Par les PrsRégis Coutant*et Jacques Young**
LE RETARD pubertaire est défini statistiquement : il correspond à l’absence de manifestations physiques de puberté au-delà d’un âge supérieur à +2 déviations standards de l'âge moyen de démarrage pubertaire. Il atteint donc par définition au moins 2,5 % des sujets des deux sexes. Plus précisément, il correspond à l'absence d’augmentation du volume testiculaire (volume < 4 ml, ou longueur < 25 mm) au-delà de 14 ans chez le garçon. Au-delà de 15 ans, ils ne sont plus que 0,4 % à avoir un impubérisme persistant. La population des adolescents consultant pour un retard de puberté entre 14 et 15 ans comporte un biais de recrutement : ce sont ceux qui souffrent de ce retard, le plus souvent en raison du retard statural associé. L’absence d’accélération staturale pubertaire couplée à un fond génétique de « taille modeste » accentue le différentiel de taille avec les pairs. Plus tard, le défaut de manifestation physique de puberté (absence de pilosité et petite taille de la verge) devient la plainte principale.
La très grande majorité de ces sujets présentent un retard simple de puberté : ce sont des adolescents normaux, à l’extrême de la courbe de distribution de l’âge pubertaire : l’activation pubertaire de l’axe gonadotrope se produit chez eux un peu plus tard. Cependant, une fraction d’entre eux a un déficit gonadotrope congénital ou acquis, ou une insuffisance gonadique. Lorsque les arguments présomptifs en faveur d’un retard simple de puberté sont nombreux (âge < 15 ans, ATCD familiaux de retard de puberté, infléchissement statural modéré, absence de cryptorchidie ou de micropénis, absence de signe d’insuffisance hypophysaire ou de signe d’hypertension intracrânienne, absence d’anosmie) les explorations sont inutiles, mais le suivi jusqu’au déclenchement et l’accomplissement pubertaire et à l’accélération staturale est nécessaire.
Dans les autres cas, les explorations sont importantes, d’une part pour éliminer un déficit hypophysaire acquis tumoral (IRM hypothalamo-hypophysaire, concentrations d’IGF-1, T4 libre, TSH, prolactine, FSH, LH, testostérone), d’autre part pour affirmer ou infirmer un déficit gonadotrope idiopathique. Le diagnostic à l’adolescence d’un tel déficit est difficile, car les taux circulants de base des hormones de l’axe gonadotrope (FSH, LH, testostérone) sont faibles, comme dans les retards simples. L’inhibine B, hormone produite par la cellule de Sertoli en réponse à la FSH représente un nouveau marqueur possible du diagnostic : ses taux sont en moyenne plus bas dans les déficits gonadotropes que dans les retards simples, et la mesure de l’inhibine B permet parfois de diagnostiquer simplement les déficits gonadotropes profonds. Le recours à des tests dynamiques complexes (et dont la sensibilité et la spécificité ne sont pas parfaites) pour évaluer la fonction gonadotrope est plus rare.
Le diagnostic moléculaire des déficits gonadotropes congénitaux.
Le choix des gènes à analyser dépend des signes cliniques associés à l’hypogonadisme hypogonadotrophique congénital et de l’arbre généalogique qui sera établi avec soin parfois après plusieurs consultations. Ainsi, en cas d’anosmie on analysera les gènes responsables de syndrome de Kallmann (KAL1, FGFR1, PROK2, PROKR2). La présence de signes associés peut permettre d’affiner cette recherche. Par exemple en cas d’agénésie rénale ou de mouvements en miroir on débutera par une analyse de KAL1, en cas de bec-de-lièvre par FGFR1. Si le patient a une sur atteinte, KAL1 ne sera pas analysé, car ces mutations ne touchent que les hommes et on passera directement aux gènes responsables de formes autosomiques. L’analyse des gènes responsables de Kallmann est particulièrement utile pour le conseil génétique en cas de procréation médicale assistée et pour conseiller les autres membres de la famille en cas de souhait d’enfant.
En l’absence d’anosmie chez le patient ou dans la famille on analysera d’abord les gènes des formes non syndromiques et normosmiques. On peut débuter par une analyse du récepteur de la GnRH (GnRHR1) étant donné la fréquence plus élevée de ces mutations. En absence de mutation de ce gène, le gène GPR54/KISS1R, de la GnRH1, ou de TAC3 ou TACR3 peuvent être analysés. En dehors de cas de consanguinité familiale il faut rassurer ces patients car la probabilité de transmission de la maladie à la descendance est très faible.
Prise en charge et suivi
.
Dans le retard simple, une cure courte de testostérone retard à bonne dose (100 mg ou plus toutes les 3 semaines pendant 3 à 6 mois) permet d’accélérer la croissance et de modifier les caractères sexuels secondaires (pilosité, taille de la verge, changement de la voix, musculature), améliorant la tolérance psychologique jusqu’au déclenchement normal de la puberté qui sera dépisté par la mesure du volume testiculaire.
Dans les déficits gonadotropes profonds, le traitement par testostérone seule ou bien l’induction pubertaire complète par hCG et FSH recombinante (rhFSH) peuvent être proposés. La thérapie par hCG/rhFSH se rapproche du développement pubertaire physiologique (avec augmentation du volume testiculaire), et facilite l’induction de la spermatogenèse à l’âge adulte. Ce type de traitement pourrait permettre une conservation de sperme dès l’adolescence, rendant parfois plus commode le traitement de l’infertilité.
*Service d’endocrinologie Pédiatrique, CHU d’Angers
**Service d’endocrinologie, CHU de Bicêtre
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?