Dystrophie cornéenne non inflammatoire, le kératocône se traduit par un amincissement et une déformation vers l’avant de la cornée, prenant l’aspect d’un cône irrégulier. Il concerne généralement les deux yeux mais de façon asymétrique. Les formes évolutives sont variables, généralement plus sévères lorsque le début est précoce. Jusqu’ici, la prise en charge du kératocône consistait à réhabiliter la vision par des lentilles de contact puis, si les patients ne les supportaient plus, par la pose d’anneaux cornéens, par des séances de laser pour régulariser la cornée ou des soins plus spécialisés comme les lentilles implantables. « Mais si les anneaux ou les lentilles corrigent partiellement la courbure cornéenne, ils n’empêchent pas la maladie d’évoluer, contrairement au cross-linking », rappelle le Dr Dominique Pietrini, centre de la cornée et du kératocône (Paris).
Viser la déformation
Le cross-linking consiste à déposer, sur la cornée, une substance photosensible (la riboflavine) puis de l’exposer à des UVA pendant 5 à 10 minutes afin de polymériser le collagène et de rigidifier la cornée. Il se pratique sous anesthésie locale, la séance dure une demi-heure. L’intervention en elle-même est indolore, mais l’œil devient douloureux pendant 4 ou 5 heures après le cross-linking, nécessitant souvent la prescription d’antalgiques forts. Une lentille pansement doit être portée pendant 48 à 72 heures, le temps que la cornée se réépithélialise. La vision reste brouillée, du fait de l’œdème réactionnel, parfois jusqu’à 3 semaines après le cross-linking. La correction cornéenne est rapide et continue à s’améliorer à distance de l’intervention, un suivi régulier s’assurant que la cornée reste stable.
À moyen terme, le cross-linking ayant stabilisé la maladie, reste la question de la réhabilitation de la vision par des lunettes ou des lentilles si la cornée était très déformée. On a maintenant un certain recul avec cette technique, qui a débuté dans les années 2000 et se pratique en routine depuis 2006/2007. Toutes les études, dont l’essai australien de référence (1) confirme son efficacité, avec une stabilisation de la maladie dans plus de 90 % des cas. Les contre-indications d’ordre médical sont rares, en dehors des antécédents d’herpès oculaire ; l’intervention peut être récusée du fait de l’épaisseur de la cornée, une cornée trop mince ne permettant pas d’effectuer le cross-linking avec une sécurité suffisante.
La technique actuellement la plus utilisée est « l’EPI OFF » : on désépithélialise la cornée avant d’appliquer la riboflavine. Pour diminuer la douleur postopératoire et améliorer la cicatrisation, est utilisée depuis quelque temps la technique « EPI ON » laissant intact l’épithélium cornéen, mais cette intervention est plus difficile et reste encore marginale. Elle pourrait être utilisée lorsque la cornée est trop mince. On peut recourir soit à des molécules de riboflavine particulières soit à des méthodes comme l’ionophorèse, pour augmenter l’absorption de la vitamine B2.
Dépister et traiter avant 20 ans
« Il existe maintenant un consensus pour traiter systématiquement par cross-linking les kératocônes chez les patients de moins de 20 ans, chez qui les formes sont les plus sévères. Après cet âge, le cross-linking n’est indiqué que dans les pathologies évolutives », explique le Dr Pietrini. Cette technique a peu d’intérêt, en revanche, dans les stades très évolués où la réhabilitation visuelle par lentilles ou lunettes n’est plus possible et qui doivent bénéficier d’une kératoplastie. « La possibilité de stabiliser la maladie doit amener à dépister précocement les kératocônes », insiste-t-il, mais il existe toujours un petit retard au diagnostic, car tous les ophtalmologistes ne disposent pas d’un système de cartographie cornéenne pour affirmer le kératocône.
D’après un entretien avec le Dr Dominique Pietrini, centre de la cornée et du kératocône (Paris).
(1) Whittig et al. A randomized controlled trial of corneal collagen cross-linking in progressive keratoconus : preliminary results. Journal of Refractive Surgery 2008;24(7):S720-5
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