LE QUOTIDIEN : Alors qu'en 2017, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointait le fait qu'un trop grand nombre d'opérations de chirurgie bariatrique était réalisé en France, qu'en est-il aujourd'hui ?
Dr VIANNA COSTIL : En 2018, 32 000 sleeves, 13 000 bypass et 1 500 anneaux gastriques ont été réalisés. En 2020, le Covid a entraîné une baisse de l'activité alors que l'accès aux blocs opératoires a été limité. Nous n'avons pas encore les chiffres de 2021, mais l'activité a aujourd'hui repris. Avant le rapport de l'Igas, les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) n'étaient pas systématiques et les bilans n'incluaient donc pas toujours le bilan diététique, psychologique, psychiatrique, cardiologique, pneumologique, etc. Aujourd'hui, les dossiers sont bien cadrés pour une demande de chirurgie de l'obésité. Et lorsque ce n'est pas le cas, l'Assurance-maladie rejette les dossiers.
En 2018, la Société française et francophone de chirurgie de l'obésité et des maladies métaboliques (Soffco.MM) a par ailleurs mis en place un registre des interventions bariatriques en France avec la volonté d'améliorer les pratiques. En principe, tous les patients opérés peuvent être enregistrés, mais il n'y a aucune obligation de le faire pour les chirurgiens. Un registre pour l’endosleeve est en cours de création par la Société française d’endoscopie digestive (SFED). À noter que chaque année, 700 endosleeves sont réalisées et environ 4 000 ballons gastriques sont posés.
Quelle est la place de ces deux techniques par rapport à la chirurgie bariatrique ?
Les indications sont différentes. La chirurgie de l'obésité est réservée, selon les recommandations de la Haute Autorité de santé, aux patients ayant un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40 kg/m² ou bien à 35 kg/m² avec comorbidités liées à l'obésité (diabète, hypertension, stéatose importante, dyslipidémie, hypercholestérolémie…). Les trois principales techniques - sleeve, bypass et anneau gastrique - sont prises en charge par l'Assurance-maladie.
Pour les patients obèses ne répondant pas à ces critères, les deux techniques endoscopiques peuvent être envisagées. Depuis 2000, la pose de ballon gastrique est proposée aux patients en France, même à partir d'un IMC > 27, et depuis quatre ans, le recours à l'endosleeve est aussi possible pour un IMC > 30 dans le cadre d’évaluations scientifiques.
Ces deux approches ont montré leur efficacité à la fois sur la perte de poids et sur l'amélioration des comorbidités liées à l'obésité et sont plus simples à réaliser, moins invasives que la chirurgie bariatrique. Elles entraînent très peu de complications, avec en moyenne une perte de 17 % du poids de départ, soit en moyenne 20 kg en six mois. Néanmoins, aucune de ces deux approches endoscopiques n’est remboursée.
À noter qu'au-delà des indications et contre-indications médicales, le choix de la technique relève aussi de la volonté du patient et du dialogue avec le chirurgien.
Et quels sont les résultats à long terme ?
Comme pour la chirurgie, tout est lié au suivi. Les techniques chirurgicales et endoscopiques font office de « starters », c'est-à-dire qu'elles permettent d'aider à une perte de poids rapide, contribuant à motiver le patient, mais elles ne suffisent pas à elles seules.
C'est le suivi personnalisé avec l'accompagnement pluridisciplinaire et une activité physique régulière qui permet la pérennité de la perte de poids et l'absence de rechute. Car les rechutes sont fréquentes, notamment pour la chirurgie pour laquelle on estime qu’il y a 30 % de rechute, mais les patients ne sont pas tous réopérés. C'est très important que les patients intègrent ce risque de rechute pour les inciter à être bien suivis.
Le temps du suivi dépend de différents facteurs : du bilan de départ, fait en amont de l'intervention, mais aussi de la façon dont les patients évoluent et souvent du contexte psychologique.
Avec l'avènement de la téléconsultation, le suivi peut aussi bien être réalisé en présentiel qu'à distance, ce qui facilite grandement la surveillance, car ce n'est pas toujours simple pour les patients d'aller en consultation régulièrement.
De nouveaux médicaments viennent d'être autorisés dans l'obésité et d'autres, prometteurs, sont en cours d'évaluation. Quelle doit être leur place face aux techniques chirurgicales et non chirurgicales ?
Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère : les différentes approches me semblent complémentaires et peuvent être combinées dans une prise en charge pluridisciplinaire et personnalisée. Je pense que l'on va bientôt tendre vers une prise en charge semblable à celle des cancers, associant chirurgie et différentes approches thérapeutiques. L'obésité est une maladie chronique pour laquelle nous disposons désormais de techniques interventionnelles, chirurgicales ou non, des médicaments qui vont être de plus en plus efficaces et des approches non médicamenteuses (activité physique, approche nutritionnelle, etc.).
Ces médicaments ne remplaceront sans doute pas la chirurgie, qui restera indiquée en dernier recours. L'objectif est toutefois d'éviter d'en arriver là alors que la chirurgie bariatrique n'est pas sans risque. Elle entraîne des fistules dans 2 % des cas et une hémorragie dans 3 % des cas.
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