PAR LE Pr MARC MURAINE*
LES TECHNIQUES de greffes endothéliales connaissent à l’heure actuelle un grand engouement et s’imposent progressivement dans la prise en charge des pathologies endothéliales de la cornée (environ 60 % des indications de greffe de cornée). Ces maladies sont principalement représentées par la dystrophie du pseudophake, qui reste, dans de nombreuses séries, la première indication de greffe, la dystrophie endothéliale primitive de Fuchs (cornea guttata), les cas de décompensation endothéliale après greffe perforante et, enfin, les décompensations endothéliales après implant phake.
Si les kératoplasties transfixiantes restent encore l’intervention de référence sur ce type de pathologies dans un grand nombre de centres, elles exposent le patient à un certain nombre de complications. Parmi celles-ci, on retiendra principalement la fragilité à long terme de la zone de trépanation, la survenue d’un astigmatisme supérieur à 6 dioptries dans 5 à 10 % des greffes, ainsi que des troubles de la surface oculaire, tels les complications infectieuses en regard des fils ou les défauts d’épithélialisation secondaires à des troubles trophiques.
Le principe des greffes endothéliales est de ne retirer que la partie postérieure de la cornée atteinte, c’est-à-dire uniquement l’endothélium et la membrane de Descemet. La partie retirée est alors remplacée par un greffon endothélial comprenant le plus souvent une épaisseur associée de stroma cornéen.
Ces interventions permettent de ce fait d’éviter la trépanation totale de la cornée sur 360° et, par conséquent, la fragilité de la cornée greffée, les déformations postopératoires, de même que les infections ou inflammations secondaires aux sutures. Il en résulte également une incidence plus faible des manifestations de rejet immunitaire et une récupération visuelle beaucoup plus rapide en raison de la dimension réduite de l’incision. L’absence de section des nerfs sensitifs de la cornée limite les troubles trophiques secondaires.
Du microkératome au laser femtoseconde.
La première étape de l’intervention consiste à disséquer puis extraire la membrane de Descemet chez le receveur. Habituellement le chirurgien va la retirer sur un diamètre de 8 mm à l’aide d’un petit crochet inversé introduit par une incision de 3 à 5 mm. Cette étape est aujourd’hui standardisée, et la même pour tous.
La meilleure technique de préparation du greffon endothélial n’est en revanche pas encore définie. La majeure partie des auteurs réalise une dissection automatisée du greffon à l’aide d’un microkératome. Cette technique appelée DSAEK (Descemet Stripping Automated Endothelial Keratoplasty) a l’avantage d’être relativement aisée et reproductible, mais elle ne permet que de préparer des greffons relativement épais (150 à 250 µ), d’où une possible récupération visuelle imparfaite. Lors de cette technique, l’épaisseur du greffon nécessite la réalisation d’une incision d’au moins 4 mm. Plusieurs équipes tentent de ce fait d’améliorer les techniques de dissection automatique pour obtenir des greffons plus fins, soit en utilisant des butées plus profondes désormais disponibles, soit en utilisant des lasers femtosecondes.
Une autre possibilité est de préparer le greffon manuellement par la face endothéliale. Il est alors possible d’obtenir des greffons allant d’une cinquantaine de microns d’épaisseur à la finesse la plus absolue (15 µ). Dans ce dernier cas, on parle de DMEK, pour Descemet’s Membrane Endothelial Keratoplasty, car seule la membrane de Descemet et l’endothélium seront greffés, sans aucune fibre stromale associée. Ce type de greffon peut être introduit par une incision d’à peine 3 mm et permet une récupération visuelle d’une meilleure qualité, pouvant atteindre souvent 10/10 es. Cette technique est cependant particulièrement difficile à réaliser et nécessite un certain apprentissage avant de pouvoir la pratiquer sans traumatiser le greffon. Elle ne représente de ce fait qu’une très faible proportion des greffes endothéliales.
Quelle que soit la technique, le greffon est introduit puis déroulé dans la chambre antérieure, avant d’être plaqué à la cornée postérieure par une bulle d’air ou de gaz. Plus le greffon est fin, plus le geste est difficile. Habituellement, l’dème de la cornée disparaît en quelques heures ou quelques jours et la récupération visuelle se fait en 1 à 2 mois au lieu de 6 à 12 mois pour une greffe totale. Le suivi postopératoire immédiat est néanmoins capital car les décollements partiels du greffon sont relativement fréquents (5 à 50 % des cas) et vont nécessiter le rajout d’air dans la chambre antérieure plusieurs jours après l’intervention initiale. Le deuxième problème rencontré lors des greffes endothéliales est la baisse de la densité cellulaire endothéliale. Il est vraisemblable que les différentes manipulations du greffon (pliage, introduction, déroulement) abîment celui-ci. Néanmoins, les chiffres de densité sont en constante augmentation dans la littérature car l’expérience des chirurgiens et la reproductibilité de la technique sont des éléments déterminants.
Le développement des greffes endothéliales révolutionne le domaine des greffes de cornées dans la prise en charge des pathologies endothéliales. D’autres améliorations vont encore bientôt voir le jour : l’avenir est à la mise au point facilitée de greffons endothéliaux de plus en plus fins, voire même à l’utilisation de cellules endothéliales cultivées sur un support adapté. Par ailleurs, la mise au point et la diffusion ultérieure de greffons déjà prédécoupés par les banques de tissus, faciliteront encore le geste pour le chirurgien et la diffusion plus large de cette technique.
*CHU de Rouen
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