La prévalence de la goutte augmente dans tous les pays industrialisés et varie entre 1 et 4 % en Europe et aux États-Unis. En France métropolitaine, elle est estimée à 0,9 % (1). La goutte devient plus sévère, atteint des patients plus jeunes et a une présentation initiale moins typique, ce qui peut retarder son diagnostic. Celui-ci doit être évoqué devant toute arthrite inflammatoire indéterminée puis confirmé par la mise en évidence des cristaux d’urate par l’analyse du liquide articulaire. En l’absence d’articulation ponctionnable, l’échographie articulaire est une aide précieuse à la fois pour le diagnostic et le suivi sous traitement hypouricémiant (THU). Deux signes ont une grande spécificité : les dépôts de tophus et le double contour. La goutte est une maladie curable mais sa prise en charge n’est pas optimale et l’observance thérapeutique médiocre.
Détecter l'antigène HLA B5801
Les nouvelles recommandations européennes insistent sur ces points. Ainsi, il est fortement conseillé d’informer et d’éduquer les patients sur la physiopathologie de la maladie, les conséquences cardiovasculaires et la distinction entre traitement des crises et THU. À la première crise de goutte, le THU doit être discuté et recommandé chez des patients jeunes (< 40 ans) ou lorsque l’uricémie est haute (> 480 µmol/l) ou en présence de comorbidités cardiovasculaires. En effet, les données épidémiologiques montrent que la goutte est associée à un risque plus élevé d’accidents cardiovasculaires. Le THU de référence est l’allopurinol qui permet d’obtenir, lorsque les patients sont observants et la posologie adaptée, une uricémie cible (< 360 µmol/l) chez plus de 90 % des patients qui ont une fonction rénale normale (2). Le THU est un traitement à vie, initié à dose progressive. En présence d’une insuffisance rénale, la posologie maximale de l’allopurinol doit être adaptée à la clairance de la créatinine selon les recommandations du Vidal. En effet, le risque de l’allopurinol est l’allergie cutanée grave ou SCAR (Severe Cutaneous Adverse Reaction) qui comprend le syndrome de Lyell, de Steven-Johnson, le DRESS et le syndrome d’hypersensibilité à l’allopurinol. La prévalence des SCAR est d’environ 0,4 % avec un taux de mortalité entre 5 et 30 % en fonction de la sévérité de l’atteinte. Ces réactions cutanées graves surviennent au début du traitement, 90 % des cas sont observés dans le premier trimestre. Les principaux facteurs de risque sont une posologie initiale trop élevée, une posologie non adaptée à la clairance de la créatinine, l’âge et la présence de l’antigène HLA B5801 (3). La prévalence de cet antigène est variable selon les ethnies : 14-20 % chez les Chinois Han, 7-12 % chez les Coréens, les Thaïlandais et les Vietnamiens, 0,6 % chez les Japonais, 7-10 % chez les noirs africains et 1,5-5 % chez les Européens et les Australiens. La présence de cet antigène augmente d’un facteur 60 à 590 le risque d’allergie cutanée grave. Inversement, en l’absence de cet antigène, aucun SCAR n’a été observé chez des Taiwanais traités par allopurinol (3). Ainsi, certains pays recommandent la détection de cet antigène avant l’instauration d’un THU. Dans les populations où la prévalence de cet antigène est élevée, cette démarche est rentable d’un point de vue médico-économique. Les États-Unis recommandent la détection de cet antigène selon l’ethnie des patients. Une démarche identique devrait être proposée en France.
Centre Vigo Petersen, hôpital Lariboisière, Inserm UMR 1132, Bioscar, université Paris 7 Denis-Diderot
(1) Bardin T et al. Arthritis Care Res (Hoboken) 2016;68:261-6
(2) Rees F et al. Ann Rheum Dis 2013;72:826–30
(3) Ko TM et al. BMJ 2015;351:h4848
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