« Le prolactinome est plus fréquent que supposé il y a encore dix-quinze ans, explique le Pr Dominique Maiter, endocrinologue à l’université catholique de Louvain à Bruxelles et rapporteur des dernières recommandations internationales sur la prise en charge lors du congrès de la Société française d’endocrinologie (SFE) du 16 au 18 octobre. Il faut y penser en cas de symptômes - troubles du cycle, galactorrhée, infertilité chez les femmes, hypogonadisme, baisse de libido et dysfonction sexuelle chez les hommes - il y a encore trop de diagnostics tardifs ». C’est une maladie rare, mais la plus fréquente des tumeurs hypophysaires (50 %), avec une prévalence estimée entre 1/2 000 et 1/3 000 dans la population, « voire 1/1 000 chez les jeunes femmes, ce qui est loin d’être exceptionnel », souligne l’endocrinologue.
Le spécialiste belge est l’un des 36 experts issus de 13 pays à avoir participé à la rédaction de la conférence de consensus de la Pituitary Society, qui a été publiée fin 2023. « Les précédentes recommandations dataient de plus de treize ans, il était temps de revoir les lignes de conduite après les dernières avancées dans le diagnostic et le traitement », poursuit-il.
Explorer les autres causes en cas d’hyperprolactinémie modérée
Le diagnostic repose toujours sur le dosage (répété) de la prolactine couplé à l’IRM hypophysaire. Désormais, « un taux de prolactine supérieur à six fois la limite supérieure de la normale chez la femme et à cinq fois chez l’homme est fortement évocateur de la présence d’un prolactinome, indique le Pr Maiter. En dessous de ce seuil, les autres causes d’hyperprolactinémie doivent également être envisagées ».
En cas de dosage élevé, la présence de macroprolactine (« big-big PRL »), ce complexe circulant de plusieurs molécules de prolactine couplées à des immunoglobulines, est à exclure. « La vérification est de la responsabilité des laboratoires en cas de dosage élevé, explique le Pr Maiter. Cela consiste à réaliser une précipitation du sérum au PEG avant de doser à nouveau la prolactine dans le surnageant et vérifier qu’elle reste trop élevée. »
En cas d’hyperprolactinémie modérée (inférieur à six fois la normale chez la femme, et inférieur à cinq fois chez l’homme), d’autres causes sont à rechercher. « Les plus fréquentes sont médicamenteuses (neuroleptiques, antidépresseurs, anti-dopaminergiques, etc.) ; figurent aussi l’insuffisance rénale, la grossesse, la compression de la tige pituitaire par une autre tumeur, ou encore des causes externes comme le stress (<2N) », cite en exemple le Pr Maiter.
Quant à l’effet crochet, avec prolactine paradoxalement peu augmentée en cas de tumeur volumineuse, « il n’est plus observé avec les dosages modernes ».
Si l’adénome est répondeur au traitement et non menaçant pour les voies optiques, la surveillance IRM peut être arrêtée
Une surveillance par IRM allégée
Concernant l’imagerie, l’IRM peut être réalisée sans injection une fois le diagnostic posé (l’examen initial reste complet, dynamique après gadolinium) et la fréquence du suivi réduite selon le type tumoral (à douze mois si microprolactinome, à trois-six mois si macroprolactinome). Si l’adénome est répondeur au traitement (normalisation de la prolactinémie, diminution tumorale) et non menaçant pour les voies optiques, la surveillance IRM peut être arrêtée tant qu’une modification du traitement n’est pas envisagée.
La place du dépistage génétique (mutation germinale des gènes MEN1 et AIP) est recommandée chez les patients avec une histoire familiale d’adénomes hypophysaires et les jeunes (< 30 ans) présentant un macroadénome.
Le retour en grâce de la chirurgie
La nouveauté principale pour le traitement concerne la place de la chirurgie « qui avait été reléguée au 2e plan après les agonistes dopaminergiques et qui n’était proposée que dans des indications très limitées », rapporte l’endocrinologue. À partir de 2011, une série d’études a montré les bons résultats de la chirurgie dans les tumeurs de petite taille et non invasives, avec peu de complications. « Le rapport coût-efficacité de la chirurgie est intéressant, alors que les agonistes dopaminergiques peuvent entraîner à long terme dans 10-15 % des cas des troubles compulsifs (alimentaires, jeux, achats, hypersexualité). Ces effets indésirables bien connus des neurologues que les endocrinologues ont mis du temps à découvrir en raison des doses utilisées généralement plus faibles », expose le Pr Maiter, ajoutant qu’a minima les médicaments peuvent aussi altérer la qualité de vie avec fatigue et céphalées.
En cas de tumeur bien limitée (micro-adénome ou macro-adénome non invasif), les deux options sont à égalité, les avantages et inconvénients sont à présenter au patient pour une décision partagée. La cabergoline reste l’agoniste dopaminergique de choix. « Le principal inconvénient de la chirurgie est que des récidives peuvent survenir avec nécessité de reprendre les médicaments, explique le Pr Maiter. La chirurgie ne convient pas à tous ». La prise en charge neurochirurgicale est à réserver aux centres experts.
Les chances de rémission augmentent après une ou plusieurs grossesses
Une troisième option récente, le témozolomide, un agent alkylant, peut être proposé pour des tumeurs agressives et/ou métastatiques, habituellement résistantes et progressant malgré un traitement médicamenteux à fortes doses, chirurgie et radiothérapie. « Une rémission partielle ou complète est observée dans 40 % des cas, là où il n’y avait pas grand-chose auparavant », souligne le Pr Maiter. D’autres traitements hyperspécialisés peuvent être tentés en cas d’échec du témozolomide, mais ceux-ci ne peuvent être envisagés que dans des centres avec expertise oncologique (nivolumab, pembrolizumab, thérapie ciblée par inhibiteurs de tyrosine kinase ou radiothérapie vectorisée).
À l’inverse, en cas de bonne réponse aux agonistes dopaminergiques, un arrêt de traitement peut être tenté ; cet arrêt ne sera couronné de succès que chez environ 20 % de tous les patients, mais les chances de rémission prolongée augmentent à 50 % après sélection des patients. « Les chances de succès sont plus élevées en cas de prolactinémie normale avec une faible dose de médicaments, de traitement de plus de deux ans et/ou de réduction d’au moins 50 % de la taille de la tumeur », indique le Pr Maiter. Après arrêt, un contrôle sérique est effectué tous les trois mois la première année puis une fois par an ; une IRM n’est indiquée qu’en cas de récidive. Les chances de rémission augmentent aussi après une ou plusieurs grossesses (le traitement est en principe arrêté pendant) et à la ménopause, « un arrêt doit être tenté à ces moments-là », suggère l’endocrinologue. Même en cas de récidive, le traitement n’est pas forcément à vie. « À la ménopause, même s’il existe une récidive biologique, elle reste modérée et asymptomatique et il n’est pas nécessaire le plus souvent de reprendre le traitement médicamenteux », propose le Pr Maiter.
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