Les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) ont encore tenu la vedette lors du congrès virtuel de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) qui s’est déroulé à la fin du mois d’août, avec la présentation de deux études majeures dont on imagine aisément qu’elles auront des répercussions dans notre pratique clinique dans un futur proche.
La première est l’étude Emperor-Reduced (1) visant à comparer l’empagliflozine (10 mg/j) et un placebo en add-on des traitements usuels recommandés chez des patients diabétiques ou non, présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) diminuée (≤ 40 %). Il s’agit d’un essai randomisé incluant 3 730 patients (âge moyen 67 ans, sexe ratio trois hommes pour une femme, diabète 49,8 % des cas, FEVG moyenne 27,4 %) dont le critère primaire de jugement était un composite « décès cardiovasculaire ou hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque ». Au terme d’un suivi médian de 16 mois, on observe une baisse significative du risque pour le critère primaire sous empagliflozine (19,4 % vs 24,7 % sous placebo ; HR = 0,75 ; IC95 [0,65-0,86] ; p < 0,001), avec des courbes qui divergent dès le 3e mois.
L’analyse en sous-groupes montre que ce bénéfice est retrouvé à l’identique que les sujets soient ou non diabétiques, et qu’ils soient traités ou non par sacubitril-valsartan. Ce résultat positif est « tiré » par la réduction du nombre des premières hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque sous empagliflozine (13,2 % vs 18,3 % sous placebo ; HR = 0,69 ; IC95 [0,59-0,81]) alors que le taux de décès cardiovasculaire est comparable dans les deux groupes (10,0 % vs 10,8 % ; HR = 0,92 ; IC95 [0,75-1,12]).
Deux critères secondaires prévus dans le plan statistique sont en faveur de l’empagliflozine : la baisse significative du nombre total d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (HR = 0,70 ; IC95 [0,58-0,85] ; p < 0,001) et le moindre déclin du débit de filtration glomérulaire (ΔDFG = − 1,73 ml/min/1,73 m2/an ; IC95 [1,10-2,37] ; p < 0,001).
Ces résultats confirment donc ceux de l’essai DAPA-HF publié l’an dernier et ayant conduit la FDA à approuver la dapagliflozine pour réduire le risque de décès cardiovasculaire et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez les patients avec une insuffisance cardiaque à FEVG diminuée, qu’ils soient diabétiques ou non. Il faut toutefois noter que les patients inclus dans Emperor-Reduced présentaient une insuffisance cardiaque plus avancée que ceux de DAPA-HF (FEVG moyenne 27,4 vs 31,1 % ; NT-proBNP 1 887 vs 1 437 pg/ml, traitement par sacubitril-valsartan 19,5 % vs 10,7 %), ce qui pourrait expliquer, au moins en partie, la discordance entre les deux essais sur la mortalité cardiovasculaire (HR = 0,92 ; IC95 [0,75-1,12] dans Emperor-Reduced ; HR = 0,82 ; IC95 [0,69-0,98] dans DAPA-HF).
Un arrêt prématuré de l’essai
La seconde est l’étude DAPA-CKD (2) visant à comparer la dapagliflozine (10 mg/j) et un placebo en add-on d’un traitement par IEC ou ARA2 chez des sujets, diabétiques ou non, présentant une néphropathie associant une insuffisance rénale chronique stade 2 à 4 (DFG 25 à 75 ml/mn/1,73 m2) et une élévation de l’excrétion urinaire d'albumine (EUA albumine/créatinine urinaire 200 à 5 000 mg/g). Il s’agit d’un essai randomisé incluant 4 304 patients (âge moyen 62 ans, hommes 67 %, diabète dans 67,5 % des cas, DFG 43 ml/mn/1,73 m2, EUA 950 mg/g). Le critère primaire de jugement était un composite « diminution d’au moins 50 % du DFG, insuffisance rénale chronique terminale, décès d’origine cardiovasculaire ou rénale ». L’essai a été arrêté de façon prématurée en raison du bénéfice majeur observé dans le groupe dapagliflozine. Au terme d’un suivi médian de 2,4 ans, il existe ainsi une réduction significative de la survenue du critère primaire sous dapagliflozine (HR = 0,61 ; IC95 [0,51-0,72] ; p = 0,000000028) ; ce bénéfice est retrouvé à l’identique dans tous les sous-groupes étudiés, et notamment que les sujets soient diabétiques ou non.
Concernant les critères secondaires, la dapaglifozine réduit le risque de survenue d’un critère composite rénal « diminution d’au moins 50 % du DFG, insuffisance rénale chronique terminale, décès d’origine rénale » de 44 % (p < 0,0001), le risque de survenue d’un décès cardiovasculaire ou d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 29 % (p = 0,0089) et, de façon remarquable, le risque de mortalité totale de 31 % (p = 0,0035). Les résultats de l’essai DAPA-CKD sont en accord avec ceux de l’étude Credence obtenus avec la canagliflozine dans une population comparable sur le plan rénal mais composée uniquement de patients présentant un diabète de type 2.
Dans les deux études rapportées lors du congrès de l’ESC, les iSGLT2 ont présenté un très bon profil de tolérance, sans aucun signal négatif sur les amputations, les acidocétoses, les fractures ou les manifestations liées à une hypovolémie. Le rapport bénéfices-risques de l’empagliflozine et de la dapagliflozine est donc hautement favorable, et nul doute que de nouvelles AMM devraient bientôt arriver.
Hôpital de la Conception, Marseille Liens d’intérêt : Astra Zeneca, Boehringer Ingelheim, Mundipharma, Novo Nordisk, Lilly, MSD, Sanofi, Abbott
(1) Packer et al, for the EMPEROR-Reduced Trial Investigators. Cardiovascular and renal outcomes with empagliflozin in heart failure. N Engl J Med, published online 29 August 2020
(2) DAPA-CKD trial, résultats présentés lors du congrès virtuel de l’ESC, 30 août 2020
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