SI TOUT le monde a conscience des progrès réalisés par l’imagerie anatomique au cours des dernières décennies (scanner avec reconstruction tridimensionnelle, IRM…), ceux obtenus en imagerie fonctionnelle, plus spécifiquement isotopiques, sont moins bien connus du grand public. Ils ont pourtant radicalement transformé l’approche diagnostique de certaines pathologies, ce d’autant que l’on peut désormais combiner les explorations fonctionnelle et anatomique. La plus classique de ces techniques, la scintigraphie osseuse, a été transformée par l’introduction d’appareillages de plus en plus sensibles. Elle est supplantée, depuis une dizaine d’années, par la tomographie par émission de positons (TEP) qui, selon le traceur-émetteur utilisé, permet de détecter et de suivre un nombre croissant et mieux défini d’altérations squelettiques.
La scintigraphie osseuse repousse les limites.
Le clinicien n’a pas attendu les derniers développements de la technique historique de référence en médecine nucléaire qu’est la scintigraphie osseuse (SO) pour l’intégrer dans sa démarche diagnostique quotidienne. La SO utilise en routine des biphosphonates marqués au Technetium-99, est peu coûteuse et permet une visualisation squelettique totale (au moyen de gamma-caméras en mode balayage). Elle s’est rapidement imposée comme une exploration très utile, malgré certaines limites inhérentes à sa réalisation. Furent donc reprochés à la SO standard, une sensibilité insuffisante (plus particulièrement dans la région rachidienne par rapport au reste du squelette), une spécificité insuffisante (plus particulièrement en présence de lésions bénignes arthrosiques, post-traumatiques, infectieuses) et une interprétation rendue douteuse de l’efficacité thérapeutique de certains médicaments anti-tumoraux (du fait même de l’interférence de ces produits sur les anomalies scintigraphiques observables). Les progrès technologiques ont permis de repousser limitations. Depuis une vingtaine d’années, le développement d’appareil hybrides (caméras-tomodensitomètres) a propulsé cette imagerie initialement contrainte au seul mode planaire vers une perspective tri-dimensionnelle. L’usage de traceurs alternatifs au Technetium-99 (Iode-131 ou Indium-111) a élargi, en le ciblant plus spécifiquement, le champ de détection métastatique (carcinome thyroïdien différencié pour l’iode, proliférations endocrines avec l’indium).
La TEP confirme ses ambitions.
Largement utilisée en oncologie viscérale, la TEP a ensuite fait la preuve de son utilité dans l’analyse du squelette, surtout lorsqu’elle combinée à la tomodensitométrie. Aux perspectives morphologiques, et de bilan d’extension à la fois anatomique et topographique, vient se rajouter une perspective d’imagerie métabolique et fonctionnelle. La TEP va faire appel à différents traceurs suivant l’affinité tissulaire recherchée, mais tous ces produits incluent au sein d’une molécule métabolisable plus complexe, un isotope émetteur de protons, principe même de cette imagerie. Le fluorodéoxyglucose (FDG) au fluor-18 est le traceur disposant de la plus grande expérience d’utilisation. Cet analogue du glucose va s’accumuler dans les zones néoprolifératives métaboliquement les plus actives.
Le cahier de charges de réalisation technique de l’examen est particulièrement rigoureux si on veut lui éviter une perte de qualité due à des effets parasites, liés par exemple à des prises alimentaires inappropriées ou à des absorptions médicamenteuses également susceptibles d’interférer avec l’activité métabolique des zones tumorales recherchées. Les performances diagnostiques de la TEP étant tributaires d’un aspect quantitatif (intensité du signal tumoral), la qualité finale de cette exploration sera influencée par de multiples paramètres chronodépendants : glycémie du patient, délai depuis l’injection du traceur, prise concomitante de médicaments…
En TEP, un traceur alternatif au FDG, le fluorure de sodium (FNa), est encore plus spécifique de l’altération squelettique recherchée. Il est d’ailleurs historiquement le plus ancien des marqueurs isotopiques utilisés, mais son utilisation clinique large avait été différée par l’indisponibilité initiale d’appareils d’imagerie appropriés. L’affinité squelettique de l’ion fluorure (F) s’intégrant aux cristaux d’hydroxyapatite rend compte de la qualité d’imagerie susceptible d’être obtenue à l’aide de ce traceur.
