Face à l'engouement actuel pour les tatouages

Les Académies soulignent les risques pour la santé

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Publié le 18/12/2017
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Crédit photo : PHANIE

Près de 15 % des Français sont tatoués. Connaissent-ils bien les risques associés ? Pour faire le point sur les risques pour la santé des tatouages, l’Académie nationale de pharmacie (ANP) y a consacré une séance thématique.

Des réactions imprévisibles

Les complications des tatouages ne constituent pas la norme puisqu’environ 6 % sont suivis d’effets indésirables, d’après une étude allemande datant de 2010. Ceux-ci sont extrêmement variés : démangeaisons, allergies, infections…

« Il n’y a pas de signal faisant craindre un cancer de la peau suite à un tatouage, mais un nævus peut être masqué par le dessin, entraînant un retard de diagnostic », précisait à l’occasion de cette journée thématique le Dr Nicolas Kluger, dermatologue au CHU d’Helsinki en Finlande, et qui tient la consultation « complication des tatouages » à l’hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP) (voir encadré).

Les études toxicologiques d’évaluation des risques des tatouages sont difficiles à mener. « De nombreux facteurs entrent en compte : la dose (qui peut aller de 1 g pour un tatouage sur l’avant-bras à 40 g pour le corps entier), l’âge de la personne et son exposition au soleil, la couleur des encres utilisées (la réaction sera différente selon la nature chimique de celles-ci) », indiquait Hervé Ficheux, membre de l’ANP.

Les principaux risques sont liés à un mauvais geste du tatoueur, et au non-respect des soins par le client. La réglementation en la matière est pourtant assez stricte en France : « Les tatoueurs doivent avoir suivi une formation, qui ne peut être délivrée que par un organisme habilité, aux conditions d’hygiène et de salubrité d’une durée minimale de 21 heures », précisait Patrick Fallet, membre de l’ANP. Par ailleurs, ces professionnels doivent se déclarer à la préfecture et respecter les règles relatives aux déchets à risque infectieux (DASRI). « Chaque client doit être informé des risques auxquels il s’expose et cette information est également affichée dans les locaux », ajoutait Patrick Fallet.

Une meilleure réglementation

De son côté, l’Académie de médecine s’inquiétait du manque de contrôle des pouvoirs publics.

Elle note que « les séquelles traumatiques et retards de cicatrisation sont fréquents », ainsi que les infections bactériennes, et le réveil de germes opportunistes ou commensaux de la peau, mais aussi d’autres complications locales (prurit, œdème, déclenchés en particulier par des expositions solaires). Elle souligne à quel point « le rôle des encres est essentiel », la molécule toxique pouvant être « l’encre injectée elle-même ou un métabolite formé par sa dégradation » et que les tatouages peuvent donc conduire à une « sensibilisation », même « des années après la réalisation du tatouage ».

Du coup, « face à l’engouement actuel pour les tatouages, l’Académie de médecine veut renouveler et compléter les mises en garde et recommandations publiées en 2008 en proposant par exemple la création d'un carnet des interventions », où chaque acte devra être noté ainsi que les constituants utilisés (encre, pigment, métaux…) et mettre en place une veille épidémiologique de tous les événements indésirables.

L'Académie demande que soit renouvelée l’information de la population sur les risques liés à la pratique du tatouage et « sur le caractère quasi irréversible de l’acte ». Les académiciens souhaitent également la réglementation de l’usage des encres en France et au plan européen avec une publication de la liste de substances dont l’utilisation en injection intradermique est sans danger. Ils appellent les pouvoirs publics à renforcer le suivi des réglementations en vigueur. « Un contrôle régulier de cette activité s’impose », soulignent-ils.

La DGCCRF a d'ailleurs mené en 2016 une enquête, sur les produits de tatouage ou de maquillage permanent. Sur 32 produits analysés en laboratoires, elle a montré que 14 s'étaient révélés dangereux, notamment en raison de la présence de substances interdites, et que 13 présentaient des anomalies d’étiquetage. 

Fabienne Rigal

Source : Le Quotidien du médecin: 9628