La situation de patients sportifs voire sportifs de haut niveau n’est pas rare depuis que le sport, largement valorisé, est reconnu comme bénéfique, y compris chez le patient diabétique de type 1 (DT1) (2). Il est en effet désormais courant de voir des patients DT1 se donner pour défi de réaliser une performance à laquelle ils n’avaient souvent même pas pensé dans leur vie de non diabétique. Quelle qu’en soit la raison – effet conjuratoire contre la maladie, volonté de garder le contrôle ou tout simplement plaisir de vivre des émotions intenses, de se dépasser –, la préparation d’un semi-marathon est un moment particulier pendant lequel le sujet va devoir se consacrer de façon pluri-hebdomadaire à sa mise en condition physique pour atteindre l’étape ultime, c’est-à-dire la course à proprement parler.
Exergue ici : « Il est désormais courant de voir des patients se donner pour défi de réaliser une performance »
Pendant cette longue période, s’il est diabétique, il lui faudra non seulement s’entraîner comme les autres de façon régulière, mais en plus, contrôler fréquemment son taux de glucose, ajuster son traitement, tester ces ajustements pendant l’activité et recommencer, jusqu’à parvenir aux adaptations qui minimiseront le plus le risque hypoglycémique… sans pour autant induire d’hyperglycémie majeure, susceptible de conduire alors à une cétose. Pour contraignante que soit cette surveillance attentive, elle permettra à celui qui s’y conforme d’acquérir une meilleure connaissance de lui-même et une plus grande confiance, qui lui permettront ensuite de s’essayer à de nouveaux sports ou d’explorer de nouvelles conditions de pratique sportive.
Des ajustements à tester au niveau individuel
S’il est désormais possible de donner des recommandations précises d’adaptation, elles devront toujours être testées au niveau individuel, la variabilité interindividuelle étant majeure dans le domaine de l’activité physique chez le DT1 et la reproductibilité pas toujours assurée, y compris chez un même individu.
Avec l’expérience, les patients DT1 qui courent régulièrement deviennent souvent des experts dans l’interprétation de leurs sensations et dans la gestion de leur traitement. Ils sont attentifs au moindre signe ou symptôme et savent lui donner un sens. C’est un grand plaisir pour un soignant, quel qu’il soit, d’accompagner ces patients qui se cherchent dans le sport car ils font souvent preuve d’une motivation extrême, étant à la recherche de la meilleure stratégie susceptible d’allier performance et sécurité, et faisant parfois de la réussite d’un défi sportif une victoire contre l’adversité et la maladie. C’est aussi le devoir des soignants de répondre à leurs attentes, de ne pas se contenter de recommandations générales mais d’aller précisément et dans le détail, accompagner ces patients vers la réussite de leur objectif. Pour cela, la mesure en continu du glucose (MCG) ou le système Flash glucose (Freestyle libre d’Abbott) seront de précieux atouts.
La planification avant tout
Si la préparation d’un semi-marathon requiert pour tout un chacun une organisation précise, cette organisation devra être encore plus méticuleuse si le sujet qui s’apprête à courir est un patient DT1 traité par pompe. Une fois la date de la course connue, un rétroplanning sera établi, afin de démarrer la préparation physique 3 mois avant la date de la course. Des durées de préparation plus courtes peuvent aussi être envisagées mais avec alors des séances plus fréquentes et/ou plus longues, et plus souvent réalisables en pratique.
Les préalables indispensables sont les suivants : certificat médical attestant de l’absence de contre-indication à la course en compétition et, bien qu’il n’y ait pas de consensus sur la question, un bilan médical avec test d’effort est souvent réalisé ainsi éventuellement qu’une consultation chez le podologue. Le matériel utilisé devra également être de qualité et les chaussures de course bien adaptées.
Une préparation organisée en étapes
Bien que la préparation réponde à un continuum, pour des raisons didactiques, quatre étapes peuvent être décrites en pratique.
1) La mise en condition physique à proprement parler
Pendant les 11 semaines précédant la course, le patient s’entraînera si possible à raison de trois séances par semaine, sur des durées et à des intensités croissantes au fil du temps. Les entraînements comprendront chaque semaine :
– Une séance longue de footing d’une heure au démarrage, et dont la durée s’allongera au fil du temps pour atteindre 1 h 50 à 2 heures à la 10e semaine, soit environ 2/3 de l’objectif de temps de la course ;
– Une séance de fractionné comportant un échauffement puis des accélérations de différentes durées, suivies immédiatement d’une période de récupération sous forme de footing voire de marche chez les débutants,
– Une séance « d’assimilation » : simple footing sans contrainte, d’assez courte durée (30 à 45 minutes).
Si la première et la troisième séance sont aérobies, avec un effet nettement hypoglycémiant, la deuxième va plutôt mobiliser la filière anaérobie et la sécrétion de catécholamines avec, de fait, plutôt une action hyperglycémiante.
