Le jeûne du Ramadan est l’un des cinq piliers de l’Islam. Pendant un mois, tous les musulmans en bonne santé doivent s’abstenir de manger, boire, avaler des médicaments, fumer et d’avoir des relations sexuelles de l’aube jusqu’au coucher du soleil. La durée du jeûne peut varier de quelques heures à près de 20 heures en fonction des pays et de la période de l’année à laquelle commence le Ramadan.
Pendant le Ramadan, la plupart des pratiquants consomment deux repas par jour : l’Iftar (après le coucher du soleil) et le Suhur (avant l’aube). L’alimentation est généralement hypercalorique (surtout pendant l’Iftar), riche en aliments traditionnels gras et sucrés, et pauvre en fibres. Si le Coran prévoit des conditions d’exemption en particulier chez les enfants de moins de 12 ans, chez les femmes enceintes ou « quand le jeûne peut altérer de façon significative la santé du jeûneur ou quand la personne est malade », une majorité de patients diabétiques musulmans souhaite respecter le jeûne, souvent sans prendre l’avis de leur médecin ni ajuster leur traitement, ce qui les expose à un risque métabolique accru.
Les principaux risques encourus par les patients diabétiques sont les suivants : hypoglycémie, hyperglycémie, acidocétose, déshydratation et thrombose. Il existe plusieurs consensus d’experts visant à optimiser la prise en charge du diabète pendant le Ramadan, comme celui de l’American Diabetes Association (1) ou de l’International Group for Diabetes and Ramadan (2). La fédération internationale du diabète (IDF) vient de publier des recommandations très complètes, disponibles en accès libre (3).
L’une des principales nouveautés est la stratification des patients en 3 (et non plus 4) catégories : patients à très haut risque (hypoglycémie sévère, acidocétose ou coma hyperosmolaire lors des 3 derniers mois ; hypoglycémies itératives et/ou non ressenties ; DT1 mal contrôlé ; complications macrovasculaires évoluées ; insuffisance rénale stade 4/5 ou dialyse ; femme enceinte traitée par insuline ; sujet âgé fragile ; maladie aiguë intercurrente), patients à haut risque (DT2 mal contrôlé ; DT2 bien contrôlé sous multi-injections d’insuline ; DT1 bien contrôlé ; insuffisance rénale chronique stade 3 ; complications macrovasculaires stables ; femme enceinte sous régime seul ; comorbidités significatives ; traitements pouvant induire des troubles cognitifs ; exercice physique intense), et patients à risque faible ou modéré (DT2 bien contrôlé sous antidiabétiques oraux, GLP-1 et/ou insuline basale).
Selon l’IDF, les patients à risque faible ou modéré peuvent jeûner après avoir consulté un professionnel de santé un à deux mois avant le début du Ramadan et reçu une éducation thérapeutique adaptée, avec ajustement de leur traitement et renforcement de leur suivi (et notamment de l’autosurveillance glycémique). A contrario, l’IDF précise que les patients à haut risque « ne devraient pas jeûner » et que les patients à très haut risque « ne doivent pas jeûner », mais insiste sur le fait que de nombreux patients à haut ou très haut risque vont exprimer malgré tout le désir de le faire : ils doivent alors être parfaitement informés des risques encourus mais accompagnés pour tenter de les minimiser.
Sur le plan thérapeutique, certains antidiabétiques oraux ne nécessitent aucune modification pendant le mois du Ramadan (en dehors de la suppression d’une éventuelle prise de midi) : c’est le cas de la metformine, de l’acarbose, des iDPP4 et, pour les agents non commercialisés en France, des thiazolidinediones et des inhibiteurs de SGLT2 (en privilégiant pour ces derniers une prise avant l’Iftar et se méfiant du risque potentiel de déshydratation).
Concernant les sulfamides, le gliclazide et le glimépiride doivent être favorisés par rapport à des produits plus anciens comme le glibenclamide du fait d’un risque accru d’hypoglycémie : on veillera à préconiser une administration avant l’Iftar pour les sulfamides en une prise par jour, et à baisser la posologie quotidienne chez les patients bien équilibrés. Pour le répaglinide, la dose journalière sera également diminuée, avec une redistribution en deux prises par jour, le plus souvent plus importante avant l’Iftar.
Aucune modification ne sera apportée pour les aGLP1, à condition que ceux-ci aient été introduits et titrés au moins 6 semaines avant le début du mois de Ramadan. En ce qui concerne l’insuline basale, il est conseillé de réduire la dose de 15 à 30 % si elle est administrée une fois par jour (Iftar) et, chez les patients recevant deux injections par jour, de conserver la dose usuelle du soir (Iftar) et de réduire la dose de 50 % du matin (Suhur) ; pour les insulines rapides, il est préconisé de ne pas changer la dose du soir (avant l’Iftar), de diminuer de 25 à 50 % la dose du matin (avant le Suhur) et de ne pas faire d’injection à midi. Des conseils spécifiques existent également pour les insulines prémélangées, ainsi que pour les traitements par multi-injections ou par pompe à insuline des patients DT1 (3).
(1) Al-Arouj et al. Diabetes Care 2010;33(8):1895-902
(2) Ibrahim M, et al. BMJ Open Diabetes Research and Care 2015;3:e000108
(3) Diabetes and Ramadan: practical guidelines. International Diabetes Federation (IDF), in collaboration with the Diabetes and Ramadan (DAR) International Alliance. April 2016. http://www.idf.org/guidelines/diabetes-in-ramadan
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