La GnRH contrôle la mise en place du système reproducteur. Son expression par les neurones à GnRH au niveau hypothalamique est finement régulée par des facteurs de transcription, eux-mêmes sous le contrôle de micro-ARN. Une étude publiée dans Nature Neurosciences en 2016 avait analysé l’expression de son promoteur dans l’hypothalamus au moment de la mini-puberté, première activation des neurones à GnRH, qui commence une semaine après la naissance, dure 15 jours chez la souris et six mois chez les humains, et engendre un pic de FSH et de LH chez tous les mammifères (1). À ce moment, un switch crucial dans le contrôle de l’expression du promoteur de la GnRH se produit, mettant en jeu ces micro-ARN et des facteurs de transcription : chez la souris, si cette étape se déroule mal, l’expression de GnRH dans le cerveau s’éteint avec l’âge.
Une altération postnatale
Ces données ont amené à rechercher chez l’humain une pathologie qui pourrait relever d’une anomalie à cette étape : il s’agit de la trisomie 21. En effet, miR155, le microARN clé pour le contrôle du promoteur de la GnRH au moment de la mini-puberté, présent sur le chromosome 21, s’y retrouve en trois exemplaires. Ce qui suggérait qu’un déséquilibre dans l’expression du GnRH au niveau de l’hypothalamus pourrait contribuer au syndrome de Down (SD).
L’étude d’un modèle murin avec une trisomie 16 – équivalent au chromosome 21 chez l’humain – a permis de caractériser la mini-puberté et le développement postnatal de la fonction de reproduction chez ces souris.
On sait que les neurones contrôlant la fonction de reproduction ne naissent pas dans le cerveau mais dans le nez, pour y migrer ensuite pendant l’embryogenèse ; l’absence de migration pourrait provoquer les anomalies de la puberté et de la fertilité dans certaines pathologies, comme l’hypogonadisme hypogonadotrope (HH) ou syndrome de Kallmann (SK), mais ce n’est pas le cas dans la trisomie.
En revanche, on constate une perte de l’expression de la GnRH chez les souris trisomiques ; en postnatal, elles développent graduellement des anomalies olfactives comme dans le SK, et si, à l’adolescence, les performances cognitives sont comparables à celles des souris sauvages, à l’âge adulte apparaissent des troubles cognitifs, associés à la perte d’expression du GnRH.
Au niveau du cerveau, si les neurones à GnRH impliqués dans la reproduction sont toujours présents, la perte d’expression de la GnRH concerne surtout ceux qui se projettent dans les régions extra-hypothalamiques, en particulier le cortex et l’hippocampe, impliqués dans le contrôle des fonctions cognitives. Or, le modèle murin a confirmé que la GnRH avait aussi une action sur les zones extra-hypothalamiques.
« Des approches génétiques sophistiquées ont permis de montrer qu’en inhibant les neurones exprimant les récepteurs à la GnRH au niveau du cortex et de l’hippocampe, on induit très rapidement un déclin cognitif et sensoriel, confirmant que la GnRH contrôle aussi les fonctions cognitives », explique le Dr Vincent Prévot, directeur de recherche à l’Inserm (Lille).
La pulsatilité déterminante
Chez la souris trisomique, on constate que, paradoxalement, alors qu’il existe une perte de GnRH, la mini-puberté est exacerbée et, à l’âge adulte, les taux de FSH et LH sont plus élevés. D’où l’hypothèse que c’est le motif pulsatile de sécrétion de la GnRH qui est altéré.
Chez les animaux trisomiques, c’est le cas, avec une augmentation du niveau basal de GnRH mais une amplitude réduite de moitié des pics.
Des performances cognitives améliorées de 20 % dans le syndrome de Down après seulement 6 mois sous pompe pulsatile
Restaurer le profil physiologique de la GnRH, via une mini-pompe programmable implantable sous la peau de la souris (traitement utilisé dans l’infertilité du SK), permet de rétablir à l’âge adulte les fonctions olfactives et cognitives, dénotant une certaine plasticité cérébrale. Inversement, si on supprime la pulsatilité de GnRH et LH, on induit un déclin cognitif et on augmente le risque de développer une maladie d’Alzheimer. Et, quand on administre la GnRH en continu chez les souris sauvages, leurs performances olfactives et cognitives chutent au niveau de celles d’une souris trisomique.
Ces résultats ouvrent d’importantes perspectives : quel est l’effet des traitements suppresseurs de la GnRH – utilisés dans le cancer de la prostate ou dans l’endométriose – sur les fonctions cognitives ? Quel serait le bénéfice à restaurer une sécrétion pulsatile de GnRH dans les troubles cognitifs de type Alzheimer ?
Un premier essai clinique
Un essai clinique pilote a été mis en place à Lausanne chez les personnes atteintes d’une trisomie 21 avec des niveaux cognitifs différents. Après six mois de traitement par pompe pulsatile, les performances cognitives sont améliorées de 20 %. Et il ne s’agit pas seulement d’un effet placebo, puisque « l’IRM fonctionnelle met en évidence que certains circuits de l’hippocampe et de l’amygdale impliqués dans l’anxiété ont une activité significativement diminuée, tandis que la connectivité de certains circuits cérébraux somatosensoriels et cognitifs est multipliée par cinq. Des résultats très impressionnants, jamais observés en neuroradiologie, surtout après un traitement si court », note le chercheur.
Ces données sont porteuses d’espoir, 100 % des personnes atteintes du SD développant une neuropathologie type Alzheimer dès 40 ans, et 75 % une démence Alzheimer dès 65 ans ; mais il faut rester prudent. Une étude vs placebo sur 60 patients, indispensable pour obtenir une réponse définitive, vient de débuter.
Entretien avec le Dr Vincent Prévot (Lille)
(1) Messina A et al. Nat Neurosci. 2016 Jun;19(6):835-44
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