« CE QUI FAIT LA BEAUTÉ d’un rosier fait la laideur d’une femme, avoir beaucoup de boutons » (extrait de « Choses vues » de Victor Hugo). C’est un peu excessif de parler ainsi de l’acné de la femme adulte. Mais disons que passé 25 ans, les femmes se passeraient bien de cette disgrâce. Et elles sont de plus en plus nombreuses à s’en plaindre. En témoigne une vaste enquête épidémiologique conduite en France en 2001 (2). Un questionnaire a été adressé par la poste à 4 000 femmes, âgées de 25 à 40 ans, représentatives de la population française. 3 305 dossiers ont été exploités. La prévalence de l’acné était de 41 % chez la femme adulte. Dans 17 % des cas, il s’agissait d’une acné clinique (moyenne de 6,2 lésions inflammatoires), dans 24 % des cas, on notait d’une acné physiologique (moyenne de 1,3 lésion inflammatoire). Fait intéressant, 34 % de femmes du groupe acné clinique déclarent ne pas avoir eu d’acné pendant leur adolescence. « L’aspect clinique des acnés de la femme adulte est différent de celui de l’adolescent », précise le Dr Florence Poli. Elle survient sur une peau moins séborrhéique et atteint plus volontiers le bas du visage, le menton et la région sous maxillaire. Il s’agit de lésions en majorité inflammatoires. Les microkystes sont néanmoins fréquents. L’atteinte du décolleté n’est pas rare. On constate souvent des séquelles pigmentaires et atrophiques, stigmates d’une manipulation excessive des lésions.
Un cadeau familial.
Une autre caractéristique est la survenue plus fréquente de poussées inflammatoires une semaine avant les règles. Mais le fait marquant de cette acné est son évolution désespérément traînante et récidivante « la peau de ces femmes n’est jamais nette », souligne cette dermatologue. Certains facteurs favorisants sont incriminés. Le premier est génétique et on doit faire avec ce cadeau familial. C’est une réceptivité augmentée de la glande sébacée aux androgènes. « Un antécédent d’acné tardive est retrouvé chez un parent du premier degré dans 50 % des cas ». Plus maîtrisable est l’usage des cosmétiques. Les cosmétiques sont le plus souvent testés « non comédogènes » Contrairement aux croyances populaires l’acné n’est pas favorisée par l’usage des produits contenants des corps gras. Les liants et les pigments contenus dans les poudres notamment les « poudres soleil » sont responsables de l’augmentation de la formation de points noirs (comédons). Les laits démaquillants mal ou non rincés font le lit de lésions rétentionnelles sur les joues. IL est important donc, lorsque l’on a un terrain acnéique, de vérifier que les cosmétiques appliqués sur le visage sont étiquetés « non comédogènes ».
Le rôle du stress est maintenant bien connu. Chez l’adolescent on observe « l’acné des examens ». Il existe le même mécanisme chez la femme adulte et souvent, elles le mettent en avant. « La responsabilité du tabac est controversée chez l’adolescent. En revanche, chez la femme adulte, on observe, des acnés microkystiques des joues quand la consommation est importante. » Il est important de vérifier que la contraception est adaptée. Certains progestatifs (lévonorgestrel, étonogestrel) peuvent être responsables de cette acné ou de l’aggraver de part un effet androgénique.
« La prise en charge de cette acné est difficile, le ressenti des femmes est que le traitement n’est guère efficace », déplore Florence Poli. En outre la peau est plus sensible et tolère moins bien les topiques anti-acnéiques desséchants.
On prescrit du peroxyde de benzoyle faiblement dosé pour les acnés inflammatoires. En cas de microkystes, l’adapalène est mieux tolérée que la trétinoïne. Le gluconate de zinc et les tétracyclines per os sont efficaces sur les lésions inflammatoires mais leur arrêt se solde souvent par une rechute. « Les traitements durent des mois et sont souvent arrêtés par lassitude ». Reste le recours à l’isotrétinoïne (0,5 mg au moins par kg/jour) avec ses impératifs réglementaires. Une contraception adaptée est une aide au traitement anti-acnéique. Diane 35 et ses génériques, Jasmine, Jasminelle, Yaz, Tricilest, Triaféni, Belara sont à privilégier. Le chemin est long mais heureusement l’acné finit par baisser les bras. Elle disparaît après 40 ans, juste le temps de marquer une pause avant de s’attaquer aux rides.
(1) Dermatologue à Paris et dans le service de dermatologie de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil)
(2) Poli F, Dreno B, Verschoore M (2001) An epidemiological study of acne in female adultes : results of a recent survey conducted in France. J Eur Acad Dermatol Venereol 15 : 541- 5
( A paraître) Acné : données nouvelles et prise en charge. Coordinateur Jean Revuz, Edition Springer .
Conflits d’intérêt du Dr Florence Poli : appartenance au groupe « Expert acné », sponsorisé par Galderma.
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