Felix Gretarsson a été victime d’un grave accident en 1998 : une décharge de 11 000 volts a brûlé les mains du jeune électricien islandais de 26 ans, qui s’est retrouvé plongé dans le coma. À son réveil, trois mois plus tard, il était amputé des deux bras. En 2007, après s’être documenté sur les greffes, il provoque une rencontre avec le professeur lyonnais Jean-Michel Dubernard, pionnier mondial de la greffe de mains en 1998. à la suite de cet entretien, Felix déménage d’Islande en France en vue de bénéficier d’une greffe bilatérale de bras.
« Dès 2010, nous avons déposé un protocole de recherche clinique quasiment ciblé pour lui, ayant pour but d’évaluer la faisabilité de la transplantation. Ce protocole doit comprendre cinq patients, Felix est le premier à en bénéficier », explique le Pr Lionel Badet, chef de service urologie et chirurgie de la transplantation à l’hôpital Édouard Herriot à Lyon. « Felix a lutté 15 ans pour avoir sa transplantation. Nous attendions un donneur depuis près de cinq ans. Et 23 ans après son accident, nous avons réussi à le greffer », se félicite-t-il. « Cette intervention combine des aspects techniques, mais aussi financiers et logistiques car il est difficile de réunir une cinquantaine de personnes au même endroit et au même moment », développe-t-il.
Purification du sang
L’intervention a eu lieu le 13 janvier 2021. Felix a bénéficié d’une greffe bilatérale de bras, au niveau de l’épaule à gauche et transhumérale proximale à droite. Les préparations du donneur et du receveur ont eu lieu simultanément en deux lieux différents de l’hôpital Édouard Herriot. « Cette intervention a été très complexe, témoigne le Pr Thomas Rimmelé, chef de service anesthésie-réanimation. Concernant la durée de l’intervention, on nous avait annoncé entre 12 et 24 heures de chirurgie, or maintenir sous anesthésie générale un patient pendant autant d’heures, c’est compliqué ».
De plus, la réimplantation de deux bras chez un patient provoque un phénomène d’ischémie-reperfusion, provoquant l’accumulation locale de toxines très néfastes pour l’organisme. « Nous avons anticipé et appliqué un protocole de purification du sang pendant l’opération. Nous avons branché un système dérivé de la dialyse qui a permis d’épurer le sang du patient de toutes ses toxines », détaille le Pr Rimmelé. « Cela a permis de maintenir le patient stable pendant toute la chirurgie et d’avoir des suites post-opératoires correctes », souligne-t-il.
Quatre équipes de chirurgie
« Ce patient avait perdu l’un de ses bras au-dessus de la tête humérale. Nous avons donc reconstruit l’épaule en apportant l’humérus en entier », complète le Dr Aram Gazarian, chef de service chirurgie orthopédique main et membre supérieur. La chirurgie s’est décomposée en deux grandes étapes : d’abord deux équipes ont prélevé le donneur et deux autres ont préparé le receveur. Ces deux étapes ont duré moins de cinq heures chez le donneur et chez le receveur.
« Ces quatre équipes travaillent en même temps et de façon coordonnée afin que le receveur soit prêt à recevoir ses bras sans attendre, afin que les membres prélevés soient immédiatement revascularisés. En effet, les muscles ne supportent pas une ischémie supérieure à six heures », détaille le Dr Gazarian. Les quatre équipes se composaient de trois chirurgiens chacune, soit 12 au total, plus trois spécialisés en vasculaire. « Nous avons identifié les tissus que nous devions réparer (os et articulations, artères et veines, nerfs, muscles, tendons, couverture cutanée) et nous avons reporté tous les tissus en zone saine chez le receveur. Nous avons étiqueté les structures les plus difficiles à identifier, en particulier les nerfs », explique-t-il.
Un traitement anti-rejet à vie
La transplantation proprement dite a commencé par la reconstruction osseuse, transhumérale à droite et articulaire au niveau de l’épaule gauche. Immédiatement après, la revascularisation des membres a été menée à bien, avec la suture des artères et des veines. Puis, une longue période a été nécessaire pour le raccordement des muscles et des nerfs, puis de la couverture cutanée. Ainsi, à droite, 9 cm d’humérus ont été raccordés à l’épaule, à gauche l’intégralité de l’humérus a été rattachée au receveur. Une quinzaine de muscles et de tendons ont été reconstruits, de même que deux artères et trois veines, ainsi qu’une grande quantité de nerfs, grâce à une microchirurgie sous microscope opératoire. Le patient doit prendre un traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet de greffe, qui s’ajoute à celui qu’il prenait déjà pour sa greffe de foie.
Au neuvième jour, le patient va bien et aucune complication sérieuse précoce n’a été observée. Seule une thrombose veineuse à gauche, sans aucune conséquence pour le greffon, est traitée par héparine. Le patient n’a pas de signe de rejet pour le moment. Il va bientôt entamer une longue rééducation, à l’hôpital Henry Gabrielle d’ici trois à six semaines. « À ce niveau d’amputation, on ne peut pas espérer qu’une main fonctionne normalement, ni même qu’elle retrouve une sensibilité.En revanche, nous avons de bonnes raisons d’espérer que Felix retrouve une flexion active du coude à gauche », conclut le Dr Aram Gazarian.
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