La survenue d’un diabète de type 1 (DT1) avant l’âge de 10 ans entraîne une perte de 17,7 années de vie chez les femmes à l’âge adulte et de 14,2 chez les hommes, et un risque 30 fois plus élevé de maladies coronariennes ou d’infarctus du myocarde. De plus, le diabète de l’enfant étant instable, le risque hypoglycémique est élevé, avec pour conséquence une peur des hypoglycémies chez les parents et, pour l’enfant, un retentissement cérébral de ces hypoglycémies, mais aussi de l’hyperglycémie chronique et de la variabilité glycémique. Enfin, sur le plan psychosocial, le DT1 est un véritable fardeau pour l’enfant comme pour ses parents, et souvent la fratrie.
Avant même l’arrivée de la boucle, le traitement par pompe à insuline couplée à la mesure continue du glucose, avec arrêt avant hypoglycémie, a déjà permis de réduire les hypoglycémies chez l’enfant DT1. Mais, aujourd’hui, la boucle, dite fermée hybride, semi-fermée, ou insulinothérapie automatisée, est considérée comme le traitement le plus avancé du DT1, selon la position d’experts français à ce sujet (1), à tel point que cette approche devrait être proposée à tous les patients, adultes ou enfants, susceptibles d’en bénéficier. En pratique, chez les enfants et les adolescents, il s’agit des patients chez qui les objectifs glycémiques sont le plus souvent non atteints, avec un équilibre du diabète insuffisant.
Des indications extensives
« Afin de remédier au contrôle sous-optimal constaté chez beaucoup d’enfants et adolescents atteints de DT1, nous devons questionner l'intérêt d'envisager ces systèmes automatisés d’administration d’insuline pour la plupart d'entre eux, indique le Pr Pascal Barat, vice-président de la Société française d’endocrinologie pédiatrique (SFEDP). Les indications de la boucle fermée chez les enfants et les adolescents reposent sur l’absence d’atteinte des objectifs, incluant les aspects métaboliques tels que les hypoglycémies et/ou le taux d’HbA1c. Mais un point important est que ces critères devraient inclure également la nécessité, ou la demande, d’améliorer la qualité de vie de l’enfant et des parents, comme les conséquences sociales du diabète sur la vie quotidienne des jeunes – telles que la garde en petite enfance, la scolarité, les études, la vie professionnelle des parents. »
Nécessaire lâcher-prise des familles
L’insulinothérapie automatisée ne présente pas de différences majeures entre les enfants et les adultes. Ce sont d’ailleurs les mêmes modèles, comprenant un capteur, une pompe, et un algorithme dispensant l’insuline de manière automatisée, avec la nécessité d’indiquer la quantité de glucides consommée et les activités physiques relativement intenses. Une période d’essai de trois mois, similaire à celle chez l’adulte, est également préconisée pour évaluer l’efficacité et l’adaptation de la boucle semi-fermée.
« Dans le domaine pédiatrique, cette avancée significative transforme radicalement l’approche du traitement, et de manière très positive, souligne le Pr Barat. Cependant, il y a des prérequis à respecter, particulièrement en ce qui concerne la maîtrise technique de la gestion d’une pompe et d’un capteur par les familles ou les adolescents en autonomie. Les contraintes incluent la nécessité d’acquérir la compétence du comptage des glucides, que ce soit par les familles ou les enfants ou adolescents. Une fois cette phase d’apprentissage achevée, il faut laisser le système agir, ce qui requiert une confiance importante envers la technologie. C’est là que réside la spécificité pédiatrique : la boucle semi-fermée impose aux familles de lâcher prise par rapport à la gestion de l’insulinothérapie. C’est un changement considérable par rapport à l’éducation antérieure, qui les poussait à maîtriser les injections d’insuline. »
Rester concentré sur les besoins de l’enfant
Mais le Pr Barat invite aussi à la prudence : « Il est essentiel de ne pas se précipiter, de résister à la pression éventuelle des parents, et de rester concentré sur les besoins de l’enfant. Par exemple, un enfant a le droit de ne pas accepter un traitement par pompe. Les schémas multi-injections, assortis d’une approche d’éducation thérapeutique pluridisciplinaire, peuvent alors permettre d’atteindre un équilibre métabolique et une qualité de vie tout à fait acceptables ».
Il faut aussi tenir compte de la fragilité actuelle des équipes pédiatriques. « Elles peuvent ressentir une pression professionnelle pour suivre ces avancées technologiques, poursuit-il. Il est nécessaire de prendre du recul, de résister à cette pression, sachant que d’autres innovations peuvent continuer à émerger », souligne le spécialiste.
