LA PRISE EN COMPTE de l’état nutritionnel représente une variable majeure dans la gestion du risque post-opératoire. D’une part, la dénutrition est un facteur de risque démontré de morbi-mortalité postopératoire. L’existence d’une dénutrition induit une diminution des défenses anti-infectieuses et antitumorales, retarde les mécanismes de cicatrisation, réduit les fonctions musculaires et respiratoires, et est associée à une augmentation du coût et de la durée du séjour hospitalier. D’autre part, les interventions chirurgicales lourdes sont des facteurs de risque important de dénutrition, du fait de facteurs physiologiques (stress métabolique, inflammation) et de facteurs environnementaux (réductions des ingestas, techniques chirurgicales et anesthésiques, douleur) qui peuvent aggraver ou induire une dénutrition.
Le jeûne péri-opératoire, partiel ou total, correspond à la période pendant laquelle les apports totaux sont inférieurs à 60 % des besoins théoriques et s’étend souvent sur plusieurs jours. Il est dû à l’anorexie liéé à la pathologie sous-jacente, à des mises à jeun systématiques pour la réalisation du bilan pré-opératoire, au jeûne peropératoire qui dure souvent plusieurs heures et au jeûne postopératoire précédant une réalimentation progressive sur plusieurs jours.
Réduire le jeûne péri-opératoire chez tous les patients.
La stratégie de nutrition artificielle péri-opératoire a donc pour principal objectif de diminuer la morbi-mortalité postopératoire. Elle a un intérêt démontré chez tous les patients devant subir une intervention lourde, notamment carcinologique, qu’ils soient préalablement dénutris ou non. L’évaluation de l’état nutritionnel pré-opératoire des patients doit être systématique.
Un de ces principaux axes est la réduction du jeûne pré-opératoire : ne pas prescrire de mise à jeun systématique pour les examens complémentaires si elle n’est pas strictement nécessaire, instaurer une prise en charge diététique spécifique, notamment en cas de difficulté à s’alimenter, respecter les recommandations sur les délais de prise alimentaire pré-opératoire. En effet, la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation autorise désormais pour les chirurgies programmées, la prise d’un repas léger six heures avant l’anesthésie et la prise de liquides jusqu’à deux heures avant.
Dans le cas particulier de la chirurgie colorectale, plusieurs études ont récemment démontré l’intérêt de prescrire une charge orale en glucose, soit 800 ml de solution sucrée à 12,6 % avant minuit, suivi de 400 ml 2 à 3 heures avant la chirurgie, afin de diminuer l’insulinorésistance, l’hyperglycémie et le catabolisme musculaire postopératoire.
En postopératoire, la prise en charge nutritionnelle concerne les malades dénutris dès le premier jour suivant l’opération, mais aussi les patients non dénutris si le jeûne prévisible dépasse 7 jours. Elle comporte la limitation du jeûne postopératoire en fonction du type de chirurgie, en privilégiant la reprise précoce de l’alimentation (dès 24-48 heures en cas de chirurgie colorectale, par exemple), l’absence d’aspiration digestive systématique, la prescription de compléments nutritionnels hypercaloriques. La nutrition entérale postopératoire précoce (dès la 6e heure) est recommandée en cas de dénutrition pré-opératoire et contribue à préserver la barrière intestinale et les défenses immunitaires.
Immunonutrition en cas de chirurgie carcinologique.
En juin 2005, l’AFFSAPS a émis un avis favorable à l’utilisation de l’immunonutrition en chirurgie digestive carcinologique. Ces formules orales ou entérales enrichies en arginine, en acides gras n-3 et en nucléotides ont démontré, dans plusieurs études, leur rôle dans la réduction du taux d’infections postopératoires et de la durée d’hospitalisation. Elles sont indiquées en pré-opératoire chez tous les patients quel que soit leur état nutritionnel, et en postopératoire, par voie entérale puis orale, chez les patients dénutris, pour une durée au moins égale à sept jours.
Dans tous les cas, la prise en charge nutritionnelle doit être associée aux autres mesures permettant de réduire les complications postopératoires : contrôle de la douleur et de l’état d’hydratation, mobilisation précoce…
D’après un entretien avec le Dr Olivier Corcos, gastro-entérologue, hôpital Beaujon, Clichy.
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