Si les greffes de rein multiples ne sont pas rares chez les patients atteints de syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa), la 6e transplantation récemment médiatisée mais réalisée en janvier 2015 chez une patiente âgée de 46 ans, suivie depuis l’enfance à l’hôpital Necker (AP-HP, Paris) fait figure d’exception. Cette histoire clinique hors norme permet de prendre la mesure des avancées réalisées ces dernières années dans la prise en charge de la maladie.
La perspective de la greffe n’est plus refusée
Il y a sans conteste la prouesse chirurgicale de la 6e greffe rénale, - réalisée par le Pr Arnaud Méjean - « pour la première fois en France » et « l’une des premières fois au monde », indique le communiqué de l’AP-HP. L’intervention qui a duré 5 heures était « particulièrement complexe par les très nombreuses interventions antérieures et les difficultés vasculaires ». Mais le succès doit aussi beaucoup au développement d’un nouveau médicament, l’éculizumab, qui a transformé le pronostic des patients présentant un SHUa.
Avant l’arrivée de l’éculizumab, « il n’existait pas de traitement efficace », explique le Pr Fadi Fakhouri, néphrologue au CHU de Nantes. La prise en charge reposait sur les échanges ou les transfusions de plasma. Deux tiers des patients développaient ainsi une insuffisance rénale terminale avec recours à la dialyse et à la greffe. « Le risque de rechute sur le greffon est de 50 % toutes mutations confondues à 5 ans mais peut monter à 70 % pour les mutations les plus sévères, indique le néphrologue de Nantes. Après la perte de 2-3 greffons, les patients étaient condamnés à rester en dialyse ».
À partir des années 2000, de grandes avancées ont été faites dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie. « Le rôle central du complément a été mis au jour, ce qui a ouvert la voie à l’éculizumab, un anticorps monoclonal inhibiteur du complément », explique le Pr Fakhouri. Utilisé depuis 2007 dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, l’éculizumab a obtenu une extension d’AMM fin 2011 dans le traitement du SHUa. « En bloquant l’attaque du complément, l’éculizumab stoppe la lésion initiale, poursuit-il. Ce qui laisse la possibilité au rein de réparer les lésions si elles ne sont pas trop avancées. L’éculizumab marche aussi sur les manifestations extra-rénales, neurologiques ou cardiaques».
En prévention des rechutes
« La chirurgie crée les conditions d’emballement du SHU », souligne le Pr Fakhouri. C’est pourquoi l’éculizumab est administré en prévention des rechutes dès la période préopératoire de la greffe. Le Pr Christophe Legendre, néphrologue à l’hôpital Necker en charge de la patiente, précise : « L’intervention rajoute des agressions endothéliales, ce qui explique le risque très élevé de récidive. En donnant l’éculizumab avant la greffe, les résultats sont meilleurs ». La patiente suivie à Necker avait perdu, parfois très rapidement, certains greffons en raison d’une récidive précoce. De plus, dans son cas très particulier, d’autres greffons avaient été perdus par rejet immunologique, ce qui fait que l’intérêt de l’éculizumab était double chez elle, certaines données suggérant un effet anti-rejet.
« L’éculizumab a révolutionné le SHUa, résume le Pr Fakhouri. Il permet de sauver des reins natifs mais aussi d’ouvrir la perspective de la greffe à des sujets, parfois très jeunes, qui étaient condamnés à rester en dialyse en raison d’un risque très élevé de récidive ». La durée optimale du traitement pose encore question. « Pour l’instant, l’AMM mentionne un traitement à vie, expose le Pr Legendre. Chez les patients très haut risque, cela ne fait pas de doute. En cas de très faible risque, cela se discute. La vérité, c’est qu’on ne sait pas encore ». « Un PHRC va être lancé à ce sujet », indique le Pr Fakhouri.
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