmi les plus de 65 ans, 18 % ne présentent aucune comorbidité et 20 % une seule comorbidité : cela ferait donc, a priori, quelque 38 % de patients transplantables. Dans la tranche d’âge 75-84 ans, près de quatre patients sur dix ont également une seule comorbidité. « Plus que l’âge, c’est bien l’état cardio-vasculaire qui compte pour décider d’une transplantation rénale. On obtient en effet des résultats satisfaisants avec les greffes des sujets âgés et il n’y a aucune raison de leur en «interdire» l’accès au seul motif qu’ils ont passé le cap des 70 ans », insiste le Pr Hourmant. La situation de pénurie de greffon ne doit pas non plus être frein car c’est en fait un problème qui doit être nuancé : « on n’hésite plus à chercher des greffons plus "limites" qu’auparavant d’autant que pour l’attribution d’un rein, un score est établi qui tient compte (entre autres) de l’âge du donneur et de celui du receveur. Conséquence : il est faux de penser qu’un sujet âgé risque de prendre le greffon d’un sujet plus jeune. Certains greffons, attribués à un sujet âgé ne l’auraient certainement pas été à un sujet jeune… Le profil des donneurs actuels nous a même mis dans la situation où il est plus facile d’être transplanté à 70 ans qu’à 25 ans, et c’est l’occasion de rappeler qu’il faut absolument informer le patient jeune sur la transplantation de donneur vivant et en explorer les possibilités. Cette transplantation, qui représente 10 % des transplantations en France, mais de 30 à 50 % dans les pays anglo-saxons et scandinaves, est celle qui donne les meilleurs résultats ».
L’âge et le sexe ne doivent plus être discriminatoires.
Les complications de la transplantation (risque d’aggravation d’un état cardio-vasculaire dans les suites immédiates de la greffe, risque infectieux, risque de cancer) restent inférieures à celles de la dialyse, y compris chez les personnes âgées. Les Français et les Américains ont d’ailleurs montré que la mortalité d’un sujet âgé greffé était moins importante que celle d’un sujet du même âge et qui reste en dialyse. Il n’existe un surrisque que dans la période périopératoire.
Autre point sur lequel il faut rester vigilant : « des études américaines suggèrent que les femmes âgées sont encore moins inscrites que les hommes sur une liste d’attente de greffe du rein. Peut-être est-ce dû au fait qu’il y a davantage d’hommes insuffisants rénaux ou que les femmes déclarent plus tardivement leur insuffisance rénale. D’autres études seraient nécessaires pour comprendre cette différence ».
Pour que l’âge (ou le sexe) ne soit plus un élément discriminatoire face à la greffe de rein, les néphrologues ne doivent donc pas hésiter à envoyer leurs patients, systématiquement les 60-70 ans et au cas par cas au-delà, en consultation spécialisée (sauf contre-indication évidente). « La décision de savoir s’ils peuvent être greffés ou non est du ressort des services de transplantation car il nous est évidemment plus facile de réunir un staff multidisciplinaire (cardiologue, néphrologue, anesthésiste, chirurgien) pour discuter des cas les plus complexes », insiste le Pr Hourmant. C’est d’autant plus important que la décision de greffer doit être impérativement prise avant que la survenue d’une nouvelle complication (comme un infarctus du myocarde sous dialyse) ne rende vraiment le patient intransplantable. Il y a donc paradoxalement une relative urgence à réagir !
D’après un entretien avec le Pr Maryvonne Hourmant, service de néphrologie, CHU de Nantes.
Légende - L’accès des patients âgés à la liste d’attente est encore médiocre
(Source : Registre Rein 2009)
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