Des performances mieux définies.
Une fois maîtrisées les servitudes techniques de réalisation de la TEP au FDG, l’expérience aidant, on cerne mieux les avantages de cette imagerie de génération plus récente : son acquisition tridimensionnelle, son seuil de détection lésionnel plus sensible (avoisinant le demi-centimètre de diamètre contre plutôt le centimètre en scintigraphie osseuse), sa capacité détectrice multi-environnementale tissulaire simultanée (viscérale et squelettique). Certaines limites doivent cependant être rappelées en imagerie oncologique : le silence des néoproliférations métaboliquement peu actives (prostate par exemple) ; une visualisation amoindrie chez les sujets « dysmétaboliques » (obèses, diabétiques), des risques de faux positifs au niveau de foyers d’inflammation ou d’infection.
Dans un contexte métastatique, la TEP au FDG a une sensibilité de détection supérieure à celle de la scintigraphie osseuse, plus particulièrement lorsqu’il s’agit de foyers ostéolytiques que de foyers condensants. Des études plus systématiques, cancer par cancer, sont en cours dans le but de comparer les mérites respectifs de la TEP au FDG, de la scintigraphie osseuse et de l’IRM dans diverses situations oncologiques rencontrées en clinique.
Une fois cette recherche préliminaire achevée, il devient possible de proposer, au sein de ce triptyque d’imagerie, la combinaison la plus performante soit au stade de la détection, soit ultérieurement dans la phase de suivi thérapeutique après par exemple démarrage d’une chimiothérapie. Des études similaires sont également en cours avec la TEP au FNa, de plus en plus systématiquement combinée au scanner pour définir le meilleur rapport de sensibilité/spécificité au moyen d’un ou de deux de ces derniers examens. On comprend alors que l’on dispose d’une panoplie variée de modalités d’imagerie et que l’expérience finit par faire apparaître, dans chaque situation suspecte donnée, le profil de prescription combinée d’imageries le plus avantageux à la démarche diagnostique ou de suivi.
La confrontation des données d’imagerie.
En soumettant les lésions répertoriées ou suspectées aux explorations isotopiques que l’on confronte aux données de scanner ou d’IRM, on parvient à caractériser de plus en plus spécifiquement les tumeurs secondaires, les syndromes hémopathiques ou myéloprolifératifs, ou certaines tumeurs bénignes douteuses.
Pour certaines tumeurs osseuses primitives, affectant préférentiellement le squelette immature et sensible aux chimiothérapies, les données convergentes de ces imageries non seulement sont précieuses au stade diagnostic, mais sont également des outils de guidage du traitement. Les ostéosarcomes et les sarcomes d’Ewing bénéficient tout particulièrement de ce pilotage thérapeutique sur des données d’imagerie.
Les échecs prothétiques par infection.
Une dernière situation pathologique pour laquelle l’imagerie isotopique rend des services irremplaçables est celle des infections sur matériel prothétique, surtout articulaire. L’infection d’une arthroplastie représentant une complication certes rare, mais redoutable, on comprend l’intérêt de disposer de moyens diagnostiques fiables lorsque la conviction clinique seule ne permet pas de planifier avec certitude la stratégie thérapeutique. Dans de telles situations, la TEP au FDG peut s’avérer très utile au diagnostic, au même titre que différentes modalités spécifiques de SO : scintigraphie au gallium-67, scintigraphie aux leucocytes marqués (Indium 111 ou Technétium-99), scintigraphie au moyen d’anticorps antigranulocytes marqués.
Au total, dans de nombreux chapitres de pathologie de l’appareil locomoteur, l’imagerie moderne semblait, par sa dynamique de progrès, pouvoir monopoliser la précision de la démarche diagnostique et de suivi thérapeutique. C’était sans compter la créativité innovatrice des services de médecine nucléaire. Certes, la combinaison de ces deux approches, encore plus performante, ne doit s’imposer que dans des situations pathologiques bien codifiées en raison de problématiques de coûts et disponibilité de ces examens ; mais on peut envisager que les années à venir transformeront, par l’usage raisonné de ces multiples modalités d’imagerie, l’approche diagnostique et thérapeutique de certaines pathologies squelettiques.
D’après la conférence du Dr Jean-Louis Alberini, Centre René-Hugenin, Saint-Cloud.
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