C’est une première en Europe : quelques minutes après l’arrêt cardiaque d’un patient dont les soins de réanimation avaient été interrompus, une équipe de chirurgiens a pu réanimer son cœur et le maintenir battant pendant plus de trois heures avant qu’il ne soit réimplanté chez un patient sur liste d’attente dans un autre hôpital. Cette conservation ex vivo a été rendue possible grâce à un dispositif de perfusion portatif, le « Organ Care System », élaboré par la société américaine Transmedics. L’outil permet à la fois de tester la qualité de l’organe et de restaurer ses capacités métaboliques et énergétiques.
L’opération, réalisée en début du mois de mars est une réussite ; le receveur, âgé de 60 ans, est désormais en convalescence chez lui.
Si ce type de prélèvement cardiaque, sur donneur « à cœur arrêté », reste inédit en Europe, il a également été réalisée en Australie chez 4 patients Maastricht III depuis le mois d’octobre. Dans les cas australiens, les cœurs réanimés ont été perfusés pendant 5 à 8 heures. D’après le Pr Peter Macdonald, le directeur de l’unité ayant réalisé ces premières greffes, les receveurs sont toujours en bonne santé, après 4 à 9 mois de suivi.
Une pratique interdite en France
En France, les prélèvements d’organes à partir de donneurs ayant subi un arrêt cardiaque sont possibles depuis 2005, mais uniquement pour réaliser des greffes de rein, de foie et de poumon. Autre précision : jusqu’à récemment, les prélèvements sur patients Maastricht III n’étaient pas réalisés, pour des considérations d’ordre éthique : peur de provoquer des cas d’euthanasie utilitaire. En septembre 2014, l’Agence de la biomédecine (ABM) présentait le protocole à suivre permettant de réaliser les premiers prélèvements de ce type en France.
Mais la loi française n’autorise toujours pas le prélèvement cardiaque sur les patients « à cœur arrêté », principalement parce que cet organe vital tolère mal l’ischémie, explique le Pr Olivier Bastien, directeur des prélèvements et de la greffe à l’ABM : « Pour le cœur, c’est plus compliqué que pour le rein par exemple. Un rein peut être réhabilité sur plusieurs semaines même s’il a été abîmé et, au pire, s’il y a le moindre problème avec la greffe, on peut repartir en dialyse. Le cœur est beaucoup plus fragile et il faut éviter les infections – on ne veut pas transmettre une endocardite au receveur. Une fois qu’on a un cœur abîmé le risque vital est engagé ».
Une piste à haut risque
Ce nouvel exploit réalisé par les équipes britanniques et australiennes tente-t-il les spécialistes français à se lancer dans ce nouveau type d’expérimentation ? Pas encore, répond le Pr. Jean François Obadia, spécialiste de la transplantation cardiaque à l’hôpital Louis Pradel de Lyon. C’est quand même une piste à haut risque, avec des obstacles considérables – c’est un pari un peu gonflé, et n’est pas parce qu’il y en a un ou deux qui ont marché que le projet n’est pas une impasse. Le fait de monter un cœur sur une machine peut même être délétère, donc il faut être très prudent, explique-t-il. Avant d’avoir un cœur qui marche, j’aimerais savoir combien ont échoué. De toute façon, dans ce type d’essais, il n’est pas souhaitable que tout le monde s’y mette en même temps, sinon on reproduit tous les mêmes erreurs. »
Il y a quelques années, l’équipe du praticien a néanmoins entamé une demande de programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) pour tester l’approche, mais le projet a rapidement été abandonné. « Nous avons envisagé de participer à cette étude internationale avec l’équipe de Cambridge. Nous avons même fait une demande de financement qu’on n’a même pas finalisé, tellement les prétentions du fabricant étaient exorbitantes », explique-t-il.
Selon lui, les 25 % de greffons supplémentaires attendus par les britanniques sont une surestimation. Le Pr. Bastien abonde dans son sens: « Il ne s’agit pas de prélever tous les arrêtés cardiaques – ce n’est pas un prélèvement sur l’infarctus inopiné dans la rue – cela concerne uniquement l’arrêt cardiaque qui a lieu en milieu hospitalier, suite à l’arrêt des traitements, sur des patients sans pathologie cardiaque. C’est un progrès intéressant en terme de voie de recherche mais la route et encore longue pour que ce soit applicable à un coût raisonnable et à une échelle plus large ; donc il ne faut pas donner l’espoir que, en France, dans un an il y aura 20 % de greffes en plus. »
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