Des chercheurs viennent de montrer que paradoxalement, les sujets en surpoids ou obèses souffrant d'un cancer du rein métastatique ont une meilleure survie même après ajustements sur les facteurs classiques d'agressivité de ces tumeurs (1). Pourquoi ? Dans les tumeurs de ces sujets en surpoids ou obèses, les chercheurs ont mis en évidence que les cellules cancéreuses exprimaient peu la FAS (Fatty Acid Synthetase), enzyme clé dans la synthèse des acides gras. La lipogenèse semble donc jouer un rôle central dans le pronostic. Ce qui ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques.
Une vaste étude menée sur deux cohortes de patients sous thérapies ciblées
Les auteurs ont travaillé sur une base de données réunissant près de 2000 patients traités par thérapies ciblées pour un cancer du rein métastatique. Leur poids et leur taille étaient mesurés en début du traitement. Dans cette cohorte, les sujets ayant un IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2 ont une survie médiane de 25,6 mois contre 17,1 mois chez ceux d'IMC inférieur à 25 kg/m2 (RR = 0,84 ; 0,73-0,95). Pour confirmer cette observation, cette analyse a été répétée sur les données de près de 5 000 sujets inclus dans des études cliniques. À nouveau, un IMC élevé est associé à une meilleure survie médiane : 23,4 mois versus 14,5 (RR = 0,83 ; 0,74-0,93). Un IMC élevé constitue donc un facteur pronostique favorable en termes de survie dans les cancers rénaux métastatiques sous biothérapies.
lipogenèse tumorale et agressivité
« Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer cet impact en particulier une moindre agressivité tumorale chez ces patients. Elle pourrait être liée à une moindre activation de la lipogenèse néoplasique, explique la Dr Albigues. En effet dans les cellules tumorales, l'expression de l'enzyme régulant la synthèse des acides gras, la FAS est souvent majorée. Ce qui confère aux cellules cancéreuses un avantage pour utiliser la voie des acides gras pour leur survie et prolifération. Nous avons donc étudié les données clinicobiologiques de cancers rénaux issus de l'atlas génomique des cancers (TCGA) et de patients traités au Boston/Harvard Cancer Center pour cancer du rein métastatique. Aucune mutation génétique spécifique n'a pu être mise en évidence. En revanche au niveau de l'expression des gènes, on a observé que l'expression du gène de la FAS était inversement corrélé à l'IMC. Il est moins exprimé dans les cancers rénaux de patients obèses », résume la Dr Albigues.
Implications cliniques
« Pourquoi cette expression est plus basse dans les cellules tumorales chez les patients obèses ? Il y a manifestement une interaction entre l'hôte et la cellule tumorale, selon la Dr Albigues. C'est la pièce manquante du puzzle ». Chez ces sujets les cellules tumorales n'arrivent peut-être pas à activer cette voie métabolique et à profiter de l'avantage métabolique associé. C'est pourquoi des inhibiteurs de la FAS ont été testés in vitro et sur modèles animaux. Dans des modèles de glioblastome les résultats sont encourageants.
« Mais d'un autre côté la perte pondérale sous traitement reste un facteur de mauvais pronostic même après ajustement sur les autres facteurs pronostiques. C'est pourquoi la lutte contre la dénutrition et la perte de poids chez les patients reste primordiale en pratique clinique », souligne la Dr Albigues.
D'après un entretien avec la Dr Laurence Albigues (IGR, Villejuif)
(1) Albiges L et al. Body Mass Index and Metastatic Renal Cell Carcinoma: Clinical and Biological Correlations. J Clin Oncol 2016. doi: 10.1200/JCO.2016.66.7311
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?