Cathy Knobelspiess : « Les IPA sont un maillon dans la chaîne de soin des personnes vivant avec un diabète »

Par
Publié le 11/10/2024
Article réservé aux abonnés

La pratique avancée permet à un infirmier ayant suivi une formation supplémentaire de prendre en charge des patients et d’intervenir dans des situations complexes, toujours en collaboration avec un médecin. Explications de Cathy Knobelspiess, IPA au CHU de Grenoble, dans le service de diabétologie.

Cathy Knobelspiess, IPA au CHU de Grenoble

Cathy Knobelspiess, IPA au CHU de Grenoble
Crédit photo : DR

Le métier d’infirmier de pratique avancée (IPA), qui n’existe que depuis quelques années en France, a émergé pour faire face à des problématiques du vieillissement de la population avec des patients atteints de pathologies chroniques dans un contexte de tension médicale. Aujourd’hui, on compte un peu plus de 2 300 IPA sur notre territoire (14 sur le CHU Grenoble-Alpes), dans des services aussi divers que la diabétologie, la néphrologie, la cardiologie, l’oncologie, la neurologie, les pathologies cardiovasculaires, les urgences. La majeure partie des IPA exerce en millier hospitalier. Celles qui exercent en ville le font au sein d’équipe de soins primaires (ESP), de maisons de santé pluriprofessionnelles ou de cabinets pluriprofessionnels. De quoi compléter l’offre de soins et offrir une plus grande accessibilité aux patients.

LE QUOTIDIEN : Comment médecin et IPA se répartissent les tâches ?

CATHY KNOBELSPIESS : L’IPA ne pratique pas seule, mais en collaboration avec un médecin qui lui a confié la prise en charge globale d’un patient stabilisé dans son domaine de compétence. Au médecin revient toujours la conduite diagnostique, les choix thérapeutiques et la primoprescription. À l’IPA, les actes d’orientation, d’éducation, de prévention, de dépistage, la réalisation de certains actes techniques, de surveillance, de prescriptions et d’interprétation des examens complémentaires en rapport avec la pathologie en question. L’IPA peut également assurer les renouvellements de prescriptions et si besoin leur adaptation posologique.

Comment définiriez-vous votre rôle ?

J’ai à la fois un rôle de sentinelle par rapport à l’évolution du diabète, un rôle d’adaptation du traitement et un rôle de lien avec les autres acteurs de la santé du patient. Je peux également inciter un patient à faire tel suivi s’il est en retard, à m’assurer qu’il est à jour de ses vaccins, à faire le lien avec la ville. Enfin, bien sûr, je peux répondre aux interrogations du patient concernant sa pathologie. L’éducation thérapeutique est une composante essentielle de la consultation.

En quoi consiste la formation de pratique avancée ?

La formation permet d’exercer en pratique avancée aux infirmiers ayant au moins trois ans d’expérience. Les IPA sont retournés durant deux ans à la faculté pour obtenir un Master, leur confèrent des connaissances en clinique, en physiopathologie, en pharmacologie, en recherche, en éthique, afin d’assurer au mieux le suivi des patients chroniques stabilisés comme le diabète, l’insuffisance cardiaque, respiratoire, ou encore atteints de maladie rénale, la santé mentale, les urgences, l’oncologie, etc.

Quels patients diabétiques peuvent bénéficier du suivi par un IPA ?

Dans le cadre de mon exercice hospitalier, la consultation de suivi concerne autant les patients vivant avec un DT1 sous multi-injections, pompe ou boucle fermée, que les patients vivant avec un DT2, les patientes enceintes avec un diabète, les patients porteurs de plaies diabétiques, etc. La collaboration permet l’alternance des consultations entre le médecin et l’IPA. Ces patients peuvent voir le diabétologue une fois par an par exemple, et l’IPA une fois par an également, ce qui leur permet d’être vus finalement tous les six mois. Les suivis peuvent aussi être plus rapprochés si besoin. L’IPA travaille avec un forfait trimestriel. La sollicitation peut encore venir d’un autre service ou d’un médecin de ville qui demande un avis. Plutôt que d’attendre des mois qu’une consultation se libère avec le diabétologue, le patient voit l’IPA dans un premier temps, d’où un gain de temps. Cette accessibilité directe à l’IPA n’est possible que si elle travaille au sein d’une ESP.

Que peuvent faire les IPA, que ne peuvent pas faire les infirmiers (IDE) ?

L’IPA a développé diverses compétences au cours de sa formation, lui permettant de renouveler et/ou d’adapter les traitements déjà pris par le patient, de mettre en place la surveillance biologique qui va avec, de prescrire tout examen nécessaire au suivi de la pathologie, ce que ne peut pas faire un IDE. Ainsi, l’IPA fait des consultations (alors que l’IDE peut travailler dans le domaine des soins, de l’éducation, de la coordination, etc.). L’IPA est un maillon de plus dans le parcours de soins du patient.

Comment se passe une consultation IPA ?

Il s’agit d’une consultation d’environ 45 minutes au cours de laquelle on voit avec le patient s’il y a des faits nouveaux par rapport à sa pathologie, des difficultés particulières (pour interpréter ses résultats biologiques, comprendre les courbes de glycémie, gérer les hypo ou les hyperglycémies, etc.). On l’examine en tenant compte de sa symptomatologie, on fait le point sur le suivi des complications et, si besoin, on lui propose une hospitalisation de jour pour régler ce qui a pris du retard : fond d’œil, échodoppler des membres inférieurs, rendez-vous avec la diététicienne, etc., peuvent par exemple être réalisés sur une journée, l’infirmière de coordination s’occupant de prendre les rendez-vous ainsi listés. Cela décharge d’autant le médecin qui, lorsqu’il reverra son patient, aura déjà les résultats de tout ce qui est important. Si besoin, l’IPA peut demander que le patient soit revu plus rapidement par le diabétologue ou l’orienter vers le spécialiste (néphrologue, pneumologue, etc.).

Propos recueillis par la Dr Nathalie Szapiro


Source : lequotidiendumedecin.fr