Toute la difficulté pour le patient au cours de ces séances sera donc d’arriver à maintenir une glycémie dans la cible qui lui permette de ne pas risquer d’hypoglycémie (le plus fréquent), ni à l’inverse, d’hyperglycémie avec cétose. Lors des séances d’endurance (aérobies), il devra réduire ses doses d’insuline : soit une réduction du bolus soit du débit de base, suivant l’horaire de la séance par rapport au repas. Ainsi, en cas d’activité physique à distance d’un repas, la réduction du débit de base de la pompe par le passage en débit de base temporaire devra être démarrée idéalement 45 minutes avant la séance si celle-ci a été programmée, pour limiter le risque hypoglycémique pendant la séance et au décours de celle-ci (2). Par ailleurs, avec l’allongement des séances, il lui faudra, en plus, consommer des glucides en conséquence, pour compenser l’utilisation de sucres par les muscles et reconstituer les stocks musculaires de glycogène au décours des séances.
Quant à la séance de fractionné, l’hyperglycémie qu’elle induit est souvent plus délicate à gérer, car les catécholamines alors secrétées ont une durée d’action très courte, induisant ainsi une hyperglycémie souvent de courte durée et dont la correction pourra s’accompagner alors d’hypoglycémies secondaires.
2) La semaine précédant la course
La semaine précédant la course sera plus relâchée. Elle comprendra trois séances de footing. La réduction des durées d’entraînement et le stress préparatoire peuvent alors occasionner une augmentation des besoins en insuline. La diététique sera également à adapter avec, dans les trois jours précédant la course, la nécessité de constituer des réserves de glycogène par le biais d’un apport suffisant en glucides en faisant la part belle aux féculents (riz, pâtes, pomme de terre etc..), sans augmenter pour autant les apports habituels en protéines. Du fait du relâchement dans l’activité physique mais aussi de la nécessité d’augmenter les apports glucidiques, il est possible qu’au cours de la semaine, le niveau glucidique en vienne à s’élever, justifiant alors des doses d’insuline plus importantes.
3) La course elle-même
Grâce à la préparation sur plusieurs mois, le sujet pourra alors choisir le jour de la course les modalités d’ajustement des doses d’insuline qui se sont révélées les plus efficientes. Une surveillance régulière tout au long de l’épreuve devra être réalisée, largement facilitée par l’utilisation du Freestyle libre. En parallèle, l’hydratation devra être assurée tout au long de la course de même que l’apport régulier en glucides.
4) La période post-course
La période post-course ne doit pas non plus être négligée. Il peut arriver que le patient se retrouve, à l’arrivée de la course en hyperglycémie, qu’il n’y aura pas lieu de corriger le plus souvent, car résultant principalement de l’effet des catécholamines. Parfois cependant, il pourra être nécessaire d’augmenter légèrement le débit de base si celui-ci avait été réduit pendant le sport, ou de compenser prudemment cette hyperglycémie. Le sujet peut aussi être en hypoglycémie du fait de l’utilisation accrue du glucose par les muscles mais aussi de la reconstitution en cours des réserves en glycogène musculaire à l’arrêt du sport.
Le caractère interactif de l’atelier devrait permettre aux participants d’interroger en direct M. Jérôme Trublet, atteint de DT1, sur sa propre pratique sportive en sachant qu’en tant que président de l’USD, il a été amené à conseiller également nombre de sportifs. Quant aux médecins animateurs de l’atelier, le rôle sera avant tout de revenir aux recommandations et données de la littérature publiées, pour donner aux propositions pratiques formulées une assise un peu plus scientifique et pour discuter également des propositions alternatives.
(1) Atelier coanimé par M. Jérôme Trublet, président de l’Union sport et diabète (USD) et marathonien lui-même et les Dr Sophie Borot et Sylvia Franc, médecins diabétologues, toutes deux très impliquées dans le suivi des patients diabétiques de type 1. La Dr Sophie Borot est membre du conseil scientifique de la SFD et la Dr Sylvia Franc, membre du Groupe de la SFD « Sport et diabète », a travaillé à l’élaboration de recommandations sur « Activité physique et DT1 ».
(2) Riddell MC, Gallen IW, Smart CE, Taplin CE, Adolfsson P, Lumb AN, et al. Exercise management in type 1 diabetes: a consensus statement. Lancet Diabetes Endocrinol. 1 mai 2017;5(5):377‑90
(3) Franc S, Daoudi A, Pochat A, Petit M ‐H., Randazzo C, Petit C, et al. Insulin‐based strategies to prevent hypoglycaemia during and after exercise in adult patients with type 1 diabetes on pump therapy: the DIABRASPORT randomized study. Diabetes Obes Metab. déc 2015;17(12):1150‑7.
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