En France, environ 20 % des femmes d'origine africaine auraient recours à des produits éclaircissant la peau (licites et surtout illicites : dermocorticoïdes d’activité très forte détournés de leurs indications médicales, hydroquinone, voire dérivés mercuriels). La prévalence des effets secondaires s'élève à 16 voire 28 % chez cette population vivant en région parisienne.
La dépigmentation volontaire est en fait un phénomène qui touche toute l'Afrique, en particulier, le sud du Sahara avec des proportions qui montent à 67 % chez les femmes sénégalaises, 35 % au Rwanda ou en Afrique du sud, ou encore 44 % au Burkina Faso et 59 % au Togo. Les hommes s'y plient au Congo, au Nigéria, en Afrique du Sud. La pratique est aussi très répandue en Inde, en Asie, en Arabie Saoudite, ou encore en Amérique du Sud.
Pourtant les risques sont réels. Parmi les effets secondaires le plus souvent observés dans son service de dermatologie à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), le Pr Martine Bagot cite l'atrophie cutanée, des vergetures irréversibles (qui touchent 7 à 44 % des utilisatrices, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament - ANSM), l'acné (12 à 53 %), des cas d'hyperpilosité. Dans une évaluation datée d'octobre 2011, l'ANSM (alors AFSSAPS) accuse l'utilisation détournée de corticoïdes de provoquer ou d'aggraver des dermatoses infectieuses et cite les dermatophyties, la gale, les pyodermites superficielles, les dermohypodermites bactériennes (érysipèle), et le pityriasis versicolor. Des complications systémiques ont été également rapportées (surtout dans des études menées au Sénégal) : hypercorticisme (syndrome de Cushing), hypertension artérielle, diabète, complications rénales et petit poids des nouveau-nés (lors d'une application pendant la grossesse, extrêmement fréquente au Sénégal). L'hydroquinone provoque différentes manifestations de dermatoses dyschromiantes.
Informer et sensibiliser
L'ANSM et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont mené des campagnes de contrôle du marché en 2009 et 2010 ; régulièrement et encore en 2016, l'ANSM suspend des produits à visée éclaircissante.
« Ces produits sont vendus sous le manteau et utilisés pendant des années car c'est un cercle vicieux. Pour le rompre, il faut informer et faire prendre conscience aux personnes des dangers sanitaires que représentent ces produits », explique le Pr Bagot. Mais l'information n'est pas toujours audible, face aux normes culturelles et sociales : « Des patient(e) s ne disent pas toujours aux médecins qu'elles ont recours à ces produits, ou sont dans le déni », poursuit la chef de service. En termes de prise en charge, l'arrêt de tout produit dépigmentant est primordial, « mais cela est souvent progressif, les personnes doivent être aidées », constate le Pr Bagot, parlant d'addiction. Puis chaque dermatose doit être traitée spécifiquement.
Plusieurs associations communautaires aident à faire passer le message, comme Uraca dans le 18e arrondissement de Paris. Mais malgré une prise de conscience des enjeux sanitaires de plus en plus claire, les comportements peinent à changer.
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