Les allergies alimentaires sont en augmentation régulière depuis plus de 40 ans et leur traitement actuel repose principalement sur l’éviction des aliments responsables, ce qui est contraignant. Or, au cours des transformations qu’il subit − cuisson, fermentation, mélange à d’autres ingrédients, etc. − un aliment peut perdre de son allergénicité, ou l’accroître, en dévoilant des épitopes voire en créant des néoallergènes : c’est une piste intéressante à explorer. Cela peut aussi être appliqué à l’immunothérapie orale (ITO), en commençant par donner de très faibles quantités de l’aliment sous sa forme la moins allergisante, de façon à limiter les risques de réaction sévère.
Lait, œuf, arachide, soja, poisson
« Plus de 75 % des enfants guérissent naturellement de l’allergie au lait de vache mais, pour le quart qui y reste allergique en grandissant, il peut s’agir d’une allergie très sévère. Pour autant, 70 % de ces patients vont tolérer le lait lorsqu’il est cuit avec une matrice contenant du blé, comme c’est le cas des muffins ou des petits-beurre », releve la Dr Anne Broue Chabbert (pédiatre au CHU Toulouse). La matrice alimentaire peut à la fois masquer des épitopes et joue sur la vitesse d’absorption de l’aliment.
Autre exemple : dans l’œuf, on trouve deux protéines allergisantes, l’ovomucoïde qui résiste à la chaleur, et l’ovalbumine, détruite par la cuisson. Les patients qui ne sont allergiques qu’à l’ovalbumine tolèrent donc l’œuf cuit, mais pas cru. « Et là encore, l’œuf cuit avec du blé est moins allergisant en raison de la cuisson, de l’effet matrice et de la réaction entre protéines et sucres : on va donc pouvoir se servir de biscuits cuits avec des œufs pour améliorer la tolérance à l’œuf cuit chez certains enfants qui restent allergiques à l’œuf en grandissant », souligne la pédiatre.
Pour l’arachide c’est l’incidence bien plus basse de l’allergie en Chine qu’aux États-Unis ou en Europe (alors que tous mangent des cacahuètes) qui a attiré l’attention. La différence, c’est qu’en Asie, les cacahuètes sont bouillies (les allergènes majeurs se retrouvent alors dans l’eau de cuisson) alors que, dans les pays occidentaux, elles sont grillées ou rôties, conservant leurs allergènes majeurs (la liaison aux IgE est même accrue lorsque la cacahuète est grillée). « Dans un essai d’ITO, des patients allergiques à l’arachide ont été traités durant plusieurs mois avec de l’arachide bouillie avant de passer à l’arachide grillée et il a été noté bien moins d’effets secondaires : c’est donc une voie de recherche intéressante, mais il faudra d’autres études à plus grande échelle pour conclure », indique la Dr Broue Chabbert.
Il existe un très grand nombre de processus de transformation du soja. « La fermentation diminue l’allergie au soja (raison pour laquelle les sauces au soja sont très peu allergisantes), alors que la farine de soja et des isolats de protéines qui entrent dans la fabrication des viandes reconstituées, peuvent être allergisants », détaille la Dr Broue Chabbert.
Quant au poisson, il garde son allergénicité qu’il soit cuit ou cru. « Mais comme le thon contient très peu de l’allergène majeur (parvalbumine), il peut être toléré chez certains allergiques aux poissons », note la Dr Broue Chabbert.
Ces données soulignent la nécessité, en cas d’allergie alimentaire, de bien identifier la ou les protéines en cause, sachant qu’il y en a souvent plusieurs potentiellement allergisantes dans un aliment.
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