De nouvelles données indiquent que les effets de la metformine, l’antidiabétique le plus utilisé au monde, proviennent de l’intestin. Cet organe représente le premier réservoir de ce médicament, avec une accumulation dans le jéjunum de 30 à 300 fois supérieure à celle du plasma. D’ailleurs quand la metformine est administrée par voie IV, contournant l’intestin, elle n’abaisse pas la glycémie. Et une metformine orale à libération très retardée, qui délivre le médicament plus loin sur l’intestin, avec une exposition plasmatique plus faible, a un effet hypoglycémiant plus important que la metformine habituelle.
Un essai randomisé s’est attaché à déterminer les effets à long terme, sur le microbiote intestinal et les acides gras à chaîne courte (AGCC), d’un traitement par la metformine, versus une perte de poids obtenue par prise en charge comportementale (1).
Trois bras parallèles ont été constitués, chez des adultes en surpoids ou obèses (n = 121) durant 12 mois : metformine (jusqu’à 2000 mg/j) ; prise en charge comportementale sous le contrôle d’un coach en vue d’une perte de poids ; soins autodirigés (groupe contrôle). Les selles et le sérum ont été collectés au départ, à 6 et 12 mois. Les ADN microbiens ont été extraits des selles, avec un séquençage amplicon et métagénomique. Les AGCC et d’autres paramètres ont été relevés dans le sérum.
Les participants étaient des patients ayant guéri d’un cancer, à 79 % des femmes et 46 % des Afro-américain.es, d’âge moyen 60 ans.
Les effets pondéraux étaient similaires dans le groupe metformine et le groupe de perte de poids mais seule la metformine eut des effets sur le microbiote intestinal. Elle a modifié favorablement sa composition, avec une augmentation d’Escherichia et de Ruminococcus, et une diminution d’Intestinibacter Bartlettii à 6 et 12 mois et de Roseburia intestinalis à 12 mois. Par rapport au groupe témoin, la metformine a également augmenté le butyrate, l’acétate et le valérate à 6 mois (mais pas à 12 mois), ce qui a été associé à une baisse de l’insulinémie à jeun. Enfin la métagénomique a montré que la metformine a altéré 62 voies fonctionnelles, dont une productrice d’acétate et trois du métabolisme du glucose. Au total, la metformine, mais pas la perte de poids seule, a affecté la composition du microbiote intestinal à 6 mois et 12 mois. La metformine et la perte de poids comportementale ont modifié les AGCC circulants à 6 mois, l’acétate en particulier, ce qui est corrélé à l’insuline à jeun.
Des formes galéniques à revoir en France ?
Ces résultats confirment beaucoup d’autres travaux mettant en évidence les effets intestinaux majeurs de la metformine. Aucune des deux formes galéniques de metformine utilisées aux États-Unis, semble-t-il plus efficaces, ne sont commercialisées sur le marché français. Ironie, lorsqu’on sait que cet antidiabétique fut découvert en France et longtemps boudé par les Américains.
Notons toutefois la faible perte de poids à 1 an dans les deux groupes, mois de 3 kg, et un coaching qui ne fut que téléphonique et fondé sur le régime Dash. On ne peut parler d’une prise en charge énergique ! Quid si la perte poids avait été plus importante ? Enfin pourquoi avoir choisi des sujets après guérison de cancers (tumeurs solides) ? Les personnes en surpoids ou obèses ne manquant nulle part, et surtout aux États-Unis !
Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Mueller NT, Differding MK, Zhang M, Maruthur NM, Juraschek SP, Miller ER 3rd, Appel LJ, Yeh HC. Metformin Affects Gut Microbiome Composition and Function and Circulating Short-Chain Fatty Acids: A Randomized Trial. Diabetes Care. 2021 May 18:dc202257. doi: 10.2337/dc20-2257
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