L’INSUFFISANCE cardiaque aiguë sévère relève, lorsque les thérapeutiques habituelles sont dépassées, de l’assistance circulatoire extracorporelle (ECMO). Ces techniques sont accessibles dans les centres spécialisés disposant d’une équipe de chirurgie cardiaque. Aux Antilles, l’équipe de chirurgie cardiaque du CHU de Fort de France a développé un programme de mise en place d’ECMO dans l’établissement. Puis, depuis deux ans, elle a constitué une équipe mobile qui se déplace dans les centres caribéens pour implanter les ECMO et rapatrier les patients vers Fort de France. Ces transports régionaux de courte distance (durée de vol = 1 h 30 à 3 heures) et à basse altitude sont réalisés en avions privés ou militaires (15 vols à ce jour). En revanche, jusqu’alors, il n’était pas envisageable de transférer les patients vers un centre métropolitain sur avion de ligne (transport jugé trop périlleux). Or, les techniques d’ECMO ne peuvent se prolonger plus de deux semaines : délai au-delà duquel, si le cœur n’a pas récupéré, la transplantation cardiaque est nécessaire. Aussi, « comme il n’y a pas encore à ce jour de programme de transplantation cardiaque aux Antilles, certains de nos patients Antillo-Guyanais se trouvaient dans l’impasse », a souligné le Pr Roques.
La compagnie Air-Caraïbes effectue depuis de nombreuses années des transports transatlantiques de patients parfois intubés et ventilés et dans un état grave. Ainsi, il y a six mois, elle a été sollicitée pour envisager les perspectives de transfert transatlantique de patients sous ECMO.
Cependant, « des problèmes de logistique et de physiologie aéronautique se posaient », a précisé le Dr Michel Clerel, « du fait des variations de pression et de température dans la cabine, et des risques de modification de raccord entre le corps du patient et la machine en cas de turbulences ». Depuis trois mois, des essais en situation réelle (mais sans patient…..) ont été effectués au sol et en vol grâce à la collaboration du service médical d’Air Caraïbes et de l’équipe de chirurgie cardiaque du CHU de Fort de France.
Défaillance cardiaque aiguë sévère.
Le 3 septembre, un appel urgent a été lancé pour une femme de 40 ans, en défaillance cardiaque aiguë sévère, en Guyane. Après pose d’une ECMO en réanimation au Centre Hospitalier de Cayenne, elle a été rapatriée par avion militaire jusqu’à Fort de France où elle a été prise en charge par l’équipe de chirurgie cardiaque du Pr Roques. Son état s’aggravant et nécessitant une transplantation cardiaque, il a été décidé de la transférer à Paris, sur un vol régulier. Après avoir informé le commandant et le personnel de bord et placé dans la cabine deux obus d’oxygène, la malade a pris place à bord du vol d’Air Caraïbes Fort-de-France - Paris le mercredi 7 septembre à 17h30. Elle était accompagnée d’une équipe médicale : Dr Guillaume Lebreton, chirurgien cardiaque, Dr Mnif, anesthésiste-réanimateur du service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, Drs Villain-Coquet et Pecout, médecins du SAMU 972 et Monsieur Janot (technicien d’ECMO). Ceux-ci ont été, durant le vol, en contact audio permanent (bulletin de santé transmis toutes les heures) avec le Dr Michel Clerel qui se trouvait à Orly. L’avion a atterri jeudi 8 septembre à 7h50 à Paris-Orly. La malade a alors été transférée à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière, en attente d’une transplantation, dans un état encore critique. Elle est malheureusement décédée le 22 septembre.
Le pont de la coopération.
Cette première est le fruit de la coopération de tous les acteurs (personnels du CHU Fort-de-France, personnels de la compagnie Air Caraïbes notamment ceux des escales de Cayenne, Fort de France et Paris, services commerciaux et techniques, PNT, PNC de l’équipage du jour) qui ont participé à cet événement à tous les niveaux. C’est aussi la rançon du travail de nombreuses équipes régionales (réanimation et Samu de Fort de France et de Cayenne) qui ont œuvré depuis plusieurs années pour la maitrise de ce programme régional. Ce transfert transatlantique sous ECMO constitue un espoir formidable pour les patients atteints de pathologie cardiaque sévère qui ne peuvent être pris en charge sur place, dans les Caraïbes. Désormais, « un pont aérien est possible dans l’urgence vers les centres de transplantation cardiaque », a souligné le Dr Guillaume Lebreton.
D’après un entretien avec le Dr Michel Clerel, anesthésiste-réanimateur, médecin-conseil Air Caraïbes, le Dr Guillaume Lebreton et le Pr François Roques, chirurgiens cardiaques au CHU de Fort-de-France
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