Enfin, il est essentiel de ne pas oublier l’aspect humain derrière la technologie. « D’une part, celle-ci ne résoudra pas tous les aspects de la vie avec le diabète et, d’autre part, l’utilisation de dispositifs de délivrance d’insuline automatisée a nécessairement une incidence sur la personne qui les porte. Les discussions des familles, des enfants et des adolescents avec les équipes restent cruciales. La relation humaine demeure au cœur de la prise en charge médicale », rappelle le Pr Barat.
Des défis organisationnels au niveau territorial
L’initiation à l’utilisation de la pompe et la transition vers la boucle semi-fermée soulèvent des défis organisationnels au niveau territorial. Chez les adultes DT1, elle a été adoptée en masse ces deux dernières années. En revanche, la dynamique chez les enfants présente une hétérogénéité notable sur le territoire, les disparités entre les centres spécialisés disposant d’une expertise adéquate étant importantes.
« La mise en place des boucles est fortement influencée par la disponibilité et la connaissance de la technologie par les équipes et la structuration régionale. Certains centres plus petits ne sont pas préparés à répondre aux demandes des patients, nécessitant une collaboration avec des centres plus importants disposant des moyens nécessaires, mais parfois eux-mêmes sous-dotés. Cette situation crée une évolution rapide et parfois non régulée », prévient le Pr Barat.
L’aspect réglementaire pourrait évoluer pour s’adapter à la situation. « Les autorités semblent conscientes des défis administratifs et de l’inadéquation des éléments de prescription. Des travaux sont envisagés pour revoir ces aspects », indique le Pr Barat.
ET AUSSI...
Des résultats encourageants
En ce qui concerne les jeunes patients atteints de diabète de type 1 (DT1), une étude publiée début mars 2023 (1) démontre que l’utilisation d’une boucle fermée hybride conduit à une amélioration significative du contrôle glycémique, chez vingt jeunes âgés de 13 à 25 ans, présentant un taux d’HbA1c ≥ 8,5 %. Après trois mois, l’HbA1c moyenne était de 7,6 % (± 1,1 %) par rapport à un taux initial de 10,5 % (± 2,1 %), soit -2,9 %. Le temps passé dans la cible [0,70 et 1,80] g/L a augmenté de 40 %, accompagné d’une réduction significative du temps passé en hyperglycémie.
Une autre étude, également publiée en mars 2023 (2), met en évidence un rapport bénéfices-risques favorable de l’utilisation précoce de la boucle fermée chez de jeunes enfants, de 2 à 6 ans. Cette recherche, menée auprès de 102 enfants DT1 sur une période de 13 semaines, a démontré qu’en utilisant la boucle fermée, on gagnait trois heures de temps passé dans la cible glycémique par rapport au traitement standard (pompe à insuline ou multi-injections associées à un capteur de glycémie Dexcom G6).
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La technologie disponible
Trois systèmes d’insulinothérapie automatisée sont indiqués dans le diabète de type 1 (DT1) et remboursés en France.
• Le Medtronic Minimed 780G, dès l’âge de 7 ans, est destiné à tous les patients DT1 pour lesquels l’application d’une boucle fermée est jugée bénéfique en termes de contrôle glycémique (HbA1c et fréquence des hypoglycémies) et/ou d’amélioration de la qualité de vie.
• Le Tandem Control-IQ, est préconisé à partir de l’âge de 6 ans et son utilisation est restreinte aux personnes diabétiques présentant un taux d’HbA1c supérieur à 8 % ou ayant des antécédents d’hypoglycémies sévères. Ces indications sont alignées sur les critères de remboursement du dispositif de mesure continue du glucose intégré au système (Dexcom G6).
• Le Diabeloop DBLG1 a vu sa commercialisation temporairement suspendue en attendant le lancement d’une nouvelle pompe.
La situation est en constante évolution, soutenue par des publications récentes favorables concernant le système Minimed 780 et le système Control-IQ.
De plus, l’arrivée imminente du système anglais CamDia APS offre une perspective intéressante, avec une utilisation possible dès l’âge de 2 ans.
Attendu avec impatience, l’OmniPod 5, actuellement en phase d’expérimentation, se positionne comme le premier système d’insulinothérapie avec une patch-pompe (sans cathéter), connecté au Dexcom G6 et à une application permettant la programmation des bolus d’insuline. Les résultats obtenus, provenant d’études non randomisées, sont très encourageants, même chez les enfants dès l’âge d’1 an.
Entretien avec le Pr Pascal Barat, vice-président de la Société française d’endocrinologie pédiatrique (SFEDP) (1) Mise en place de l’insulinothérapie automatisée en boucle fermée : position d’experts français. MMM : 2020(14)5 suppl 1 :1957-2557
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